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dimanche 9 octobre 2016

Flottille de Gaza : Folklore et lâcheté



FLOTTILLE DE GAZA : FOLKLORE ET LÂCHETÉ

 

Par Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps 


         
          Il est vrai que nous sommes loin de la manifestation monstre à Paris du 18 juin 2010, la plus importante de mémoire de journaliste. Le cortège s’étirait de la République à la Nation, sur plusieurs kilomètres en rangs serrés. Au moins un million de manifestants  ont constitué des cortèges dans toute la France pour faire entendre leur réprobation devant les prétendus massacres contre les Palestiniens. Ces mêmes manifestations ont eu lieu simultanément à Londres, à Bruxelles, en Turquie, en Jordanie et au Liban. Le Parti des musulmans de France (PMF), proche des mouvements islamistes radicaux, conduisait la marche avec son imam en tête en tenue de gala, tout de blanc vêtu.



La fine fleur des Gauchistes français

La gauche française, à l’initiative du Nouveau Parti Anticapitaliste, avait alors lancé un appel à se rendre en masse au centre de Paris. Toute la fine fleur de ce que compte la France comme véritables gauchistes, selon la définition de Georges Marchais, était présente pour se dire «révoltée par cet acte de guerre».  Bref tous les ténors de la bonne conscience étaient là ; les artistes de la contestation défilaient comme ils le font dans les grandes occasions quand ils estiment que le droit humain est bafoué. Mais il s’agissait alors de soutenir Gaza et pas les populations arabes qui subissaient la mort par révolution interposée.
            Depuis le début des révolutions, des cadavres jonchent les sols tunisiens, égyptiens, libyens, irakiens et syriens, la plupart parce qu’ils ont osé réclamer la liberté. On s’attendait à ce que les manifestants français aillent défiler en masse pour s’élever contre les meurtres de centaines de milliers de civils au Moyen-Orient afin de marquer leur solidarité active. Mais ils n’ont pas réagi puisque les faits ne prêtent pas à attention, surtout lorsque des Arabes tuent d’autres Arabes.
morts syriens

            La nouvelle flottille de Gaza qui a été interceptée par la marine israélienne entrait dans le domaine du folklore plutôt que du domaine politique. Juste un petit yacht, avec à bord 13 femmes et une journaliste d' Al-Jazeera qui a fait de son mieux pour ajouter une dimension dramatique à l'événement : «Les femmes sont préparées pour tout scénario». Quelques femmes désœuvrées ont voulu montrer qu’elles s’intéressaient à la «prison à ciel ouvert» de Gaza. Elles n’ont amené avec elles ni médicaments, ni sac de riz et ni jouets pour les enfants ; juste une caméra et un microphone dans leur guerre médiatique.
Soldates de la marine d'interception

          Mais par leur action, elles ne se sont pas rendu compte qu’elles faisaient preuve d’une totale lâcheté. D’une part parce que le seul danger auquel elles ont été confrontées fut les quelques vaguelettes de la Méditerranée pendant un mois de «croisière». Elles savaient que le risque était nul à l’arrivée face à la marine militaire israélienne qui les a plus considérées comme des illuminées que comme des adversaires sérieuses. Comble de la déception, ce sont des femmes militaires de Tsahal qui ont mis fin à leur petite sauterie.
Camions vers Gaza

La lâcheté de ces femmes est actée car elles se sont dérangées pour soutenir les habitants de Gaza soumis à un blocus partiel. Elles savaient que 800 camions traversaient chaque jour la frontière israélienne pour convoyer les besoins en marchandises de la bande alors que rien ne passait à travers le point de contrôle égyptien. Depuis la fin de la guerre de 2014 provoquée par le Hamas, on ne peut pas dire que les morts jonchent les rues de Gaza. 
Malgré cela, ces femmes "courageuses" ont voulu marquer leur solidarité avec les militants du Hamas mais n’avaient aucune raison sérieuse pour s’intéresser à ce qui se passe dans les autres contrées musulmanes, la Syrie, l’Irak, le Yémen et même la Turquie. Il s’agit là-bas d’une guerre interne qui ne les concerne pas car quelques centaines de milliers de morts arabes ne représentent pas grand-chose dans leur combat politique. Il est vrai que ces sujets ne font pas vendre et ne mobilisent pas les masses quand Israël n’est pas impliqué et quand les Arabes n’apparaissent pas en victimes.
            Les donneurs de leçons n’ont rien à dire sur ces massacres. Ils se taisent, ils ne s’expriment plus, ne réagissent pas dans les médias, ne condamnent plus les «actes barbares» et ils ont perdu leurs mots pour qualifier ce drame. Ils ne se voient pas autorisés à  militer pour le sauvetage de milliers d’Arabes qui n’avaient qu’à se laisser exterminer pour laisser en paix les organisations politiques françaises. Pour eux, le blocus de Gaza est inconcevable même quand il s’agit de s’opposer au passage d’armes de destruction ou de matériel de construction des tunnels de la mort.  

            La vérité est une notion relative puisque les bonnes consciences françaises, qui s’opposent à Israël, sont toujours promptes à réagir quand elles estiment que l’Etat juif n’a «aucune considération pour les Palestiniens, spoliés, chassés hors de chez eux et maltraités depuis 1948». Les autres victimes ne méritent pas qu’on s’attarde sur leur sort et ne font l’objet d’aucune polémique. Telle est «leur» vérité. Le problème de ces élites est qu’elles ont l’indignation sélective pour ne pas dire exclusive. Il serait bon que, de temps en temps, elles enlèvent leurs œillères pour constater qu’il y a d’autres peuples qui méritent une attention et auxquels elles ne daignent même pas offrir un regard de compassion.

Cette flottille, conduite par des femmes, a fait preuve de lâcheté car elle se serait grandie si elle s’était dirigée vers un port syrien pour demander la cessation des massacres et pour venir en aide aux populations affamées d’Alep. Mais là-bas, le danger est plus grand, incommensurable, et les militaires syriens ne sont pas des enfants de cœur ; ils manient le fusil aussi bien que le sabre. Mais là-bas elles auraient fait véritablement preuve de courage; là-bas elles auraient marqué les esprits; là-bas elles auraient pris des risques alors qu’avec leur voilier, voguant au gré du vent, elles ont passé une véritable croisière folklorique qui les a mises à la lumière. Là-bas, leur voilier aurait certainement connu les fonds de la Méditerranée, avec ou sans elles, car on ne badine pas avec Bachar.  
En agissant ainsi, elles ont prouvé la valeur relative de la vie d’un Arabe.     


5 commentaires:

Unknown a dit…

Émet !

Patrick a dit…

Effectivement le printemps a été très vite suivi de l hiver mais les Européens sont frileux et se cachent devant des montagnes de morts.
Les Américains comme les Européens observent et sont prêts a critiquer seulement.

andre a dit…

Bien vu Jacques ! Les Precieuses ridicules ...

V. Jabeau a dit…

Réussirez-vous M. Benillouche, à faire passer ce très juste papier dans l'édition française de Slate ? Si non, pourquoi ?

V. Jabeau a dit…

Cet article très intéressant et instructif va je l'espère être publié sur Slate également. Si non, pourquoi ?