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lundi 27 janvier 2020

Bilan de la commémoration de la libération d'Auschwitz


BILAN DE LA COMMÉMORATION DE LA LIBÉRATION D’AUSCHWITZ

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
            

          Les cérémonies viennent de se terminer à Jérusalem et elles permettent de tirer plusieurs enseignements. Tout d’abord, le dirigeant israélien qui s'est distingué est sans contexte le président de l’État Réouven Rivlin. Alors que la droite israélienne, et les francophones en particulier, se sont radicalisés et qu’ils courent après les nationalistes et l'extrême-droite, le président n’a pas perdu son âme. Malgré la montée des extrêmes dans le pays, le président de l’État est testé stoïque parce qu'il s’est affirmé au contact de la réalité du pouvoir.



            Rivlin n'avait jamais été un personnage marquant, presque terne dans ses fonctions antérieures. C’était pourtant un cacique du Likoud, élevé dans les valeurs du mouvement sioniste Betar, créé par le nationaliste Vladimir Zeev Jabotinsky. Il était un pilier du parti, fervent partisan du Grand Israël, avec des racines plantées profondément dans la droite idéologique. En tant que président de la Knesset de 2003 à 2006, il avait fait partie des adversaires du plan de désengagement de Gaza imposé par Ariel Sharon.
            Son élection à la présidence, le 10 juin 2014, avait été fastidieuse alors que la fonction est purement honorifique, sans réel pouvoir sinon une autorité morale. Mais à l’instar du précédent titulaire de la charge, Shimon Peres, Réouven Rivlin n’a pas voulu seulement «inaugurer les chrysanthèmes». Il a participé au débat national alors que le pays souffre de l’omnipuissance du premier ministre Benjamin Netanyahou et surtout de l’absence d’un dirigeant charismatique de l’opposition. Sa position de sage lui a conféré une auréole qu’il a exploitée pour se défaire de sa position d’extrémiste. Dès sa prise de fonction, il s'est montré impartial pour être le président de tous les Israéliens, sans sectarisme ni militantisme.
            Ses partisans doivent être effectivement déçus car il a dévié de ses positions antérieures d’ardent défenseur du «Grand Israël» et des constructions dans les implantations, et d’opposant irréductible à la création d'un État palestinien. Celui qui avait adopté une attitude ultranationaliste en refusant en mai 2009 de se rendre à l’aéroport pour recevoir le pape Benoît XVI, qui se rendait à Yad Vashem, car il ne voulait pas «accueillir un ex-membre des Jeunesses hitlériennes et de la Wehrmacht», a mué.

Rivlin rencontre les Druzes
            L’ancien «faucon» du parti porte aujourd’hui les habits d’un homme d’ouverture, condamnant le terrorisme juif et prônant le rapprochement entre les populations juive et arabe. Il a fustigé ouvertement le virage à l’extrême-droite de son parti, dont il condamne la perte des valeurs libérales fondamentales. C’est pourquoi, il a été victime des attaques les plus acerbes de la part de sa propre formation, dans le cadre d’une campagne ignoble le représentant vêtu du keffieh d’Arafat ou en officier SS nazi. 
          Sur les réseaux sociaux, il a été qualifié de «traître, président des Arabes et des homos, un petit youpin honteux qui aime se faire sodomiser». Cela rappelle dramatiquement les événements de 1995 et les caricatures identiques qu’a subies le Premier ministre Yitzhak Rabin, assassiné en novembre de cette année-là. Aujourd’hui, il fait l’unanimité dans le pays et il terminera son septennat non renouvelable, le 10 juin 2021, dans la gloire et l’honneur. Il a voulu ces cérémonies et malgré le risque encouru, elles ont été une réussite totale pour le pays. La police et l'armée ont été à la hauteur de l'évènement puisqu'aucun incident n'a émaillé la présence de tant de hauts dirigeants.   

Macron à Jérusalem

            Israël et Jérusalem viennent de gagner, s’il en était besoin, leur reconnaissance internationale tandis que l’antisémitisme est devenu un fléau reconnu par toutes les démocraties occidentales. Des dizaines de dirigeants mondiaux se sont réunis à Jérusalem le 23 janvier 2020 pour marquer le 75e anniversaire de la libération d'Auschwitz. Des grands du monde, une quarantaine de dirigeants à l’instar de Vladimir Poutine, Emmanuel Macron, Mike Pence, le vice-président américain, le prince Charles et le roi d’Espagne ont cautionné par leur présence ce qui est considéré en Israël comme le plus grand événement diplomatique de son Histoire.
            Jérusalem a ainsi gagné ses galons de Capitale totalement reconnue par la majorité des pays du monde. La notion d’Est et d’Ouest est devenue caduque puisque la vieille ville, incluant le Kotel et le Mont du Temple, est devenue de fait partie intégrante d’Israël. Jusqu’alors, il était de coutume que les ambassadeurs, celui de France en particulier, évitent officiellement certains quartiers pour ne pas cautionner la réunification de Jérusalem. Ils ne s'y rendaient que pour présenter leurs lettres de créance. Les États-Unis étaient jusqu’alors les seuls à reconnaitre la capitale d’Israël mais aujourd’hui plus de 40 pays les ont rejoints. Il s’agit d’une deuxième renaissance après des années de bouderies internationales et le vote historique de l’ONU en 1947.
L'ambassadeur Friedman à Jérusalem

            Il est cependant dommage qu’aucun pays arabe n’ait fait le déplacement à Jérusalem pour sceller le droit d’Israël à exister. Ils restent toujours dans le déni, le ressentiment et même dans les discours de vengeance à l’instar de l’Iran qui persiste à vouloir éradiquer le pays juif. D’ailleurs le vice-président américain, Mike Pence, a appelé à «rester ferme» face à l'Iran, le seul pays à envisager encore une «autre Shoah». Emmanuel Macron s’est interrogé : «Quel plus beau symbole que de nous voir ici tous rassemblés et unis, de faire œuvre utile pour lutter contre le déni comme le ressentiment ou les discours de vengeance». 

       Mais Macron a été victime lui-aussi d’un déni d’amitié que tous les dirigeants français subissent invariablement. Un incident mineur a été monté en épingle par la diffusion d’une vidéo partielle expurgée de l’origine de cet incident. L’église Sainte-Anne est reconnue comme un territoire français donc diplomatiquement protégée. Quand le président français est arrivé à l’entrée, il a constaté la présence de policiers qui n’avaient rien à faire à l’intérieur. Il leur a demandé de libérer les lieux pour rester seul avec les autorités religieuses ce qu’ils ont fait après moult hésitation. En effet un représentant juif français les avait encouragés en hébreu : «ici on est chez nous, on est en Israël alors vous pouvez rentrer dans l'église».

            Et pourtant, que peuvent reprocher les Francophones à Macron ? Il a bravé l’interdiction de fouler les terres de Jérusalem-Est pour un officiel français, leur offrant ainsi un statut israélien. Il s’est rendu au Mur occidental, le Kotel ; il a visité le Mont du Temple. Il s’est promené dans la vieille ville donnant ainsi une caution israélienne à la ville. 
         Certes il a profité de son voyage pour rendre visite à Mahmoud Abbas à Ramallah, un crime pour les Francophones alors qu’il venait d’être informé du plan de paix de Donald Trump. Connaitre la position des Palestiniens face à ce projet, avant tout le monde, est de la pure diplomatie. Toute occasion est bonne pour prendre langue. D’ailleurs, Vladimir Poutine, le prince Charles d'Angleterre et le représentant australien ont en fait autant, sans qu’ils soient voués aux gémonies. Mais certains aiment préciser, à tort, que Macron a été le seul occidental à rencontrer Mahmoud Abbas. Mais le paradoxe est que ces mêmes Francophones, qui insultent systématiquement le président français, sont les premiers à vouloir s’afficher auprès de lui, à se bousculer même, pour immortaliser leur rencontre par un selfie.

            Enfin lors de cette rencontre internationale, l’antisémitisme a été inscrit comme fléau international et non pas uniquement juif. Tous les intervenants n’ont pas éludé le problème de l’antisémitisme qui perdure et qui se développe. Nul ne peut dire à présent qu’il ne savait pas. Même le président allemand Steinmeier a enfin reconnu officiellement la responsabilité de son pays dans les crimes nazis :«Le meurtre industriel de 6 millions de Juifs a été commis par mes compatriotes. J'aimerais pouvoir dire que nous avons appris de l'histoire».
            Le président français, dont le pays est l'un des plus fortement touchés par des actions antisémites, a confirmé que l’antisémitisme est devenu une question majeure. Il a salué «le besoin de certains rescapés d’oublier par la nécessité de transmettre, de nommer l’innommable pour faire entendre aux vivants le message des morts. La communauté internationale ne doit rien oublier non plus, de ce que la barbarie est née de la négation de l’autre, du droit international et de la sécurité des nations ainsi bafouées». Bref Israël n’est plus tout seul grâce à l’initiative du président Réouven Rivlin.

6 commentaires:

Arie WOLFF a dit…

J'execre ce genre de cérémonie sur ce que j'appelle sans aucune gêne la shoah business.
Elle me dérange au plus profond de mon être.
Face à l'immonde, à l'indescible, une seule attitude est possible comme l'a dit Badinter.
Le Silence.!!!!

Véronique Allouche a dit…

Excellent article qui remet les choses en place. Que ce soit en France ou en Israël, les français ne retiennent de la visite de Macron que l’épisode de l’église Sainte Anne, où effectivement les israéliens n’avaient rien à y faire puisque la sécurité présidentielle prenait le relais, ce qui est logique dans ce cas précis. Ils oublient son passage au Kotel, le premier président français à s’y rendre. Ils ne tiennent pas compte non plus de son très beau discours. C’est à se demander s’ils ne souhaitent pas élire Marine Le Pen en 2022!
Rivlin quant à lui a été exceptionnel par son discours tempéré et son humanité si présente.
Bien cordialement

Unknown a dit…

Hazak pour ton article, Jacques et merci.

Je l'ai d'autant plus apprécié qu'au fil de ma lecture, j'ai eu le sentiment que je me lisais!.

Ton descriptif de l'atmosphère, tes explications sur le President Rivlin et ta synthèse de clôture de cette cérémonie ouvrent indiscutablement un sentiment d'optimisme pour l'avenir de l'Etat d'Israël. Mes amitiés.
YVES

Georges a dit…

Dans votre article, vous précisez que le responsable de l’incident a la basilique St Anne serait un juif francophone qui se trouvait dans le défilé qui a encouragé en hébreu un policier israélien à rentrer dans la basilique, en lui disant qu’ici c’est Israel.
Pouvez vous confirmer cette information qui est importante, et donner plus de détails. Je vous remercie

Marianne ARNAUD a dit…


Cher monsieur Benillouche,

Merci pour ce portrait du Président Reouven Rivlin qui, il faut bien l'avouer, est complètement inconnu en France. Que "l'autorité morale" qui lui est maintenant dévolue, le conduise à se considérer comme "le président de tous les Israéliens", ne manque pas de grandeur ni de courage, surtout lorsqu'on se réfère au destin tragique d'Yitzhak Rabin qui l'avait précédé dans cette position politique.

Quant au petit incident entourant la présence du président Macron à l'église Sainte Anne, comment ne pas y voir une opportunité de faire de belles images - où Macron tente de s'inscrire dans la continuité de Jacques Chirac - en direction de son électorat qui, il faut bien l'avouer, est particulièrement malmené par les temps qui courent ?

Très cordialement.

Jacques BENILLOUCHE a dit…

@Georges

Vous avez entendu parler des secrets des sources ?

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