MANDELA, LES PALESTINIENS ET LE MAGHREB
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
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Nelson Mandela fut un grand défenseur de la cause palestinienne. Il a certes été proche des Juifs mais il est resté loyal envers les Palestiniens. Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne, a décrété le 6 décembre jour de deuil dans les territoires palestiniens et ordonné que les drapeaux soient mis en berne après avoir qualifié Mandela de «symbole de la libération de l'occupation pour tous les peuples aspirant à la liberté».
Soutien aux
Palestiniens
Marwan Barghouti, leader palestinien
emprisonné en Israël qui veut être assimilé au Mandela palestinien, lui avait
écrit que «notre liberté semble possible parce que vous avez obtenu la vôtre».
De sa prison il a publié ce communiqué : «L'apartheid ne l'a pas
emporté en Afrique du Sud, il ne l'emportera pas en Palestine».
Le parti au pouvoir en Afrique du
Sud, l’ANC, avait des relations privilégiées avec l'OLP. En 1997, à l'occasion
de la journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien, le
président sud-africain Mandela avait envoyé un message de soutien officiel à
Yasser Arafat et aux Palestiniens : « Notre liberté demeurera
incomplète sans la liberté des Palestiniens». D’ailleurs les deux leaders
ont été récompensés par le Prix Nobel de la Paix, à une année d'intervalle, en 1993 pour
Mandela et en 1994 pour Arafat.
A l'occasion de son voyage en Israël, Nelson Mandela s’était rendu à Gaza
en 1999 en compagnie de Yasser Arafat et il avait tenu à se distinguer des
Occidentaux. Il adopta une attitude se voulant équilibrée à l’égard des deux
parties puisqu’il exhorta les Palestiniens à ne pas céder au découragement et à
fonder leur État : «Nous avons connu, nous aussi, des jours terribles,
le sacrifice de camarades, et de fortes frustrations». Mais s’il a appelé à
la libération des territoires «occupés», il conseilla aux Palestiniens de
reconnaitre à Israël le droit d’exister s’ils voulaient s’inspirer de sa lutte
en Afrique du Sud où il a dû composer avec les Blancs. Il ajouta cependant que «tout discours sur la paix
restera creux tant qu’Israël continuera à occuper un territoire arabe». Certes
les Islamistes de Gaza rendent hommage à «l’un des principaux soutiens de la
cause du peuple palestinien, dont la cause était similaire à celle de la
Palestine», mais ils restent toujours opposés à une négociation de paix prônée
par le leader africain.
Prises de position
fermes
Mandela ne ménageait pas son soutien
aux Palestiniens en toute occasion. Après l’incident de la flottille de Gaza,
il utilisera le relais de l’association Global Elders pour condamner fermement
l’attaque du Mavi Marmara et pour exiger la levée du blocus de Gaza considéré
par lui comme «internationalement illégal et contre-productif car favorisant
les extrémistes».
Il n’avait pas une vision
strictement pacifique du conflit palestinien puisque, selon lui, «il faut choisir la paix plutôt que
la confrontation, sauf dans les cas où nous ne pouvons rien obtenir, ou nous ne
pouvons pas continuer, ou ne pouvons pas aller de l’avant. Si la seule solution
est la violence, alors nous utiliserons la violence». D’ailleurs
il a toujours estimé que les mouvements de libération nationale avaient le droit à
la lutte armée s’il s’agissait pour eux de la solution ultime : «C’est
toujours l’oppresseur, non l’opprimé, qui détermine la forme de la lutte. Si
l’oppresseur utilise la violence, l’opprimé n’aura pas d’autre choix que de
répondre par la violence. Dans notre cas, ce n’était qu’une forme de légitime
défense».
Cependant son attitude resta plus modérée que celle l’archevêque Desmond Tutu qui avait participé à la campagne internationale de boycott de l’État d’Israël qualifié d’État d’apartheid. Nelson Mandela n’a jamais repris à son compte l’accusation d’apartheid.
Desmond Tutu |
Cependant son attitude resta plus modérée que celle l’archevêque Desmond Tutu qui avait participé à la campagne internationale de boycott de l’État d’Israël qualifié d’État d’apartheid. Nelson Mandela n’a jamais repris à son compte l’accusation d’apartheid.
Maghreb
Les
pays du Maghreb se sont mis à l’unisson pour un hommage au défunt. En Tunisie,
le président Marzouki a décrété un jour de deuil national parce qu’il voue une
admiration particulière à Mandela qui a su «transcender la haine». Dans un
de ses ouvrages, il avait écrit qu’il lui doit d’avoir été libéré de prison en
1994, lorsque Mandela était venu en Tunisie en visite officielle.
Cherif Belkacem, Nelson Mandela, Mohamed Lamari, Hamilcar Cabral, et Noureddine Djoudi. |
De
son côté l’Algérie a décidé la mise en berne des drapeaux pendant huit jours. Mandela
avait un lien particulier avec l’Algérie car il y avait reçu en 1961, sa
première formation militaire aux côtés de l’ALN (Armée de libération nationale),
dirigée par le général Mohammed Lamari. Le premier président algérien, Ahmed
Ben Bella, avait offert une aide logistique et financière à la lutte
sud-africaine concrétisée par la formation de soldats sud-africains noirs auprès de l’armée
algérienne. Le soutien de l’Algérie avait trouvé son apogée, lors de la
présidence algérienne de l’assemblée générale de l’ONU en 1974, avec le geste historique de l’expulsion du
représentant de l’Afrique du Sud. D’ailleurs dès sa libération en 1990, Nelson
Mandela s’était immédiatement rendu à Alger en signe de reconnaissance à son
soutien.
Par
ailleurs, il avait été critiqué par les Occidentaux pour sa proximité étroite avec le colonel Kadhafi. Il avait toujours gardé de bonnes relations avec l’ancien
dictateur au point d’avoir exigé la levée de l’embargo aérien imposé contre la
Libye. Les États-Unis n’avaient pas apprécié sa visite au colonel en 1997.
Nelson Mandela s’était alors défendu : «Aucun État ne peut s'arroger le
rôle de gendarme du monde, et aucun État ne peut dicter aux autres ce qu'ils
doivent faire».
Ces
relations de Nelson Mandela avec des pays arabes qui ne reconnaissent pas l’État d’Israël avaient suscité de la méfiance auprès des Israéliens et
l’avaient discrédité auprès de ceux qui ne supportaient pas l’attention
qu’il portait aux Palestiniens et à leur combat. Ils exigeaient l’exclusivité
dans les relations bilatérales. Et pourtant, de nombreux exemples publiés par
ailleurs prouvent qu’il a été un ami fidèle des Juifs.
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