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jeudi 5 décembre 2013

YOUNG PEREZ CHAMPION Par André NAHUM




YOUNG PEREZ CHAMPION

Par André NAHUM
Éditions Télémaque

UNE RECENSION DE Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps
André NAHUM


André Nahum, médecin de profession, a non seulement écrit la biographie du champion de boxe tunisien Young Perez mais il en a profité pour faire œuvre de journaliste d'investigation en nous contant l’histoire souvent méconnue de la Tunisie juive, avec une incursion dans les relations judéo-arabes de l’époque. 

La misère était alors le lot de la majorité de la population juive, dans l’entre deux grandes guerres, vivant dans l’oukala, maison au patio commun ouvrant sur des  chambres qui hébergeaient chacune une famille entière. Avec le souci du détail, il décrit minutieusement la vie juive avec le bruit et les odeurs qui chatouillent les oreilles et les narines des lecteurs qui ont vécu ces souvenirs. Un régal pour ceux qui redécouvrent, tout au long du récit, les racines enfouies dans leur mémoire. 




Fenêtre sur la Tunisie



Le livre est une fenêtre sur la Tunisie, celle des «juifs pauvres qui peuplent la Hara, tandis que les riches, ou du moins les plus aisés, habitent les quartiers chics et envoient leurs enfants au Lycée Carnot, allant jusqu’à leur interdire de parler la langue de leurs grands-parents». Le livre fourmille d’anecdotes qui restent ancrées dans l’inconscient des Juifs tunisiens et qui resurgissent pour attiser la nostalgie d’un passé toujours vivant, malgré les années d’intégration en France.

Même ceux qui n’aiment pas la boxe trouveront un plaisir immense à rêver «le pain blanc et la boutargue, le bescouttou bel assel, les beignets et le cornet de frites» qui ont accompagné les enfants de plusieurs générations. L’auteur ne succombe pas à la facilité du folklore mais il veut expliquer l’ascension rapide d’un Juif, presque illettré, qui a grandi dans le quartier le plus pauvre de Tunis et qui ne voyait que dans la boxe le moyen de se sortir de la misère. Il avait vite compris qu'il ne pouvait réussir qu'en France.



Ascension rapide


Victor Young Perez


Impossible de ne pas faire une relation entre Young Perez qui pose les pieds à Marseille et le même épisode vécu par les Juifs tunisiens qui ont quitté leur terre natale, souvent dans l’urgence et dans le dénuement. Le lecteur s’identifiera aux premiers pas de Young Perez à Paris, avec les inévitables crises de nostalgie et les inquiétudes d’un déracinement à la fois familial et culturel.

Son ascension démarra le 24 octobre 1931, date du championnat du monde, et sa victoire symbolisait la victoire du petit peuple de Tunisie car «le quartier juif redressait la tête. Le titre suprême de Young Perez les ennoblissait, leur rendait leur dignité. Revanche du ghetto qui se sentait pour une fois à l’égal des Français.»

Après avoir déambulé dans la Tunisie du passé, l’histoire se précipite et puis tout va très vite, les honneurs, l’argent et l’illusion d’un avenir figé dans la gloire. Cependant «Le riche champion n’oublie pas d’où il vient, de la pauvreté et de l’entraide, il a toujours la main dans le porte-monnaie, à distribuer sa manne». L’enfant des souks n’aura jamais honte de son passé mais la richesse semble l’éloigner du bonheur qu’il a pourtant connu dans sa petite vie étriquée à la Hara. Alors, il se ruine pour le retrouver, en vain.
Jean Gabin et Mireille Balin

C'est en France qu'il a rencontré son mauvais génie, l’actrice Mireille Balin à ses débuts, qui lui fera perdre ses moyens psychiques et physiques et une grande partie de sa fortune. Young Perez en était tombé follement amoureux  mais il n'avait pas compris qu'ils n'étaient pas du même monde, même si l’argent pouvait arranger les choses. 
Puis le récit est mené tambour battant, crescendo vers la dérive et le drame que le lecteur semble percevoir au fil des pages et qui se noue devant ses yeux. Il ne comprendra rien à la montée du nazisme. Ruiné, ses besoins d'argent le conduiront à tout accepter jusqu'à commettre la folie de se rendre à Berlin, en novembre 1938, en plein pogrom nazi, pour ce qui sera le dernier match de boxe de sa carrière. 

Revenu à Paris il n'évalua pas le danger de l'occupation nazie et, imprudent et sûr de ses capacités, il ne rentra pas à Tunis où sa sécurité était pourtant assurée. Il garda l'espoir de reconquérir celle pour qui il a tout sacrifié. L’inconscience de son succès rapide ou de son jeune âge le mènera à ne pas évaluer le risque encouru alors que tous ses proches avaient mesuré le danger et avaient quitté le pays. Dès lors, son sort était définitivement scellé et il connaitra un dénouement tragique.

2 commentaires:

Kacem NAKAA a dit…

J'ai connu Kid Perez qui était ou son jeune frère ou un cousin qui dirigeait la salle de l'Alliance Française .

Il a managé les plus grands boxeurs tunisiens. Omrane Sadok ,Tahar Belhassen et Azouz qui a eu la malchance de boxer dans le même poids que Felix Brami

André NAHUM a dit…

Merci, mille fois merci cher Jacques Benillouche pour ce magnifique article.!
Vous m'avez parfaitement compris et vous avez su merveilleusement l'exprimer.
Comme tous les Juifs de Tunisie, comme tous les exilés, ce n'est pas la Tunisie qui me rend nostalgique, c'est ma communauté, c'est mon peuple.
Ces petites gens, je les ai bien connus, je les ai soignés et je les ai aimés et ils me l'ont bien rendus
Mon père est né parmi eux
Aujourd'hui ils sont éparpillés à travers le monde et notre parler, notre mode de vie, notre solidarité ont disparu à tout jamais.
Certes, ils ont souvent merveilleusement réussi en Israél en France en Amérique, mais à part ceux qui comme vous ont eu le courage de faire leur alyah, ils ont perdu, nous avons perdu , notre âme.
C'est pour cela que j'ai écrit une douzaine de livres.
Young Perez, nous a révélé que nous étions des Hommes, et que nous pouvions devenir grands. Son exemple nous rappelle aussi hélas que nous sommes toujours menacés...
Très affectueusement
André Nahum