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mardi 3 décembre 2013

LA PRÉCARITÉ DE L’AXE ISRAÉLO-SAOUDIEN



LA PRÉCARITÉ DE L’AXE ISRAÉLO-SAOUDIEN

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps



Depuis l’accord intérimaire de Genève avec l’Iran, des informations laissent supposer qu'un rapprochement entre l’Arabie saoudite et Israël est en cours, bien qu'ils ne disposent pas de relations diplomatiques. Il s’agit à priori d’un souhait de certains milieux politiques plutôt que d’une réalité. Ces supputations s’expliquent par la concordance des critiques émises par les deux pays contre l’accord avec l’Iran. Il est probable que le conflit israélo-arabe ne sera plus le centre de gravité des tensions et qu'il s’effacera au profit des nouveaux clivages autour de la question iranienne. 





Critiques contre l’accord




Cependant le premier ministre israélien et le roi d’Arabie, très réservés sur la bonne foi iranienne, avaient eu une réaction différente à l’annonce de l’accord. Benjamin Netanyahou avait en effet déclaré qu’il ne se sentait pas lié par cet accord qu’il a qualifié «d’erreur historique». En revanche le roi d’Arabie avait été plus ambigu. Il avait accueilli avec prudence l’accord mais avait été choqué par la méthode, plus que par les décisions arrêtées, lorsqu’il avait appris qu’en fait des négociations avaient déjà commencé à son insu depuis plus de six mois, dans le plus grand secret. 
Mais il est vite rentré dans le rang puisque l’agence de presse saoudienne avait diffusé un communiqué du gouvernement saoudien estimant que «l'accord de Genève conclu entre les puissances internationales et l'Iran représentait une solution complète au litige sur le nucléaire iranien». Le cabinet du roi avait souligné que cet accord était le bienvenu car il contribue à maintenir l'absence d'armes de destruction massive, y compris d'armes nucléaires, dans la région du Moyen-Orient et des pays du Golfe. 
Nawaf Obaid

En revanche le Royaume avait laissé ses médias et quelques-uns de ses officiels se déchainer à l’instar de Nawaf Obaid, conseiller principal de la famille royale, qui a nommément accusé les Alliés de tromper le royaume et confirmé que «l’Arabie suivrait une politique étrangère indépendante». Il s’agissait en fait, entre les lignes, d’une menace voilée sur l’approvisionnement de pétrole aux Occidentaux, sans pourtant y voir de menace guerrière.

Ces critiques ouvertement affirmées avaient suscité le rêve d’une action concertée entre Israël et l’Arabie saoudite contre l’Iran. Les détails des facilités militaires accordées à Israël s’étalaient sur les unes des journaux comme s’il était de tradition pour l’armée israélienne de diffuser ses plans d’attaque. La stratégie de Tsahal a toujours été fondée sur la surprise et sur l’originalité de la méthode. Les Cassandres en seront pour leurs frais, en particulier le journal britannique Sunday Times qui avait été vite en besogne. En tout état de cause, rien ne laissait présager officiellement une coopération militaire bilatérale alors que l'Arabie conditionne ses relations avec Israël, d’abord à la résolution du conflit palestinien.



Tentatives de normalisation



Le royaume saoudien n’a participé à aucune des guerres arabes contre Israël. Au contraire, les politiques convergentes des deux principaux alliés des États-Unis dans la région laissaient entrevoir des initiatives politiques communes pour résoudre le problème israélo-arabe. L’Arabie Saoudite, gardienne des deux premiers lieux saints de l’islam, avait envoyé plusieurs signes pour illustrer sa volonté d’une nouvelle approche vis-à-vis de l’État hébreu visant à orienter le Moyen-Orient vers une phase inédite. 
Sommet arabe à Beyrouth en 2002

En effet, le roi Abdallah d’Arabie avait fait approuver par les États arabes, réunis à Beyrouth en 2002, un projet de normalisation des relations d’Israël avec tous les pays arabes en échange d’un retrait des territoires occupés par l'État hébreu depuis 1967, notamment le plateau du Golan et le secteur des fermes de Chebaa au Sud-Liban, de la création d’un État palestinien avec Jérusalem-est pour capitale et d’un règlement «équitable et agréé» de la question des réfugiés palestiniens «conformément à la résolution194 de l’Assemblée générale de l’ONU». Le premier ministre de l’époque, Ariel Sharon, avait rejeté cette initiative car la question des réfugiés, plus que celle des frontières, posait problème.

Certes les hypothèses de collaboration israélo-saoudienne peuvent être fondées car l’Histoire regorge de péripéties secrètes qui ont émaillé les relations et la coopération entre les deux pays. L’Arabie avait souvent les mêmes ennemis qu’Israël mais ne pouvait pas se permettre d’afficher des liens, considérés contre nature, qui seraient mal compris par les pays arabes. Ainsi l’Arabie, réfractaire à tous les mouvements d’émancipation des pays arabes, s’était opposée aux jeunes militaires fougueux qui avaient renversé la monarchie d’Égypte. Les relations saoudiennes tumultueuses avec l’égyptien Nasser, qui voulait rayer Israël de la carte, créaient ainsi des éléments de convergence avec les gouvernements israéliens.



Collaboration secrète


Imam Al-Badr avec son cousin Prince Hassan bin Hussein


Lorsque Nasser avait envoyé des conseillers auprès des militaires yéménites pour les aider à renverser, en septembre 1962, la monarchie ultraconservatrice de Sanaa, l’Arabie s’était opposée à son projet. Pensant remporter un succès facile, Nasser s’était heurté en réalité à une forte résistance des monarchistes réfugiés dans la montagne et appuyés par l'Arabie saoudite. Il a dû expédier au Yémen un corps expéditionnaire de 60.000 hommes, le quart des effectifs de son armée. 
Major Arieh Oz

L’Arabie saoudite n’a pas hésité alors, en 1964, à demander l’aide des Israéliens pour aider ses alliés en difficulté. Israël a alors monté l'opération Leopard durant laquelle un ancien Boeing Stratocruiser, piloté pour la première mission par le major Arieh Oz, a effectué de nuit 14 missions au-dessus des montagnes yéménites pour parachuter des armes, des munitions et de l'or directement aux armées royalistes. Les mitrailleuses, les explosifs, les obus de mortier et les munitions transmis aux loyalistes avaient entrainé la mort de 20.000 soldats égyptiens, laissant ainsi entendre que le Yémen fut le Vietnam de Nasser.

Plus près de nous, d’autres opérations frappées par la censure militaire ont déjà eu lieu qui démontrent la proximité des deux pays. Mais l’Arabie saoudite n’est pas encore prête à sauter le pas et à reconnaitre Israël car elle s’est engagée ouvertement derrière les Palestiniens. Elle voudrait profiter de l’accord avec l’Iran pour réclamer son propre programme nucléaire auquel Israël s’opposera avec fermeté même si l’Arabie est l’une des cibles potentielles du nucléaire iranien. D’ailleurs des rumeurs persistantes font état de négociations entre l’Arabie et le Pakistan pour l’achat de la bombe atomique pour être utilisée dans des ogives transportées par des missiles chinois dont l’achat est en cours.



Rapprochement politique


Prince Bandar bin Sultan


Israël et l’Arabie ont intérêt à laisser courir les bruits de leur rapprochement quand ils ne sont pas eux-mêmes à la source des indiscrétions. Il s’agit d’inquiéter les États-Unis, qui ont opéré un revirement dans leur politique au Proche-Orient, en laissant présager des difficultés pour la diplomatie américaine. La chaine 2 israélienne a laissé entendre le 2 octobre que des hauts responsables sécuritaires israéliens avaient rencontré leurs homologues à Jérusalem. Des indiscrétions font état de la présence en Israël du prince Bandar bin Sultan, ancien ambassadeur saoudien aux États-Unis et à présent chef des services secrets saoudiens. Le Prince aurait proposé le financement d'un virus Super-Stuxnet pour attaquer à nouveau les installations nucléaires iraniennes.

Benjamin Netanyahou avait laissé filtrer quelques éléments à la tribune de l’ONU : «Les dangers d'un Iran nucléaire et l'émergence d'autres menaces dans la région ont conduit beaucoup de nos voisins arabes de reconnaître, reconnaisse enfin, qu’Israël n'est pas leur ennemi. Et cela nous donne la possibilité de surmonter les animosités historiques et établir de nouvelles relations, de nouvelles amitiés, de nouveaux espoirs».  
L’ancien ambassadeur d’Israël aux États-Unis, Michael Oren, avait abondé dans ce sens en appuyant la stratégie de l’Arabie en Syrie quand il a annoncé qu'Israël préférait voir la victoire des djihadistes soutenus par l’Arabie plutôt que celle du Hezbollah et de l’Iran : «Le plus grand danger pour Israël est constitué par l'arc stratégique qui s'étend de Téhéran, à Damas et à Beyrouth». L’Arabie saoudite partage en tous points cette analyse.

Les partisans d’une entente israélo-saoudienne, qui laissent sous-entendre l’émergence d’une nouvelle superpuissance dans la région, mettent en évidence la complémentarité des deux pays, l’un disposant de la haute technologie et de ses entrées aux États-Unis et l’autre bénéficiant de la manne du pétrole. Ils pourraient s’opposer à la stratégie de paix américaine dans la région en agrégeant autour d’eux ceux qui s’opposent à une négociation avec l’Iran, l’Égypte en premier. Mais il faudrait pour cela que l’Arabie mette au second plan la résolution du problème palestinien et s’engage ouvertement avec Israël. C’est une éventualité difficile à entrevoir pour un pays qui veut prendre le leadership arabe depuis le départ de Hosni Moubarak.

2 commentaires:

Michel LEVY a dit…

Il n'y a pas d'axe israélo-saoudien, seulement une conjonction temporaire d'intérêt en commun.
Un axe est possible entre pays ayant une même vision du monde, si Israël restait un état laïque, l'alliance avec l'Europe serait beaucoup plus solide.

邓大平 עמנואל דובשק Emmanuel Doubchak a dit…

C'est toute la "complexitude" du Moyen-Orient et d'un Monde abandonné aux appétits des états voyous par des Etats-Unis en pleine restructuration idéologique.