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jeudi 28 novembre 2019

Netanyahou a eu sa place du Trocadéro


NETANYAHOU A EU SA PLACE DU TROCADÉRO

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps

           
          Il ne sert à rien de chercher à convaincre les idolâtres de Netanyahou.  Aucun argument ne peut les toucher ou même les faire douter. Ils n’ont que le mot de «gauchistes» à la bouche pour justifier leurs attaques contre le système judiciaire. Donc inutile d’argumenter face à des militants qui ne veulent rien entendre ni rien comprendre, et a fortiori ne pas raisonner. Ils persistent à affirmer que la justice ne s’attaque uniquement qu’aux personnalités de droite car elle gangrenée par des fonctionnaires aux seuls motivations de gauche.



            Quand des hautes personnalités politiques, dont le rôle est de défendre et de protéger les institutions du pays, s’en prennent à elles, alors il n’y a même pas lieu d’ouvrir le dossier d’accusation puisque, par postulat, il est faussé. Pourtant ils devraient s’inspirer du président Réouven Rivlin, ancien pur et dur faucon au Likoud, qui au contact de sa fonction s’est bonifié parce qu’il portait en haute estime son mandat présidentiel. Pour lui la justice est inattaquable et ne fait parti d'aucun clan. Et il n’a fait aucune exception en respectant toujours le peuple israélien dont il est le mandataire. 
        Le procureur général Avichai Mandelblit est dans sa lignée alors qu’on le croyait dévoué à son mentor qui l’a sorti de l’ombre d’un obscur poste de juge militaire. Il a une haute opinion de sa fonction même s’il a montré quelques hésitations en donnant du temps à son enquête, en allant jusqu’à attendre la fin des élections pour se prononcer. Mais il fait son métier selon sa conscience, en toute indépendance.
            Les 3.000 à 7.000 personnes qui se sont rassemblées mardi soir à Tel-Aviv pour manifester contre ce qu'elles appellent une «tentative de coup d'État», se sont déconsidérées voire salies en exigeant «d’enquêter sur Shai Nitzan et sur la police». Les banderoles et les pancartes contre le procureur général Avichai Mandelblit et le procureur de la République, Shai Nitzan, sont ignobles. D’ailleurs Benny Gantz s’est exprimé sur la question : «Dans une démocratie saine, le Premier ministre n'organise pas de manifestations contre le système de maintien de l'ordre, dont il est responsable même si la liberté de protestation ainsi que la liberté de parole sont le moteur de la démocratie».

            Malgré de la bonne volonté, il est difficile de croire à cette illusion de coup d’État. Peu de gens l’ont cru, même les proches amis de Netanyahou. Mais il fallait frapper les esprits pour rendre crédible l'accusation. D’ailleurs, il faut rendre hommage aux partis orthodoxes et à l’extrême-droite qui ont refusé de s’associer à cette manifestation qui fait honte à la démocratie. Des membres importants du Likoud, plusieurs ministres et certains ténors du parti, ont boudé la démarche en ne se joignant pas à un évènement qu’ils condamnent par principe. La plupart d’entre eux ont été contactés par le bureau du Premier ministre, qui leur a justifié la grande importance de la manifestation mais ils ont préféré ne pas se rendre au musée de Tel-Aviv.
Miri Regev

            La foule était clairsemée, la foi n’y était plus malgré la présence d’inconditionnels de Netanyahou. Mais cela ne l'a pas empêchée de s'en prendre avec violence à plusieurs journalistes de télévision et de la presse écrite. La ministre Miri Regev et le député Mickey Zohar ont été envoyés au charbon avec mission de remobiliser leurs troupes, sans grande conviction parce qu’ils étaient tous seuls à la tribune : «Ceux qui veulent maintenir l’État de droit sont venus ici ce soir. Ils ne nous feront pas taire». De quoi ont-ils peur alors que des juges intègres vont être désignés et que les avocats peuvent plaider sans entrave du gouvernement, que le jugement subira certainement le recours de la Cour d’Appel et que la Cour Suprême aura le dernier mot. Prétendre que tous ces fonctionnaires sont aux ordres du clan de gauche, c’est insulter le Corps judiciaire et la Police dans son ensemble.
Nir Barkat

            Nir Barkat, l’ancien maire de Jérusalem et candidat à la direction du parti, était le seul poids lourd du parti à être présent ; tous ses autres amis avaient trouvé une bonne raison pour se défiler. Les organisateurs qui avaient anticipé une faible participation ont dû faire appel à la claque des groupuscules de droite Regavim, Im Tirzu, Israel Sheli et consorts. Le premier ministre, qui avait prévu de s’adresser à la foule, a préféré ne pas se présenter face à une si faible mobilisation et face à si peu d’entrain. Le rassemblement qu’il a suscité a montré qu’il perdait inexorablement des troupes. La bonne logique voudrait qu’il tire les conclusions évidentes en confiant la direction de son parti à un autre leader pour l’empêcher de sombrer. Le pays lui glisse entre les doigts.
            L’époque héroïque d’un parti victorieux est dépassée. Il va vers un échec certain aux prochaines élections avec le risque de faire exploser son parti. Le Likoud est en train de prendre la voie des LR en France. Cette manifestation au Musée de Tel-Aviv reflétait la même ambiance de fin de règne du dernier meeting de Fillon au Trocadéro avec le sentiment d’un adieu. Lui aussi ne se croyait pas seul. Lui aussi avait fustigé la presse. Lui aussi avait son Gideon Saar à qui il ne voulait pas passer la main. Lui aussi avait planifié la descente aux enfers de son parti.  Mais il était resté droit dans ses bottes pour sombrer avec les LR.


Quand Netanyahou exigeait la démission d'Olmert après son inculpation 

            Au sein du Likoud, nombreux sont ceux qui n’ont pas voulu insulter l’avenir ou même se déconsidérer en salissant la justice et la police, des institutions qui n’ont jamais montré qu’elles étaient au service de fossoyeurs de l’État. Ils ont laissé aux idolâtres le rôle qu’ils adorent jouer alors que les juges cherchent à remplir leur tâche sereinement. On peut leur faire confiance puisqu’ils ont jugé Avraham Hirschson, Arie Dehry, Moshé Katsav et Ehud Olmert en prouvant que ces personnalités, qui ne s’affichaient pas à droite, étaient des justiciables comme les autres. Un honneur en Israël quand on mesure les lacunes qui entravent la justice dans les dictatures, voire même dans certains pays occidentaux. Netanyahou et ses conseillers devraient se ressaisir pour éviter de cautionner une atteinte aux institutions du pays, des institutions qu’il est censé défendre.

            Benny Gantz a fait des concessions ultimes. Il lui a proposé de rester encore premier ministre pendant encore six mois, dans un gouvernement d’union, puis de lui céder la place pendant deux ans et de récupérer son poste deux ans après, jusqu’à la fin du mandat, le temps que la justice passe. Mais Netanyahou veut rester seul à bord pour se protéger de la justice. Il veut jouer les prolongations jusqu’en mars 2020. Une attitude inconsciente indigne du grand leader qu’il a été. Le pays ne peut pas subir la volonté d’un seul député et encore moins ses caprices. Le pays ne peut pas gaspiller 475 millions de shekels (124 millions d’euros) pour un troisième tour d’élections stériles. L’exemple du Trocadéro n’a pas été suivi. Vivons de nouvelles élections. Netanyahou doit quitter dignement la scène publique, en abandonnant toute réaction agressive pour faciliter le transfert de pouvoir à un membre de son parti.

5 commentaires:

Véronique Allouche a dit…

C’est un très bon article, objectif et réaliste sur la situation du pays engendrée par un dirigeant mettant en cause les institutions judiciaires. Le seul point qui m’interroge est la comparaison entre Fillon et Netanyahou. Fillon n’était pas au pouvoir à l’époque des faits reprochés, Netanyahou dirige le pays et met en danger la démocratie en nommant ses inculpations de « coup d’état » qui pourtant n’a rien à voir à un putsch puisque la justice enquête sur ses affaires depuis déjà quelques années et non pas dans la précipitation comme ce fut le cas pour Fillon.
Un dernier point : en Israël il est impératif de mettre en œuvre une loi limitant le pouvoir à deux mandats, comme il est d’usage dans tous pays démocratiques.
Bien cordialement

Elie BENICHOU a dit…

Au dela du cas de Netanyahou, qui bien entendu, doit passer la main, je suis absolument consterné, abasourdi, de voir Israel paralysé. Un pays ingouvernable, un imbroglio politique pas croyable, des micro-partis qui font leur lois, des coup-bas, des trahisons, des insultes etc... C’est quoi ce cirque ? Nos ennemis se renforcent à nos frontières. Et le pays danse sur un volcan ! Le president Rivlin attend quoi pour s’adresser à la nation et imposer un referendum pour un changement du système electoral ?? Un système à la française avec un scrutin à deux tours avec une dose de proportionnelle devrait clarifier le paysage politique et donner une vraie direction politique aux pays. Et accessoirement ferait disparaitre enfin, les micro-partis qui pourrissent la vie politique.

André Simon Mamou a dit…

3000 ou 8000 manifestants ? On a lu les deux chiffres .
Les pancartes avec des slogans honteux , propres à déconsidérer Netanyahu , qui avaient intérêt à les brandir ? Les fidèles de Bibi ou ses ennemis ?

Le rêve des opposants de Bibi : qu’il s’en aille de son plein gré puisqu’ on n’arrive pas à l’y contraindre !

Où est la dignité ? Kahol Lavan avec 3 chefs d’Etat major et un journaliste arriverait à 57 mandats avec la gauche et la liste arabe ! Elle empêche la droite de se maintenir au pouvoir MAIS ELLE N’A PAS GAGNÉ!
ELLE EST EN ÉCHEC TOTAL!

André Simon Mamou
Tribune juive

Patrick a dit…

Pas surpris de ce commentaire de Véro.
Mais il y a un parti pris contre toute la droite Likoud que cet article perd en crédibilité.
On a été habitué à mieux !
3000 manifestants ! D'après Globes 7000!
Des militants sourds et bornés c est faut !
Je fais parti de ceux qui pensent que il y a un terme pour tout .
Même pour les meilleurs !

Jacques BENILLOUCHE a dit…

@Patrick

3.000 ou 7.000 selon les sources ; je vous concède les 7.000 qui sont toujours négligeables par rapport aux 100.000 manifestants habituels de la Place Rabin. D’ailleurs les organisateurs ont choisi cette petite place pour ne pas être ridicules.

Netanyahou aurait pu choisir une meilleure fin que de se ridiculiser dans de nouvelles élections qui le verront encore s'enfoncer. Mais pour lui, son intérêt prime et il s'en fou du peuple!