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dimanche 5 janvier 2014

LA LIBANISATION DU LIBAN



LA LIBANISATION DU LIBAN

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps



Bibliothèque incendiée


Le mot libanisation est entré dans le vocabulaire courant pour exprimer un processus de fragmentation d'un État, résultant de l'affrontement entre diverses communautés de confessions diverses. Le Liban a déjà connu ces dérives dans les années 1980 et il semble qu’il renoue avec ce malheur alors que l’espoir avait envahi les hommes politiques de la région. Trente années plus tard, la guerre civile s’installe à nouveau, avec son cortège d’assassinats politiques, de discours haineux et de divisions communautaires. 






Assassinats


Obsèques de Shatah



Durant cette dernière décennie, au moins dix assassinats politiques ont été perpétrés avec quatre pour  la seule année 2005. Les leaders des différentes communautés usent de propos guerriers incitant à la haine ou à la violence car la population est actuellement divisée en deux clans principaux, pro ou anti Assad.

La guerre civile est à nouveau en marche. L’ancien ministre Mohamed Shatah avait eu le nez fin quand il avait annoncé que «nous allons de crise en crise avec un calme superficiel entre deux. Mais les crises se rapprochent pour fusionner en une seule crise dévorante». Le 27 décembre 2013 il a payé de sa vie cette prédiction dans un attentat qui a tué sept autres personnes. Alors que le bain de sang continue en Syrie, dans l’indifférence générale, plus d’un million de syriens, le quart de la population du Liban, ont traversé la frontière pour modifier l’équilibre fragile des communautés. D'ailleurs on s'en prend actuellement au symbole de la culture chrétienne en incendiant les bibliothèques.

La guerre entre clans religieux, qui s’était atténuée après les drames de 1975 et 1990, s’est accrue au paroxysme avec la haine entre sunnites et chiites. Bachar Al-Assad compte sur ce moyen pour assurer sa mainmise sur le Liban tout en coordonnant ainsi, par procuration, la lutte entre l’Iran et l’Arabie saoudite. Entre ces deux communautés, les Chrétiens paient le plus lourd tribut en devenant minoritaires et en ne trouvant leur salut que dans la fuite vers l’étranger.



La main de l’Iran


Général iranien assassiné entre Beyrouth et Damas


Israël avait lancé de multiples mises en garde au monde occidental sur la capacité de nuisance des Gardiens iraniens de la Révolution qui arment, financent et entrainent le Hezbollah devenu le bras armé du régime d’Assad. En sauvant le régime de Damas au prix de la mort de 500 de ses combattants, la milice islamiste  s’est rendue indispensable en Syrie tout en cherchant à consolider sa position devenue précaire au Liban. Elle a écrasé toutes les têtes qui dépassaient parmi les sunnites libanais qui ont été réduits à un rang négligeable parce qu’ils ne disposent pas de milice armée, à l’exception des quelques combattants qui ont traversé la frontière pour prendre les armes du côté des rebelles. 
Alliance du 14 mars

Les Chrétiens sont à présent noyés dans la masse musulmane. Seule l’Alliance du 14 mars réussit encore à subsister en tant qu’entité active. Cette coalition politique regroupe les personnalités et les mouvements politiques qui ont pris part à la Révolution du Cèdre suite à l’assassinat, le 14 février 2005, de l’ancien premier ministre Rafiq Hariri. L’appellation «14-Mars» fait référence à la date de la grande manifestation qui a regroupé à Beyrouth, en 2005, plus de 1,3 million Libanais réclamant le retrait des troupes syriennes du pays et la pleine lumière sur l’assassinat de Rafiq Hariri. 
Mohamed Chatah

Le ministre assassiné Shatah était l’un des leaders de ce groupe et le représentant officiel de Saad Hariri en exil à Paris pour des raisons sécuritaires. Peu connu en Occident avant sa mort, Mohamed Chatah, était un adversaire résolu du Hezbollah. Il se rendait à une réunion politique lorsque son convoi a été la cible d’un attentat. Moins d’une heure avant de mourir, Mohamed Chatah avait publié un message accusant le Hezbollah de chercher à prendre les commandes au Liban : «Le Hezbollah exerce une grosse pression pour disposer, en matière de sécurité et de politique étrangère, de pouvoirs similaires à ceux détenus par la Syrie au Liban pendant 15 ans».



Blocage politique



Le Liban n’a toujours pas de gouvernement après la démission de Najib Mikati qui dirige un gouvernement intérimaire car l’obstruction du Hezbollah est vive sur fond de répartition des postes ministériels. Le combat politique a dégénéré en violence avec plus de 100 morts dans des attentats contre des mosquées sunnites et contre l’ambassade d’Iran. 
 
Attentat contre une mosquée

Les Sunnites ont réagi à leur tour en attaquant les miliciens du Hezbollah et en entrainant une chaine de violence qui supprime toute chance de coexistence entre communautés. Les Chrétiens sont à présent convaincus que l’alibi du Hezbollah tendant à faire croire qu’il existe pour résister et combattre «l’occupation israélienne de la Palestine» ne tient plus alors qu’en fait ses armes sont dirigées contre les populations libanaises.

En fait la survie du régime de Bachar Al-Assad passe par une escalade de la violence au Liban. L’assassinat du dirigeant de la coalition sunnite libanaise, Mohamed Chatah, entre dans sa stratégie d’enflammer le Liban. Il ne fait aucun doute que les commanditaires, sinon les exécutants de l’attentat, appartiennent au Hezbollah. L’ex-premier ministre, Fouad Siniora, en est convaincu : «Le meurtrier est le même, celui qui est assoiffé de sang syrien comme de sang libanais de Beyrouth à Tripoli et dans l’en­semble du Liban, le meurtrier est le même, lui est ses alliés libanais, de Deraa, à Alep, à Damas, à toute la Syrie». 
Dans cette anarchie, les Iraniens continuent à attiser une situation qui vire au désordre et à la violence. Ils visent toutes les personnalités charismatiques capables de diriger efficacement le Liban. Les économistes, les anciens diplomates en poste aux États-Unis, les fonctionnaires du FMI et les anciens ministres restent donc dans la ligne de mire des tueurs du Hezbollah.

Mais le paradoxe tient dans le fait que les autorités du Liban, et les Chrétiens en particulier, continuent de vouer Israël aux gémonies au lieu de rechercher des alliances parmi les défenseurs de l’Occident. Ils ne se rendent pas compte qu’ils font le jeu du Hezbollah et de l’Iran qui poursuit ses gesticulations politico-médiatiques. L'accord sur le nucléaire conclu à Genève constitue l'amorce d'un processus qui a pour finalité de faire passer l'Iran du stade d'un État terroriste, prônant l'extrémisme et le fondamentalisme, au stade d'un pays moderne, ouvert sur le monde. Mais le Hezbollah ne suivra pas l’Iran dans cette voie car sa vocation est de propager la mort. Israël en est conscient, surtout que le danger est à ses frontières.


2 commentaires:

Paule ALFON a dit…

Le monde occidental assiste impuissant à la mort du Liban .Par la terreur la Hezbollah impose sa loi criminelle élaborée par les non moins criminels iraniens !

Marco KOSKAS a dit…

Excellent titre en tous cas!... Mais le terme "libanisation" montre bien que s'il est un pays illégitime dans cette région c'est d'abord le Liban. Pourtant dans les instances internationales et à l'UE, personne ne " délégitimise " le Liban. On ne pense qu'à déligitimer Israël. Et l'on n'entend qu'un seul son de cloche: " sauver l'unité du Liban"... Quelle foutaise! Comme la société palestinienne de 1948, la société libanaise est une société clanique. Les moeurs y sont féodales et maffieuses. L'illusion de la bi-confessionalité n'aura duré qu'une trentaine d'années. Il n'y a que deux nations véritables dans cette région: l'Egypte et israël. Tous les autres pays ne sont que des mosaïques artificielles d'agrégats ethniques.