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vendredi 15 avril 2022

Identité, quiddité, eccéité, ipséité par Claude MEILLET

 

IDENTITÉ, QUIDDITÉ, ECCÉITÉ, IPSÉITÉ


Par Claude MEILLET

 

Guerre Ukraine

         La mise en boite fut immédiate. Il entonne sa petite trompette ; il nous refait le coup du cours ; on va, de nouveau, tout savoir….. Jonathan s’était préparé à affronter la raillerie, qu’il traita, dédaigneusement, de conventionnelle ! Mi-amusés, mi-intéressés, et pour faire bon poids, mi par curiosité, les participants à cette nouvelle réunion de groupe, s’installèrent sur le sable, autour de lui, assis en tailleur ou mollement allongés, pour écouter cette démonstration-bis. Par mesure de rétorsion, il les menaça de décortiquer les différences entre identité, quiddité, eccéité, ipséité, j’en passe et des meilleures. Mais se servant sans vergogne de leur protestation unanime, il leur proposa de s’attacher, donc, au mot le plus commun, identité.


Paul Valéry


La vraie raison de son obstination est, leur dit-il, l’effet dévastateur de l’erreur d’appréhension de cette notion. Surtout en ces temps de choix électoral et plus encore de tragédies. Erreur aux plans général et particulier.

L’erreur est d’abord fondamentale. L’identité n’est pas un état, mais un mouvement. Il ne s’agit pas de reproduire la Gaule mais d’inventer la France des temps nouveaux. Israël n’est pas reproduction d’une histoire magnifiée, mais concrétisation d’une volonté contemporaine. L’identité n’est pas un acquis à mettre en conserve mais une création permanente, pas l’histoire à vénérer mais le présent à optimiser. «L’histoire justifie ce que l’on veut. Elle n’enseigne rigoureusement rien», écrit Paul Valéry.

La première erreur de Poutine dans sa reconquête sanglant de l’Ukraine est d’abord historique. Paul Valéry enfonce le clou dans le cercueil de l’illusion du boucher russe : «Le système des causes qui commande le sort de chacun de nous, s’étendant désormais à la totalité du globe, le fait résonner tout entier à chaque ébranlement». L’identité n’est pas un embaumement mortifère, mais une force de vie créatrice. Elle n’est pas subie, elle est un choix. Les populations africaines arrivant en Europe, confrontées à une double appartenance, doivent pour s’intégrer, privilégier la nouvelle sans oublier, en second rang, l’originaire. Comme la minorité arabe d’Israël doit savoir, de son côté, hiérarchiser ses appartenances en choisissant clairement la nationalité israélienne, sans pour autant renier sa proximité à la population palestinienne.

L’identité n’est pas réduction à un facteur prédominant unique, mais fédération et mobilisation de composants multiples. Elle n’est pas enfermement mais ouverture. L’exploitation d’une thématique surdimensionnée pour cause électorale, comme celle du grand remplacement, ne fait de son initiateur ni un concentrateur de forces présentes, ni un constructeur du futur.

Jonathan reprit son souffle… et reprit vite afin d’éviter le risque de surexposition. L’erreur identitaire produit tous ses effets néfastes dans ses applications particulières. Premier exemple, la mixité galopante des populations. Plus spécifiquement le flux continu, irrépressible car naturel, d’immigration. L’opposition féroce à ce mouvement brandit très haut le drapeau de la défense de la pureté d’identité. Erreur double qui ne fait que cacher la solution à une interrogation légitime en soi. Double car les identités sont toujours, elles-mêmes, l’aboutissement de mixités historiques. Ce qui ne les rend pas plus impures que pures.



Car, aussi, l’enfermement identitaire perturbe et parfois empêche, l’enrichissement réciproque que le mixage de populations produit inévitablement. La réussite de la mixité tient en effet dans l’existence et la qualité du package d’accueil des arrivants. Mais pas seulement. Dans la faculté de connaître, de partager les cultures, les histoires, les traditions, dans un esprit d’ouverture, de curiosité. Autrement dit, l’art de transformer le danger en chance. L’application peut être étendu à l’Europe.  Qui a tout à gagner dans la conjugaison des États-nations. Comme chaque nation européenne a à gagner dans l’inévitable processus de construction européenne. Exemple conforté par la mise en œuvre des Accords d’Abraham, au nom si approprié.  Transformant l’affrontement des histoires, traditions, cultures identitaires, en une œuvre commune de réalité identitaire moyen-orientale.

Heureux d’avoir pu aller au bout de l’explicitation d’un sujet, pour lui majeur, du niveau d’attention finalement atteint, il conclut en faisant, la main levée, le V de cette petite victoire. Victoire vite douchée par l’injonction de Nathalie, une participante à l’identité personnelle clivante, Dis-nous, monsieur l’expert, quelle est notre identité commune, à nous, groupe plein de valeurs ? Il prit le temps de se gratter le crâne, puis, lentement, énonça le verdict : Vous êtes les chevaliers de la libre parole. Pour ajouter, rapidement cette fois, Et toi, Nathalie, tu en es la grande cheftaine. Déclenchant une joyeuse ola miniature.

 

 

1 commentaire:

V. Jabeau a dit…

Les peuples - et leurs dirigeants - ont une représentation d’eux-mêmes et des autres peuples qui peut durer des générations. Quand une génération est maudite pour sa conduite, sa descendance est maudite aussi, pour cette raison que la représentation perdure.
Quand l’Allemagne se voit comme le phare de l’Europe, ou que la Russie se voit comme l’Empire chrétien Eurasien… ça dure longtemps. Et nous nous les voyons comme des barbares violents et prédateurs.
Une bonne nouvelle : les Français et les Juifs se voient comme le phare des nations.