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mardi 7 janvier 2014

EN TUNISIE LES FEMMES IMPOSENT LEUR AVENIR



EN TUNISIE LES FEMMES IMPOSENT LEUR AVENIR

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps


Dans un article du 23 janvier 2011, une prophétie avait été publiée sur Slate* que «la femme est l’avenir de la Tunisie». Bourguiba avait fait le pari de la libération de la femme pour moderniser la société tunisienne. Or l’héritage était menacé car la mainmise islamiste faisait craindre le pire. Mais les femmes ont tenu bon et n’ont pas perdu leur statut de rempart contre l’islamisme.

  

Femmes précurseurs



          Elles avaient obtenu du président Habib Bourguiba la modernisation de l’État tunisien aussitôt après son arrivée au pouvoir. Il avait ainsi promulgué le code du statut personnel (CSP) le 13 août 1956, quelques mois après l’indépendance du pays, proclamée le 20 mars. Le Combattant Suprême s’était appuyé sur l'émancipation féminine pour revitaliser la société tunisienne. Sa démarche fut unique dans le monde arabe, frileux quand il s’agit de s’attaquer aux dogmes de la religion.


            Il avait imposé ainsi sa propre révolution grâce à une réforme audacieuse qu’aucun autre dirigeant musulman n’avait osé mettre en œuvre. La nouvelle loi entra en vigueur dès le 1er janvier 1957 dans le cadre d’un vaste programme de modernisation de la société : l'interdiction du port du voile dans les écoles, la reconnaissance du droit de vote aux femmes, le démantèlement de l'université de la Zitouna, citadelle du conservatisme, la dispense de jeûne durant le mois de ramadan, la mise en place du planning familial, le droit à l'avortement libre et la gratuité de la pilule, l’interdiction de la polygamie et de la répudiation et enfin, l’obligation d’obtenir le divorce devant le tribunal. 
Femmes en Tunisie


Les Tunisiennes, accusées de singer les femmes occidentales, n’ont pas hésité à porter des jeans, des mini-jupes et des tenues affriolantes. Le pouvoir avait investi dans les universités et elles choisirent, en masse, le chemin des études pour s’insérer dans tous les pans de la société, en occupant des postes économiques et politiques de haut niveau. Devenues concurrentes des hommes, elles avaient fini par prouver qu’elles étaient leurs égales; un véritable défi pour un pays musulman.


Recul avec la révolution

Amina Tyler


            L’arrivée des islamistes au pouvoir avait mis fin à cette évolution des femmes mais elles n’ont jamais désarmé pour autant, même si la pression devenait de plus en plus intense. Ainsi le 1er mars 2013, Amina Tyler avait eu le courage de diffuser sur les réseaux sociaux sa photographie avec les seins nus : «Mon corps m'appartient et n'est source d'honneur pour personne». Menacée de mort par des salafistes, elle est arrêtée le 19 mai 2013 à Kairouan pour avoir voulu dénoncer la condition de la femme dans le pays. 
Attaque de l'ambassade des Etats-Unis en octobre 2012


          Depuis la révolution, l’attaque ou le saccage d’une ambassade ne coûte que deux mois de prison avec sursis. L’organisation d’une conférence de presse dans une mosquée, avec un  appel à la haine et à la désobéissance des autorités, n’est punie que de deux jours de garde à vue. Mais montrer ses seins en public est passible de six mois de prison ferme, beaucoup moins cependant que l’atteinte à l’islam ou au Prophète, car alors la sanction est plus lourde avec sept ans de prison.

           Les femmes tunisiennes n’avaient pas accepté que le parti Ennahda réduise leurs droits acquis sous Bourguiba. À sa prise de pouvoir en 1987, le président Zine El Abidine Ben Ali avait dû se prononcer sur ces droits : il avait alors exclu un «retour en arrière car il ne peut y avoir de développement si la moitié de la société, les femmes, en sont exclues». Il avait d’ailleurs mis ses actes en conformité avec ses paroles en associant sept femmes au gouvernement, en nommant une présidente au sein de la Cour des Comptes et une femme gouverneur (préfet). Ainsi Faïza Kéfi, qui avait occupé les fonctions d’Ambassadeur en France fut nommée, en 2004, première présidente de la Cour des comptes tunisienne (CDC). En mai 2004, Salwa Mohsni Labiadh avait été nommée, pour la première fois de l’histoire de la Tunisie, au poste de Gouverneur de la région de Zaghouan.
Faïza Kefi



À l’assaut de la société tunisienne


La Tunisie avait axé son action pour promouvoir les droits de la femme et de la jeune fille en appliquant une législation visant à renforcer le statut et le rôle des femmes. Elles ont donc eu accès au monde des affaires d’une manière organisée à compter des années 1970. Elles ont profité pour cela des diverses mesures d'incitation décidées par le pouvoir dans le cadre d’une nouvelle ère, celle de la femme responsable, dirigeante et chef d'entreprise. Ainsi, le nombre total des femmes chefs d'entreprise en Tunisie est estimé à 18.000 et elles sont présentes dans les secteurs de l'artisanat (11 %), des services (41 %), de l'industrie (25 %) et du commerce (22 %). Les femmes se sont aussi retrouvées à la tête de banques tunisiennes et africaines.

Les femmes n’ont pas négligé la politique puisqu’elles occupaient 27% des postes de décision dans les cabinets ministériels, 21,6% des conseils municipaux et 20% du corps diplomatique. Enfin le Parlement tunisien comptait, avant la révolution, 59 femmes soit 27,5% ce qui le classait 36ème sur 138 pays dans le monde. Au Sénat, on trouvait 19% de femmes.

Elles représentent 33% dans la magistrature, 31% au barreau, 40% dans l’enseignement universitaire et 34% dans les médias. D’autre part les étudiantes, avec une majorité de 55%, ont supplanté les étudiants dans les établissements d’enseignement supérieur.



Les femmes tunisiennes en politique


Que ce soit au moment du combat pour l’indépendance ou dans la lutte récente contre le clan Ben Ali, les femmes tunisiennes n’ont pas hésité à monter au créneau politique, au premier rang des manifestants, à l’instar de Maya Jribi, secrétaire générale du Parti démocrate progressiste et féministe convaincue. La révolution du jasmin a porté au pouvoir toute une génération d’opposants qui, durant les heures noires du régime de Ben Ali, n’avaient jamais pensé s’unir et qui à présent risquent de se déchirer pour les lambeaux du pouvoir. Les Islamistes, qui ont été en retrait durant la révolution, ont cueilli le pouvoir comme un fruit mûr tombé de l’arbre afin d’imposer leurs lois anachroniques.  Mais les femmes veillaient.
Salafistes tunisiens


Les Tunisiennes sont considérées comme un rempart contre les courants extrémistes et fanatiques et les mouvements anachroniques. Elles sont les seules capables de s’opposer aux Islamistes car elles ont payé chèrement leur liberté ; elles considèrent toute atteinte à leurs droits de femme comme un casus belli. Elles refusent l’obscurantisme de ceux qui voudraient les cantonner à l’écart de la vie politique. Elles ont un courage qui fait défaut aux hommes car si certains hommes, dans leur lâcheté habituelle, se satisfont d’un nouveau pouvoir islamique qui grignote progressivement des parcelles de liberté, alors, au contraire, elles défendent bec et ongles les acquis bourguibiens. 
Assemblée constituante tunisienne


Le salut de la Tunisie est entre leurs mains car elles ne se résigneront jamais à revenir un demi-siècle en arrière. Mais leur combat a payé puisque la nouvelle Constitution a acté leur rôle dans le pays ce qui correspond à une exception dans le monde arabe. Ainsi l’article 20 stipule : «Tous les citoyens et les citoyennes ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination aucune». Cette formulation a été négociée entre les islamistes d'Ennahda, majoritaires à l'assemblée, et l'opposition laïque mais elle ne consacre pas l’égalité des sexes. Certains opposants trouvent la formule «citoyens et citoyennes» trop réductrice et aurait voulu que la Constitution précise clairement que les hommes et les femmes sont égaux et ont droit à la pleine égalité en droit et en fait.
Manifestation du 13 août 2013


Cela a été obtenu parce que les Tunisiennes sont aux avant-postes de la contestation anti-islamiste. Elles avaient eu le courage de défiler dans les rues de Tunis, le 13 août 2013, pour célébrer le 56e anniversaire du Code du statut personnel institué par Habib Bourguiba. Des dizaines de milliers de Tunisiennes sans voile étaient sorties dans la rue pour défendre leurs acquis qu’elles estimaient menacés par le gouvernement provisoire en place, dominé par le parti islamiste Ennahda. Le gouvernement a dû faire marche arrière sachant que les Tunisiennes restaient déterminées. Les femmes tunisiennes ont ainsi montré qu’elles étaient l’avenir de la révolution.

*  http://www.slate.fr/story/32923/femme-tunisie-avenir-islam


4 commentaires:

Paul ZARKA a dit…

C'est bon de voir revenir un peu d'air de liberté sur sa terre natale qui le mérite tant !

Chérif FIRAS a dit…

le problème c'est que cet article peu être en contradiction avec l'article premier qui stipule que la Tunisie est un pays dont l'islam est la religion officielle!!!autrement en se basant sur cet article premier on peu déroger à l'application de cette loi sur l'égalité en plusieurs domaines (héritage, mariage,.....

André N. a dit…

Il est certain que les "Ennhadistes" sont en baisse de forme.
En effet la nouvelle constitution stipule l'égalité entre hommes et femmes et un ami tunisien m'a téléphoné hier pour m'annoncer que l'article qui "criminalisait" tout rapprochement avec Israél avait été rejeté.
Dont acte !!

AMMONRUSQ a dit…

On ne peut qu'aimer ces femmes, je suis heureux pour ce pays don bon nombre de mes amis sont issus.