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mardi 19 novembre 2019

Benny Gantz au pays des rêves politiques


BENNY GANTZ AU PAYS DES RÊVES POLITIQUES

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
            

          L’opinion israélienne, quelque soit sa couleur, est lasse de nouvelles élections qui déboucheront certainement sur une nouvelle impasse. Elle est surtout lasse de l’absence d’un gouvernement, depuis près d’un an, alors que des décisions importantes, économiques et sécuritaires, doivent être prises de manière rapide. Elle souhaiterait vite remettre le pays au travail et rassembler les Israéliens pour faire face aux défis économiques et sécuritaires. Dans l’immédiat, Netanyahou est le premier ministre de transition et le restera jusqu’à ce qu’un nouveau premier ministre soit désigné. Selon la Loi fondamentale, le gouvernement sortant continuera à exercer ses fonctions tant que le nouveau gouvernement n'est pas constitué.



            Benny Gantz, qui refuse de rendre son mandat au président de l’État Réouven Rivlin, va certainement décider de former un gouvernement minoritaire soutenu par seulement 44 députés, gauche comprise, sur 120. Il se rendra devant la Knesset, y présentera les ministres de son gouvernement, annoncera le partage des tâches en son sein et les principes guidant sa politique. Pour l'instant la droite ne participera pas aux affaires. Après quoi, le Premier ministre et les ministres entreront en fonction. 
       Cela entraînera automatiquement le retrait de Benjamin Netanyahou de son poste. C’est l’objectif de la stratégie de Bleu-Blanc ; débloquer la situation pour supprimer le verrou. Le nouveau premier ministre et ses ministres devront ensuite prêter serment devant la Knesset, qui peut, par un vote majoritaire de 61 voix, censurer le Premier ministre. Ce vote de censure équivaudra à une décision de la Knesset de se dissoudre avant la fin de son mandat.
            Il semble, dans l’état actuel des blocs à la Knesset que le groupe de droite ne dispose que de 55 sièges qui ne lui donne pas le droit de censurer le gouvernement. Avigdor Lieberman n’envisage pas de mêler ses 8 voix au groupe de droite et il s’abstiendra tandis que la liste arabe avec ses 13 sièges refusera la chute du gouvernement de Gantz en ne participant au vote car elle a un contentieux grave avec Benjamin Netanyahou dont le départ sera pour elle une grande victoire. Le député arabe Ahmed Tibi vient d’annoncer que : «La liste commune fera tout pour éliminer Netanyahou du pouvoir. Il est simplement un politicien dangereux». Dont acte.
            La question reste la viabilité d’un gouvernement minoritaire si peu soutenu et qui reste à la merci du faiseur de roi Avigdor Lieberman. Mais le scénario est presque écrit. Gantz constituera un gouvernement très resserré pour laisser la place à de nouveau entrants. Les ministres déjà pressentis sont Gabi Ashkenazi à la Défense, Moshé Yaalon à l’Éducation, Yaïr Lapid aux Affaires étrangères, Orly Levy-Abecassis à la Santé et Nitzan Horowitz aux communications. Amir Peretz se réserve pour le poste de président de l’État libéré en juin 2020. Par ailleurs, Gantz s’était engagé pendant la campagne à intégrer un Arabe et un Druze dans son gouvernement. Il existe beaucoup de technocrates arabes non mouillés politiquement avec la liste unifiée, qui pourraient remplir cette fonction. Ce serait le cas du président actuel de la Banque Leumi qui ferait un bon ministre des finances.

            Les experts politiques sont persuadés qu’une fois le gouvernement établi et au travail, Avigdor Lieberman le rejoindra à un poste mérité important, s’il ne le fait pas immédiatement. Il amènera avec lui son ami de toujours, le russophone et président de la Knesset Yuli Edelstein. Mais la durée de la coalition dépendra du comportement du Likoud. Ou bien Netanyahou considère qu’il a été à l’origine d’une troisième défaite pour son parti et il tirera les conclusions en n’acceptant pas d’être un député lambda. Ou bien il voudra continuer le combat, coûte que coûte, en tant que chef de l’opposition dans le cadre d’une guérilla politique tendant à bloquer la Knesset. Mais il ne sera plus couvert par l’immunité judiciaire.
Saar et Netanyahou

            Le Likoud a prévu de nouvelles primaires pour désigner son leader, il est fort probable que Gideon Saar arrivera en tête ce qui libérera le parti de son engagement vis-à-vis du Lider Maximo. Ayant refusé de jouer contre son camp, Saar sera alors le candidat de compromis qui pourrait envisager de se joindre au gouvernement minoritaire avec plusieurs collègues à des postes ministériels importants que Netanyahou leur a toujours refusés. Il arguera qu’il le fait dans l’intérêt du pays qui a besoin d’une union nationale qui ne devra pas être un gouvernement d'inertie nationale. Les deux grands partis ont des vues politiques très voisines. Seul Netanyahou les séparait.


            Le Likoud, libéré, risque de se retrouver en pleine recomposition. La faction Koulanou, de Moshé Kahlon, sera la première à réclamer son autonomie après avoir rejoint, contre l’avis de la majorité du parti, le Likoud. L’ex-général Yoav Galant n’a pas apprécié que le poste, qui lui revenait de droit, ait été attribué à un député sans grande expérience sécuritaire hormis son passage à l’unité d’élite Sayeret Maatkal durant son service.  D’ailleurs bien que Naftali Bennett ait obtenu le ministère de la défense qui lui a été toujours refusé par Netanyahou, il subsiste un contentieux lourd avec le Likoud. 
          Il en est de même, au sein de la droite Yamina, avec sa passionaria et très ambitieuse Ayelet Shaked, qui pourrait reprendre aussi sa liberté pour voler de ses propres ailes. Rester en dehors d’un gouvernement pendant au moins deux ans serait pour elle une punition trop grande à supporter. Par ailleurs la greffe avec le Likoud n’a pas vraiment pris et le fait qu’elle n’ait pas retrouvé son poste ministériel fait d’elle une rebelle.


Mansour Abbas

            L’appel catastrophé de Netanyahou annonçant les partis arabes aux portes du pouvoir israélien avec le risque de voir Tsahal tomber entre des mains ennemies, n’a pas fait recette. C’était trop gros pour être crédible. Il a mis en garde les Israéliens que tout gouvernement Gantz formé avec le soutien des partis arabes, «soutiens des terroristes», serait «un péril existentiel et immédiat pour la sécurité d'Israël».
          Or, pourquoi Gantz se priverait d'un gouvernement minoritaire d'autant plus que l'exemple vient d'en haut. Le député arabe Mansour Abbas a révélé qu’au lendemain des élections d'avril 2019 un ministre du Likoud avait approché la liste commune de la part de Netanyahou afin de tenter de négocier un soutien pour un gouvernement minoritaire de droite : «Netanyahou a débattu de plusieurs options - former un gouvernement avec 60 députés ou dissoudre la Knesset». Abd al-Hakim Haj Yehiya, ancien membre de la Knesset, a dit à la radio que Mansour Abbas avait eu des entretiens avec Nathan Eshel et Mickey Zohar du Likoud, ce que Mansour a confirmé au journal Haaretz.


Sharon à la tribune de l'ONU

          Par ailleurs les relations avec les Arabes ne doivent pas être considérées comme une trahison dès lors que la loi les autorise à être députés en tant que citoyens israéliens. On se souvient qu’Ariel Sharon était devenu un champion de la réconciliation avec les Palestiniens et d'un règlement négocié. A la tribune de l'Assemblée générale de l’ONU, il avait avoué que la mission de sa vie était de trouver le chemin de la paix. Il voulait être un Begin-bis.
           Depuis qu’Avigdor Lieberman a exclu de mêler sa voix à celle du premier ministre actuel, Benny Gantz s’est mis à rêver. Il a mis ses pas dans ceux d’Itzhak Rabin qui a montré le chemin en 1992 en créant un gouvernement minoritaire, avec la neutralité des partis arabes. D'ailleurs il avait été vite rejoint par des candidats à un portefeuille ministériel, quelques semaines après sa formation. La politique réserve des surprises et des rêves. Gantz se souvient que Theodore Herzl avait écrit : «Si vous le voulez, ce ne sera pas un rêve». 

3 commentaires:

André Mamou a dit…

Un gouvernement minoritaire qui ne pourrait survivre qu’à la condition de ne rien décider qui puisse fâcher les députés arabes !
Qui peut applaudir ? Ceux qui haïssent tant Netanyahu qu’ils pourraient consentir à mettre le pays en péril !

André Mamou Tribune Juive

Patrick a dit…

Une transition de plusieurs mois sans pouvor prendre de décision majeure va encore paralyser le pays.
Pour Bibi ce sera la fin après un règne à succès.
Il pourra faire des conférences comme les autres présidents étrangers et enfin gagner sa vie à 500 000 € par conférence.

Marianne ARNAUD a dit…

@ André Mamou

"ne rien décider qui puisse fâcher les députés arabes", et dans le cadre de "la reprise des éliminations ciblées", éviter autant que possible de faire des victimes civiles "inattendues" !