LE BEST-OF DES ARTICLES LES PLUS LUS DU SITE, cliquer sur l'image pour lire l'article


 

mercredi 19 mai 2021

Israël, le temps de la sidération par Francis MORITZ

 

ISRAËL, LE TEMPS DE LA SIDÉRATION

Par Francis MORITZ

 


Lynchage à Bat-Yam

Après avoir vaincu la pandémie, Israël est confronté à une épidémie de violences et de haines dont le virus se propage à travers tout le pays. On incendie, on lynche, On pensait qu’il existait une cohabitation pacifique permettant aux deux communautés, arabe et juive de vivre côte à côte et selon la formule empruntée à l’ex-ministre de l’intérieur Gérard Collomb, les deux communautés sont brutalement passées du côte à côte au face à face. Il y a un effet de sidération qui pourrait se transformer en prise de conscience, si telle sera la volonté de la population.





On constate que l’extrémisme des uns est équivalent au nationalisme des autres. On ne sait que trop où cela conduit, qu’on soit Juif ou pas. Cette dérive lente mais réelle qu’observe le pays, l’importance croissante des partis religieux n’est pas le seul facteur à l’origine de cette situation. Les gouvernements successifs, depuis celui d’Ariel Sharon, n’ont pas su ou voulu voir que la séparation des Palestiniens en deux entités loin de les affaiblir n’a fait qu’exacerber leur rivalité et créer une surenchère sans fin. Favoriser l’une au détriment de l’autre ne pouvait constituer une politique, dès lors que depuis des années le pays et plus spécialement le sud est soumis à une menace incessante. 

Gaza de tous temps a été un problème pour qui n’a jamais voulu l’intégrer. Ce qui fut déjà le cas de l’Égypte après l’opération de Suez. On a donc laissé prospérer le Hamas qui, de faction palestinienne, est devenu une entité avec ses dirigeants, ses commandants, ses porte-paroles, son bureau politique, pendant que la communauté internationale le classait comme organisation terroriste. Elle doit être réduite au silence, ce moment semble venu.

Comment une armée, des services secrets très sophistiqués capables d’intervenir en Irak, en Iran en Syrie ne sont-ils pas capables d’intervenir à leur porte ? Est-ce un aveu d’impuissance ou l’expression d’une volonté, d’un calcul délibéré mais qui se révèle mortifère. J’avais déjà utilisé l’expression quoi qu’il en coûte. Pourra-t-on indéfiniment continuer de la sorte, maintenir le statu quo ? Entendre le premier ministre ou celui de la défense rappeler qu’Israël «réagira en conformité avec ses intérêts» !  C’est quoi «ses intérêts» ? Est-ce avoir une population au sud du pays sous la menace des missiles, avoir des hommes, des femmes et des enfants qui courent aux abris, avoir les écoles fermées qui subissent les 10% des missiles que le Dôme de fer ne peut arrêter ?


le sergent-chef Omer Tabib de la Brigade Nahal, a été tué


Sans être catastrophiste, combien de temps cela peut-il durer ? L’aéroport international fermé, le pays est isolé du monde. On pouvait penser qu’après les accords d’Abraham, on était passé à une ère nouvelle. Ce qui se produit actuellement est une terrible régression. Peut-être sera-ce enfin le catalyseur en vue de choix décisifs pour apporter la paix. Doit-on croire que ce sont les barrières à l’entrée de la porte de Damas ou les difficultés d’accès à l ‘esplanade des mosquées qui auront été le déclencheur de ces évènements ? On sait d’expérience que la période du Ramadan est propice à des heurts ; était-ce le moment d’essayer de régler les problèmes d’expulsion de Jérusalem-Est ?

La rue arabe, dans tout le Moyen-Orient condamne Israël. Les dirigeants, même les moins favorables à la cause palestinienne sont plongés dans un embarras profond qui les met pour la plupart en porte à faux avec leur population, qui a déjà eu du mal à accepter la reconnaissance de l’État juif. Il est surprenant qu’on n’ait pas demandé à certains de ces pays, notamment ceux qui soutiennent financièrement le Hamas, d’avoir un rôle actif. Après tout, n’est-ce pas le rôle de la diplomatie ?  C’eut été l’occasion de voir sur le terrain la valeur de ces accords. On assiste actuellement à des déclarations tous azimuts des gouvernements de l’UE qui s’inquiètent, qui demandent une réaction proportionnée, au fait c’est quoi «une réaction proportionnée» ? Est ce qu’on la mesure au nombre de roquettes, au nombre de victimes, de blessés, aux bâtiments détruits, au nombre d’élèves confinés parce que les écoles sont fermées ?

C’est parfois à l’issue d’une épreuve, aussi terrible qu’apparaît une solution, sinon la vérité qui est parfois cachée et qu’on ne veut voir. Israël ne peut pas continuer à vivre en permanence entre des nationalistes et des extrémistes. Ce qui était une différence sur le plan spirituel entre adeptes de l’islam et ceux du judaïsme est devenu une crise identitaire, où la religion a pris le pas sur la spiritualité. C’est un changement majeur de paradigme auquel le pays est confronté, comme l’est l’Europe depuis plusieurs années pour la même raison et bien d’autres. On ne résout pas le problème par des déclarations, mais par un changement de cap et les mesures qu’il impose. Elles peuvent être difficiles, dramatiques mais indispensables.

Mansour Abbas et Yaïr Lapid


Contre toute attente, peut être le dirigeant de la liste Arabe Unie Mansour Abbas pourrait saisir l’opportunité qui lui est offerte de jouer un rôle éminent. Ce serait avec son soutien que se formerait le gouvernement d’unité qui mettrait fin officiellement à la carrière de B. Netanyahou ? 

Pendant ce temps, au terme de plusieurs déclarations, la France ne laissera pas s’organiser une manifestation pro palestinienne à Barbes le 15 mai. Le ministre de l’Intérieur en a donné l’instruction au préfet. On doit cependant constater qu’on n’a pas vu d’autres rassemblements contre le massacre des femmes Yazidis, des Chrétiens d’Irak, des femmes kurdes en Syrie, des civils syriens, des Ouigours en Chine, des Birmans protestataires et d’autres. Les actes antisémites et anti israéliens sont en forte hausse en Allemagne où le Covid est un accélérateur et ce conflit de même. La France suit le même chemin.

On peut sans doute momentanément se satisfaire de la formule attribuée à feu Golda Meir : Je préfère vos reproches à vos condoléances, mais pour combien de temps encore ?

4 commentaires:

Marianne ARNAUD a dit…

Si vous aviez écrit : "La rue arabe, dans tout le Moyen-Orient - ET EN FRANCE - condamne Israël", peut-être cela aurait pu vous aider à sortir plus vite de la "sidération" car cela vous aurait permis de faire le parallèle avec ce qui s'est passé naguère entre la France et les Algériens. Sans doute y auriez-vous trouvé beaucoup de réponses aux questions que vous vous posez concernant ce qui se passe aujourd'hui entre Israël et les Palestiniens.

frenkel david a dit…

Oui, mais que proposez-vous concrètement Francis Moritz ?

Francis Moritz a dit…

Cher Monsieur Frenkel, je réponds.

1. Le système électoral actuel, qui avait certainement ses raisons d’être à la création de l’état n’est plus du tout adapté à la situation actuelle. Il conduit aux désordres que le pays subit : pas de budget voté et 4 élections en 2 ans. La cour suprême doit obliger le premier ministre à nommer des ministres, certains ministres ont fait de la prison pour détournements de fonds publics. La place et l’importance du vote des partis religieux est inversement proportionnel à leur poids réel dans le pays.
2. Un pays moderne ne pas peut pas être soumis aux seules règles d’une minorité qui représente maximum 10% des votants. Je n’ai rien contre la religion, en revanche je pense que la foi et la religion sont du domaine de l’intime et doivent y rester. On voit ailleurs ce qu’il advient des pays où la religion se confond avec la politique et impose ses lois aux citoyens. Je ne crois pas que ce soit ce que veut la majorité.
3. On ne peut à la fois indéfiniment avancer l’argumentation que le pays est multi ethnique, multi culturel et multi religieux et relégué les arabes israéliens dans une zone grise et les traiter comme des citoyens différents. C’est donner du grain à moudre à tous ceux qui utiliser cette image pour en faire le reproche à Israël. En France on diabolise le RN tout en constatant qu’il réalise des scores de plus en plus importants. Soit on s’attaque aux racines du mal, à l’idéologie, au raisonnement suivi et on peut faire évoluer la situation, soit on continue, comme en France, à s’attaquer aux personnes et cela ne mène nulle part. Il faut choisir, les arabes sont-ils des citoyens à part entière et il faut les engager, les impliquer, les faire participer et cesser de les utiliser comme des pions électoraux dans un système qui a atteint ses limites ou veut on les considérer et les traiter comme des citoyens à part, tout en leur donnant une place non négligeable dans le système politique actuel. Ce qui est antinomique sauf avis contraire.
4. Gaza, cette verrue, cet abcès de fixation qui explose régulièrement. A chaque explosion, le monde entier donne des conseils et fait des recommandations d’autant plus quand il n’a rien à dire. Comment un blocus, si c’est un blocus peut-il permettre l’entrée de matériaux et de moyens qui permettent la fabrication de missiles ? Israël qui en a vu d’autres, doit faire autre chose qu’un nettoyage annuel comme celui de Pessah. Là il s’agit de faire un très grand ménage, pas juste un toilettage, pour recommencer et voir s’abattre des pluies de missiles chaque fois plus sophistiqués sur le sud du pays et depuis ailleurs aussi. Cherchez l’erreur.
5. Jusqu’à ce jour aucun homme politique, aucun parti n’a proposé ou mené à son terme une réforme du système électoral. On préfère continuer comme « avant« et poursuivre les combines politiques habituelles et les spéculations sur celui qui sera cette fois le « faiseur de roi »
Je ne sais pas si j’ai clairement répondu à votre question, mais j’ai fait de mon mieux.

Anonyme a dit…

Bonjour,

Prenons le problème inversement.

Partons du postulat qu'Israel est une nation dans le sens d'être composée de plusieurs provinces, et, donc, plusieurs "etnies" humaines sans effacer les particularités de celles-ci et en favorisant une culture commune.

Deux questions me viennent:
1) Quelle est cette culture commune ?
2) Quelle est l'élément qui empêche la formation de cette culture commune ?

En répondant à ces deux questions, il me semble possible de trouver un premier point d'accord et, donc, d'avancer vers une convergence des volontés "individuelles" que l'on soit juif, chrétien ou musulman et que l'on vive en Israel, en Palestine ou en Cisjordanie ... eccetera.

De mon point de vue, et c'est un paradoxe (pluri-millénaires, je le crois), ce qui fédère les populations locales est la foi: une culture spirituelle forte.

Paradoxe car une nation, un état, un gouvernement, des provinces ... tout ceci est de l'ordre du politique et non de la spiritualité.

Et qu'est-ce qui empêche la formation d'une culture commune malgré les différences de chacun ? exactement ce qui fédère les populations locales: la foi.

Le paradoxe est là: la foi rassemble et divise en même temps.

Seul une solution politique, s'appuyant sur les sages des différentes "communautés religieuses", peut amener à l'avènement d'une "politique commune" portant des fruits réels et non juste un ouvrage d'art diplomatique sans réel valeur temporelle.