ISRAEL SOUTIENT ACTIVEMENT LE SOUDAN DU SUD
Par
Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
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La tension a toujours régné entre le Soudan et le Soudan du Sud qui a obtenu son indépendance le 9 juillet 2011. Tous les observateurs avaient prédit qu’une guerre pourrait éclater entre ces deux pays. Le président Omar Hassan Al-Bachir avait été clair à la télévision : «Le Soudan veut la paix mais nous irons à la guerre si nous y sommes contraints.» Les troubles qui agitent aujourd’hui le Soudan du sud risquent d’impliquer Israël dans ce conflit, de manière directe.
Bith Thiyang avait
traversé la frontière en clandestin venant du sud-Soudan, et s’était réfugié
près d’Eilat au kibboutz Eilot. Avec une double casquette, il était chargé le
matin du nettoyage des chambres de l’hôtel du kibboutz et ensuite, dans une
petite chambre au mobilier modeste, il
revêtait les habits de consul de son pays en guerre, pour aider ses
compatriotes à organiser leur vie. Il a
depuis troqué sa tenue de nettoyage contre un costume dans son bureau de
Tel-Aviv, sous le portait du leader du Sud-Soudan, John Garang, mort dans un accident
d’hélicoptère en 2005.
Dans sa
fonction de consul, il est chargé de veiller sur les milliers de réfugiés,
installés au sud de Tel-Aviv dans le ghetto d’immigrés près de l’ancienne gare
centrale et qui pour certains ont rejoint leur pays. Son bureau austère est
devenu la représentation officielle du Sud-Soudan et il a été l’artisan de la
reconnaissance de son pays par Israël. Le premier ministre Benjamin Netanyahou
avait reconnu officiellement le Sud-Soudan.
Le ministre des
affaires étrangères Avigdor Lieberman, boudé par l’Europe, avait décidé de réactiver
les relations avec le continent noir où sa présence ne posait pas de problème. Il
voulait créer une sorte de ceinture de sécurité amie autour des pays arabes, «l’alliance
de la périphérie» prônée par David Ben Gourion. À l’occasion de ses visites au Kenya, au
Ghana, au Nigeria puis en Ouganda, il avait signé de nouveaux contrats. Mais
son objectif principal consistait à mettre en garde ses interlocuteurs
africains sur le danger d’une nucléarisation de l’Iran qui risquait d’avoir des
répercussions dans leur propre région. Il a prôné une alliance entre
l’Éthiopie, le Kenya, la Tanzanie et le Sud-Soudan pour freiner la propagation
de l’islam fondamentaliste dans les nations africaines, peuplées de 138 millions
d’habitants, où vit une majorité de chrétiens.
Un
front chrétien
Israël souhaitait
nouer des relations officielles avec le Sud-Soudan disposant de la manne pétrolière
avec ses 375.000 barils produits chaque jour bien qu’aujourd’hui la situation
pétrolière ait changée en Israël avec la découverte des gisements de Léviathan.
Le pays est entièrement à reconstruire et les entreprises israéliennes sont sur
les rangs pour équiper de haute technologie une démocratie qui s’ouvre au monde
moderne et dont la majeure partie de la population vit encore dans des huttes.
Mais à peine créée, la guerre rodait en raison des ambitions et des prétentions de ses voisins. Le nord musulman dominé par les Arabes se distingue du sud peuplé en majorité de Chrétiens, longtemps martyrisés et en communauté de destin avec les Juifs. Israël avait donc décidé d’aider militairement le nouvel État soumis à la convoitise de ceux qui ont accepté l’indépendance du Sud-Soudan du bout des lèvres. Mais en l’aidant, il s’implique directement.
Mais à peine créée, la guerre rodait en raison des ambitions et des prétentions de ses voisins. Le nord musulman dominé par les Arabes se distingue du sud peuplé en majorité de Chrétiens, longtemps martyrisés et en communauté de destin avec les Juifs. Israël avait donc décidé d’aider militairement le nouvel État soumis à la convoitise de ceux qui ont accepté l’indépendance du Sud-Soudan du bout des lèvres. Mais en l’aidant, il s’implique directement.
Salva Kiir |
Immédiatement après avoir noué des relations
diplomatiques à l’occasion de l’indépendance du Soudan du Sud, son président Salva Kiir avait effectué, le 20 décembre 2011, une visite
officielle de 24 heures en Israël. Cette première visite du chef du nouvel État
avait été qualifiée d'«historique» par le président israélien Shimon
Pérès. En accueillant en grande pompe le représentant du Sud, les Israéliens
ont cherché à lancer un avertissement clair aux nordistes qui avaient affiché ouvertement
leur soutien au Hamas.
Des
relations historiques
Les relations
entre Israël et le Soudan du Sud ne datent pas d’hier. Les Chrétiens du Soudan
avaient déjà aidé Israël durant la Guerre des Six Jours de 1967 en s’opposant à
l’armée régulière soudanaise qui voulait prendre part à la guerre. Les Israéliens
avaient ensuite renvoyé l’ascenseur en soutenant
les rebelles contre Khartoum, en les finançant et en les armant avec du
matériel militaire récupéré auprès de l’armée égyptienne vaincue.
Deng Alor |
Les Soudanais
du Sud n’ont jamais oublié ce soutien et leur président l’avait rappelé à
Jérusalem : «Sans vous, nous n’existerions pas». À l’ONU, son
ministre des Affaires étrangères de l'époque, Deng Alor Koul, avait manifesté son «soutien
à Israël dans son approche de la déclaration palestinienne de septembre à l’ONU».
Il avait ensuite promis de «voter contre la résolution de l’Assemblée
Générale concernant la reconnaissance d’un État indépendant appelé Palestine».
Puis il avait ajouté : «Notre pays a l’intention d’établir une ambassade
dans la capitale d’Israël, à Jérusalem et non à Tel-Aviv comme le font la
plupart des pays».
Les relations
conflictuelles entre Israël et Omar al-Bachir résultent de l’appui donné par
son régime au Hamas et à l’installation de bases islamistes au Soudan. En cas
de guerre entre le nord et le sud, Israël savait qu’il serait contraint
d’intervenir car il ne peut abandonner son nouvel allié désarmé à la vindicte
du nord. L’État Juif avait fourni au Kenya et à l’Ouganda, des
drones, des vedettes navales rapides, des véhicules pour les patrouilles aux
frontières et des équipements pour la surveillance maritime afin de les aider à
«les débarrasser des éléments islamistes terroristes» et à contrer
l'expansion iranienne. Israël ne pouvait moins faire pour le Soudan du Sud qui
avait besoin d’une aide technique à l’égale de celle octroyée aux Kurdes :
formation des officiers, présence de conseillers de Tsahal sur place et
fourniture de renseignements satellitaires. En s’impliquant directement, il poursuit
l’objectif de retrouver la période idyllique des années 1960 avec l’Afrique.
Zone
stratégique
Le Sud-Soudan est une
zone stratégique pour les Israéliens qui souhaitent disposer d’un point
d’ancrage face à l’allié de l’Iran, Omar Al-Bachir. Ben Gourion avait déjà défini
les bases politiques visant à aider les dirigeants des minorités des
différentes communautés d’Irak, du Soudan, d’Éthiopie, de l’Ouganda, du Kenya
et du Congo. En transformant des rebelles en armée régulière, entrainée et
équipée par Israël, l’influence israélienne restera présente face à Khartoum.
Par ailleurs, Israël songe à sa propre défense. Les armes qui
parviennent au Hamas transitent toutes par le Soudan avant de traverser le
Sinaï. Jusqu’alors la force aérienne israélienne frappait les convois d’armes
sur le territoire soudanais, comme en novembre et décembre 2011, dans la région
de Wadi Al-Allaqi. Israël avait alors complètement détruit les missiles et
autres armes de fabrication iranienne, russe et chinoise destinés au Hamas de
Gaza. Une alliance confirmée avec le Sud-Soudain permet aux Israéliens de
disposer localement d’un point d’appui et d’escales techniques pour leurs
chasseurs-bombardiers avec le risque cependant d’être entrainés dans une guerre
loin de leurs frontières.
Riek Machar |
Mais la guerre,
qui était prévisible avec le Nord, vient plutôt d’éclater entre les factions
rivales du Sud. Riek Machar, ancien vice-président soutenu par sept anciens
ministres hostiles au président actuel, estime que : «Salva Kiir doit
partir». La guerre civile, qui se précise après la prise de la localité de
Bor, au nord de Juba, par des rebelles présentés comme partisans de Riek Machar,
risque de devenir une guerre tribale entre Dinka et Nuer. Riek Machar est originaire
du deuxième plus grand groupe ethnique, les Nuer, tandis que Salva Kiir fait
partie du clan Dinka plus important.
Guerre
civile
Le président
Salva Kiir a pris la parole à la télévision le 16 décembre 2013 après avoir
troqué son costume et son chapeau de cow-boy noirs pour un uniforme militaire en
raison des combats acharnés à Juba, la capitale, entre factions de l’armée. Il
a déclaré que le pays avait été l’objet d’une tentative avortée de coup d’État dirigé
par son vice-président limogé. Plusieurs centaines de personnes ont été tuées
et l’ONU a été contrainte d’accepter dans ses bases d’Akobo, dans l’Etat de
Jonglei, plus de 20.000 réfugiés. Le couvre-feu a été institué et l’aéroport
fermé.
Réfugies devant l'entrée de la base de l'ONU à Bor |
Les tensions
ont éclaté en juillet lorsque le président a renvoyé tout son gouvernement face
à la volonté affichée ouvertement par Rick Machar de briguer la présidence lors
des élections de 2015. Mais les combats avaient réellement commencé le 14
décembre puis se sont étendus à Pibor à 340 kms au nord-est de Juba faisant
près de 500 tués.
Seuls les donateurs occidentaux et l'ONU peuvent utiliser l'influence de leurs milliards de dollars d'aide pour imposer un règlement. C’est ainsi que des officiers américains et israéliens sont sur place pour éviter cette guerre civile en tentant une médiation. Par ailleurs, les États-Unis ont envoyé une cinquantaine de militaires pour protéger les citoyens et les biens américains. Des sources de renseignements rapportent que des réservistes de Tsahal, qui avaient collaboré durant plusieurs années avec le président Kiir et son adjoint Machar, sont sur place pour séparer les adversaires. Leurs relations personnelles étroites avec les deux adversaires pourraient sauver ce qui peut l’être encore pour éviter que le Soudan sud ne tombe entre des mains hostiles. Ils connaissent tous les militaires pour les avoir formés et armés à l’aube de l’indépendance.
Seuls les donateurs occidentaux et l'ONU peuvent utiliser l'influence de leurs milliards de dollars d'aide pour imposer un règlement. C’est ainsi que des officiers américains et israéliens sont sur place pour éviter cette guerre civile en tentant une médiation. Par ailleurs, les États-Unis ont envoyé une cinquantaine de militaires pour protéger les citoyens et les biens américains. Des sources de renseignements rapportent que des réservistes de Tsahal, qui avaient collaboré durant plusieurs années avec le président Kiir et son adjoint Machar, sont sur place pour séparer les adversaires. Leurs relations personnelles étroites avec les deux adversaires pourraient sauver ce qui peut l’être encore pour éviter que le Soudan sud ne tombe entre des mains hostiles. Ils connaissent tous les militaires pour les avoir formés et armés à l’aube de l’indépendance.
A Juba dans la base de la Minuss |
Médiation
Les États-Unis comprennent
le danger et ils ont immédiatement transféré 25 millions de dollars pour amadouer
les deux clans. Il semble que les dollars aient commencé à faire de l’effet
puisque le président Kiir a déclaré: «Je suis prêt pour le dialogue avec
quiconque» tandis qu’en écho Marchar a répondu : «Il n'y a pas eu de coup
d’État. Ce qui s'est passé à Juba était un malentendu entre les gardes
présidentielles». Personne ne voudrait de tels malentendus à 500 morts.
Les Américains paient en fait l’importance stratégique du sud qui représente un obstacle au développement d’Al-Qaeda à partir de Khartoum. Ils disposent d’une base d’observation de la rive occidentale de la Mer Rouge pour surveiller la route du pétrole qui transite depuis le Golfe persique vers le Canal de Suez. Par ailleurs le Sud-Soudan contrôle la majorité des réserves de pétrole du pays et, surtout dans le cadre de la guerre de l’eau, le Nil qui le traverse.
Les Américains paient en fait l’importance stratégique du sud qui représente un obstacle au développement d’Al-Qaeda à partir de Khartoum. Ils disposent d’une base d’observation de la rive occidentale de la Mer Rouge pour surveiller la route du pétrole qui transite depuis le Golfe persique vers le Canal de Suez. Par ailleurs le Sud-Soudan contrôle la majorité des réserves de pétrole du pays et, surtout dans le cadre de la guerre de l’eau, le Nil qui le traverse.
Israël
de son côté surveille les côtes iraniennes et surtout la construction d’une
base navale iranienne sur la mer Rouge, dans une partie de Port-Soudan. Téhéran veut y
mettre à l’abri un complexe industriel de fabrication d’armes, d'artillerie et de missiles
pour approvisionner le Hezbollah libanais, le Djihad islamique au Sinaï et le
Hamas à Gaza. Cette base est louée par Téhéran à Omar al Bachir, le
président du Soudan. Des Gardiens de la
Révolution en tenue civile coordonnent les centaines d’ouvriers qui construisent cette deuxième base iranienne sur la mer
Rouge après celle d’Assab dans le sud de l’Erythrée.
C’est dire l’importance de cet État croupion pour les Occidentaux.
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