Amos Hochstein |
L'accord maritime libano-israélien sera
signé dans une dizaine de jours. La livraison des lettres aurait lieu les 26 ou
27 octobre par l'intermédiaire des Nations Unies dans la zone frontalière de
Naqoura (Liban) et Rosh HaNikra (Israël) en présence du
médiateur américain, Amos Hochstein, qui couronnera cet accord par une visite à
Beyrouth et en Israël où les documents signés seront remis aux exécutifs. Les
autorités libanaises œuvrent pour que l’accord soit finalisé avant le terme du
mandat du président Aoun, soit le 31 octobre, la veille des élections
israéliennes du 1er novembre 2022. C’est une très belle réussite pour Amos Hochstein qui n’a pas ménagé ses efforts et qui
avait subi les sobriquets de Nasrallah du fait de son origine juive et
israélienne.
Les membres du cabinet votent sur l’accord sur la frontière maritime du Liban à Jérusalem, le 12 octobre 2022 |
Un accord historique ?
«Si tout se passe bien, les efforts d’Amos Hochstein pourraient déboucher sur un accord historique». Voici ce qu’a déclaré le vice-président du Parlement Élias Bou Saab, principal négociateur libanais. Pour le Premier ministre israélien Yaïr Lapid : «Cet accord historique va renforcer la sécurité d'Israël, injecter des milliards (d'euros) dans l'économie israélienne et assurer la stabilité de notre frontière nord (avec le Liban)»
Dans cette même logique, Gantz et Lapid avancent l'argument selon lequel les avantages de l'accord sont à double sens. Ils affirment aussi que l'accord aidera le Liban à sortir de sa crise écrasante et à le libérer de la subordination à l'Iran. C’est une reprise du fameux «Enrichissez-vous» de Guizot qui pensait que l’économie, le gaz ici, est la solution à tous les problèmes. Un sondage de la chaîne Channel-12 a révélé qu'une majorité d'Israéliens soutiennent l'accord sur la frontière maritime avec le Liban, estimant qu'il était approprié de le signer même pendant une période électorale.
Les lignes maritimes |
Pour
Naftali Bennet, dans les circonstances actuelles, il serait correct de voter «oui». «L’accord
n’est pas une victoire diplomatique historique pour Israël, mais ce n’est pas
non plus une terrible capitulation. C’est un règlement nécessaire, qui
s’impose dans les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons».
L’opposition de droite, Benjamin Netanyahou en tête, affirme que l’accord
est une reddition historique face au Hezbollah et menace de saisir la Cour
Suprême pour le casser. Pour Amos Hochstein, «Ni le Liban ni Israël n’ont
obtenu ce qu’ils voulaient. C’est la caractéristique des négociations en général»
Un nouvel accord d’Abraham ? Certains affirment haut et fort que cet accord est de la même importance que les Accords d’Abraham signés sous l’égide de Donald Trump entre Israël d’un côté et le Bahreïn et les Emirats arabes unis de l’autre. Le commandant des services de renseignements militaires des FDI, le général de division Aharon Haliva, s’exprimant lors d’une conférence sur la lutte contre le terrorisme à l’Université Reichman : «Je suis convaincu que le Liban ferait partie des accords d’Abraham, s’il n’y avait pas le Hezbollah». Cet optimisme n’est pas justifié pour les raisons suivantes
1/ Il
s’agit d’un accord commercial et non de la reconnaissance des frontières
maritimes. Le Liban a conclu un accord, sans pour autant clore
le contentieux avec les Israéliens. Il s’agit d’un simple accord de partage de
richesses gazières sous-marines dans une zone qui était auparavant disputée par
les deux pays. L’accord est limité à l’exploitation des ressources gazières
dans les eaux maritimes. Il ne touche pas aux questions de fond, il n’est pas
une reconnaissance de la frontière maritime. Israël ne signe pas d'accord
bilatéral avec Beyrouth. Le Liban considère toujours Israël comme un État
ennemi. Ainsi lors d'un discours public prononcé le 13 octobre, le président libanais Michel Aoun
a annoncé que :
a. Le Liban ne normalisera en aucun cas ses relations avec Israël.
b. Le Liban ne reconnaît pas la ligne de bouée comme frontière
internationale entre Israël et le Liban
Ligne des boées |
La «ligne des bouées» est une juxtaposition de bouées flottantes longue de six kilomètres installés par l’armée israélienne en 2000, pour marquer la séparation entre Israël et le Liban.
2/ L’accord ne change rien à la
réalité géopolitique. L’Axe chiite dirigé par l’Iran est toujours le principal
ennemi d’Israël. Il comprend la Syrie, l’Irak et le Liban et est soutenu par la
Russie. L’Iran livre aujourd’hui des drones et demain des missiles sol-sol à la
Russie pour sa guerre en Ukraine. Seule la révolte de la jeunesse pourrait
menacer le régime des Mollahs de Téhéran.
3/ Le Liban est un état en ruine
dominé par le Hezbollah instable et incapable. Au-delà du fait que le Liban
n'est pas directement partie à l'accord avec Israël, c'est un acteur instable.
Le pays n'a pas de gouvernement stable et le Hezbollah exerce une influence
significative sur la politique libanaise Pire, le pays est dans une situation
financière lamentable
Cependant l’économie ouvre de nouvelles perspectives. Indirectement,
même s'il le dénie, le Liban reconnait Israël en signant un tel accord qui sera
enregistré a l'ONU. L'accord été déjà conclu puisque le monde occidental, tout
comme Israël et le Liban, en avait terriblement besoin. Israël a obtenu la
paix et d’éventuelles royalties, là où auparavant, il n’y avait que menaces de
guerre avec le Hezbollah. Il est indéniable que l’existence même d’un accord
maritime avec Israël clôt une page d’incertitude assortie de menaces réelles et permet d’éviter une guerre à court
terme.
Participation du Qatar au projet
Le président Michel Aoun recevant le chef de la diplomatie qatarie, le cheikh Mohammad ben Abdel Rahman al-Thani, le 25 août 2020. |
LIBAN
Amos Hochstein a assuré que les États-Unis apporteront leur soutien au Liban pour obtenir du gaz d’Égypte et de l’électricité de Jordanie, en dépit du fait qu’ils soient acheminés via la Syrie, qui fait l’objet de sanctions en vertu du Caesar Act. «Nous trouverons un moyen de contourner les sanctions», a-t-il rassuré. Israël veut devenir un hub énergétique en Méditerranée. Le gisement gazier offshore de Karish est au cœur du projet israélien de constituer un hub énergétique en Méditerranée orientale, avec l’aide de l’Egypte qui lui met à disposition ses infrastructures de liquéfaction. Les deux gisements offshores israéliens de Leviathan et Tamar produisent un total annuel de 23 milliards de m3 de gaz naturel. Israël se prépare à activer le gisement gazier offshore de Karish, étape clé devant doper ses exportations de gaz naturel vers l’Europe.
Israël Hub énergétique |
L’Etat hébreu utilise ses exportations pour affermir ses liens avec l’Égypte
et la Jordanie. Il promet de livrer du gaz à l’Europe, alors que la guerre en Ukraine fait
grimper les prix mondiaux. De ce point de vue, le texte de l’accord conclu avec
le Liban sur les frontières maritimes a pour principal mérite de reconnaître la
pleine souveraineté israélienne sur le champ de Karish, réserve estimée à 1,75
trillion de mètres cubes. Son exploitation pourrait commencer sous quelques
semaines.
En septembre, à Berlin, le premier ministre Yaïr Lapid l’avait promis : «Nous ferons partie des efforts pour remplacer le gaz russe en Europe ». Alors qu’Israël refuse d’apporter un soutien militaire à l’Ukraine, M. Lapid entend contribuer aux efforts occidentaux, en fournissant à terme à l’Europe 10% de ce que Moscou lui livrait avant-guerre, soit 15,5 milliards de mètres cubes. Ce compte paraît très ambitieux. Israël dispose de 0,3% des réserves mondiales et produit à peine quelque 20 milliards de mètres cubes par an. Il en exporte une dizaine, depuis le vaste champ de Léviathan. Le plus ancien champ de Tamar, quant à lui, fournit pour l’essentiel sa consommation intérieure.
Ces exportations sont avant tout régionales. Israël use de son gaz pour
affermir ses liens avec deux États arabes, l’Égypte et la Jordanie, avec
lesquels il a signé des traités de paix en 1979 et 1994. En 2020, l’Etat hébreu
leur a ouvert les vannes de Léviathan. Cet accord a suscité de vives critiques
en Jordanie, dont 80% de l’électricité est produite par du gaz israélien. Quant à l’Egypte, elle a signé en juin une lettre d’intention avec Israël et
l’Union européenne, afin de liquéfier du gaz sur son territoire et l’acheminer
par bateau vers l’Europe. [1]
Gisements gaz sud est Méditerranée |
Après le Liban, Gaza souhaite exploiter son gaz. Des affiches ont récemment
fait leur apparition dans la bande de Gaza pour exhorter les voisins dans la
région à raviver un projet qui dort dans les cartons depuis deux décennies :
l'exploitation du gisement Marine. Un dialogue existe déjà entre Israël,
l'Egypte et les Palestiniens depuis la création en 2019 du Forum du gaz de la
Méditerranée orientale, chargé de veiller au respect du droit international
dans la gestion des ressources gazières, et dont font également partie la
Jordanie, Chypre, la Grèce et l'Italie.
D'autre part, l'Égypte et Israël partagent un gazoduc
sous-marin, passant au large de Gaza et permettant d'acheminer du gaz israélien
vers l'Egypte, où il sera désormais liquéfié pour le transporter en bateau vers
l'Europe.
[1] Louis Imbert Le
Monde du 13 octobre 2022
4 commentaires:
Israël va fournir du gaz à l'Europe! En ont ils profité pour obtenir des avantages diplomatiques en échange?
Marc
à Marc
Les états pratiquent la Réal politique.
Pour diverses raisons Israël est devenu un partenaire important de l'Europe.
L'existence du gaz n'est qu'hypothetique. Et si il n'y avait rien?
De toute facon, le prochain nouveau gouvernement israelien a declare vouloir annuler l'accord.
Encore une action de Tartarin!
@Georges Kabi
Si les Libanais ne trouvent pas de gaz, ça serait tant pis pour le Liban. Les menaces du Hezbollah sont des rodomontades (dans ce cas).
En matière de politique de défense et étrangère il y a peu de différences entre la gauche et la droite en Israël.
Cet accord, bien qu'il ne soit pas une reconnaissance officielle de la frontière maritime, permettra à Israël d’exploiter le gaz de Karish, ce qui est l'objectif.
Le nouveau gouvernement israélien n'a rien déclaré car il n'est pas encore constitué.
Les déclarations du candidat Netanyahu sont des promesses électorales. Je pense qu'il ne les tiendra pas car cela ne serait pas dans l’intérêt d’Israël. Nous verrons bien!
Chabat Chalom.
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