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vendredi 22 novembre 2019

Les troubles internes s'amplifient en Iran


LES TROUBLES INTERNES S’AMPLIFIENT EN IRAN

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
            
Voitures de police incendiées
       Les Iraniens ont pris le prétexte d’une hausse de l’essence pour manifester violemment. Les troubles s’étendent dans plusieurs villes. Des dizaines d’immeubles et de propriétés publiques, y compris des banques, ont été détruits par des émeutiers dans la province d’Ispahan au cours des manifestations de protestation contre la hausse des prix de l’essence. 


Incendie d'une banque

       Le maire adjoint de la province d'Ispahan, Hossein Amiri a révélé que «69 banques ont été endommagées, 28 bus incendiés, les bâtiments de la municipalité d'Ispahan attaqués et 2 bases des forces Basij (volontaires) également été endommagées». Il a également ajouté que 2 stations de télécommunication, 2 kiosques de police, 7 stations d'essence, plusieurs véhicules de la municipalité, 3 maisons situées à proximité des banques et 3 bâtiments du gouvernement ont subi de gros dégâts.   
Les manifestants bloquent les routes
         
            Le gouvernement du président Hassan Rouhani a déclaré que la hausse du prix de l'essence visait à collecter environ 2,55 milliards de dollars par an en subventions supplémentaires qui seront versées à 18 millions de familles, soit environ 60 millions d'Iraniens à faibles revenus.

            Dans le même temps, un responsable des Gardiens de la révolution islamique (IRGC) a annoncé que les forces de sécurité avaient arrêté 150 meneurs dans la province d'Alborz, près de Téhéran. Les manifestants sont considérés comme des hors-la-loi qui visent à semer le chaos par le biais d'attaques ciblées sur des propriétés publiques et privées, forçant les forces de l'ordre à intervenir pour arrêter les saboteurs. Selon des informations confirmées, près de 87.000 manifestants et émeutiers ont participé aux rassemblements de protestation. Les méthodes violentes des émeutiers donnent à penser qu'il s'agit de personnes parfaitement formées pour aggraver la situation.
            Il ne s’agit plus de petites manifestations mais de véritables émeutes. Selon la police, environ 15.000 personnes se sont réunies dans 1.080 grandes villes pour infliger, dans le cadre de raids violents, des dégâts importants aux propriétés privées. La plupart des dommages matériels ont été causés dans les provinces du Khuzestan, de Téhéran, du Fars et de Kerman par des «hors-la-loi» armés qui se sont attaqués aux centres de stockage de pétrole et même des centres militaires. Près de 1.000 personnes ont été arrêtées à travers le pays, tandis que plus de 100 banques et 57 grands magasins ont été incendiés ou pillés dans une seule province.
Général Gholamreza Jalali

            Le général de brigade Gholamreza Jalali, chef de l'Organisation iranienne de défense civile, a révélé que les émeutes sont le fait de groupes anti révolutionnaires munis d’armes à feu. Il a accusé les réseaux sociaux basés dans des pays étrangers d’avoir ouvert la voie à des mouvements terroristes et à des émeutes en Iran. Il estime que ces manifestations sont une affaire purement interne qui ne durera pas longtemps et que le ministère du Renseignement s'attaquera de manière décisive à ceux qui «fomentent l'insécurité et perturbent la tranquillité des gens».
            Un haut responsable de la commission de la sécurité nationale et de la politique étrangère du parlement iranien accuse l'organisation Mojahedin-e-Khalq (MKO ou MEK) d’être à l’origine des émeutes : «un certain nombre d'émeutiers liés à Monafeqin (des hypocrites, surnom des membres de la MKO) ont été arrêtés». En écho, le brigadier général commandant  la force de police iranienne, Hossein Ashtari, a confirmé que les terroristes de MKO étaient à l'origine des récentes émeutes : «La destruction des biens publics est un exemple flagrant de crime et la police confrontera ceux qui commettent un crime sur la base de ses obligations naturelles et légales». Selon Amnesty international, au moins 106 personnes ont été tuées en Iran, voire plus, depuis que des manifestations ont éclaté dans le pays. Ces chiffres sont confirmés par le site Internet de l'opposition, Radio Farda, qui cite des organisations de défense des droits humains et des vidéos sur les médias sociaux.
MKO

            Bien que les autorités iraniennes n'aient confirmé que la mort de trois personnes jusqu'à présent, plusieurs rapports suggèrent que le nombre de morts est au moins 13 fois plus élevé que ce que prétend officiellement. Les forces de sécurité ont ouvert le feu sur le toit d'un immeuble de la ville de Javanrud, tuant au moins quatre personnes. Six autres personnes ont été tuées à Mariwan, dans la province du Kurdistan. Les manifestations dans les villes de Javanrud, Sanandaj, Kermanshah et Bukan étaient généralisées et le bilan des victimes était élevé. Dans la province du Khuzestan, dans le sud-ouest du pays, au moins 13 personnes ont été tuées.  L’origine des troubles est le rationnement de l’essence imposé par l’Iran et l’augmentation des prix à la pompe d’au moins 50%.

            L’Iran a presque complètement fermé son accès à Internet. Le guide suprême iranien Ali Khamenei a soutenu la hausse du prix de l'essence qui a provoqué des manifestations à l'échelle nationale, qu'il a imputées aux opposants et aux ennemis étrangers de la République islamique. Cela a poussé les manifestants à bloquer les routes principales dans plusieurs villes en criant «Mort au dictateur». Un journal radical affilié au bureau du guide suprême iranien  suggère que ceux qui ont dirigé les manifestations violentes soient exécutés par pendaison pendant que les troubles se poursuivent. Quand un pays décide de pendre la fine fleur de sa jeunesse, c’est qu’il a touché le fond et il finira alors comme tous les pays dictatoriaux. 
            Il semble bien que la stratégie américaine des sanctions économiques commence à porter ses fruits. La population est excédée par les restrictions et par la hausse du coût de la vie. Elle choisit toutes les excuses pour marquer son opposition en prenant des risques très importants car le régime ne supporte aucune contestation et il le montre avec la centaine de morts dénombrés. 

          Le ver est dans le fruit. Comme tous les régimes dictatoriaux, il pourrira de l'intérieur et depuis la base. La population iranienne est seule dans ce combat, désarmée, étouffée, écrasée mais sa capacité de résistance est croissante. Elle supporte mal le gâchis financier dilapidé à l’extérieur du pays dans des aventures militaires coûteuses. Certes, l’Iran a réduit de manière drastique ses aides aux Hezbollah et aux autres milices chiites qui lui sont inféodées. Mais les Iraniens ne voient pas encore de lueur d’espoir au bout de leur tunnel.


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