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lundi 11 novembre 2019

Les Israéliens ont les dirigeants qu'ils méritent


LES ISRAELIENS ONT LES DIRIGEANTS QU'ILS MERITENT


Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps

            

          Netanyahou est dans son droit quand il exploite toutes les ficelles politiques pour empêcher la formation d’un gouvernement dirigé par Benny Gantz. En effet, le poste de premier ministre lui garantit l’immunité judiciaire. Et si Gantz échouait, ce qu’il espère, de nouvelles élections auront lieu en mars 2020 et les délais de constitution d’un gouvernement lui assureraient sa place au moins jusqu’en avril de quoi faire du chiqué au Procureur de l’État. C’est l’objectif recherché. 




          L’intérêt du pays qui sera pendant près de deux ans sans gouvernement et sans budget lui importe peu puisque seule sa condition personnelle est au sommet de ses préoccupations. Avec 25,1% de voix obtenues en septembre malgré l'apport de Koulanou et de Zehut, après 26,46% en avril, loin de la majorité qualifiée, il est arrivé à bloquer le processus politique. C’est très adroit de sa part et nul ne peut le blâmer de tenter des manœuvres peu glorieuses mais légales. Il prouve qu’il est expert en combine électorale. Mais c'est un mauvais perdant qui veut rester au pouvoir, coûte que coûte, comme un dictateur d’une république bananière. Dans les autres pays, les perdants tirent les conséquences et laissent leur place, souvent à un membre de leur parti.

            Parce que Ayelet Shaked avait fait part d’une velléité de rejoindre Lieberman puis Gantz, alors il a vite offert à Naftali Bennett le poste qu’il lui a toujours refusé après l’avoir neutralisé comme ministre de l’Éducation nationale, un ministère sans envergure internationale, ni sécuritaire. Mais cette nomination au ministère le plus important est purement politique car Bennett est néophyte à la défense. Netanyahou prend le risque de toucher à la sécurité du pays à un moment très difficile de son histoire car Israël est confronté à de nombreux défis nécessitant à la tête des services sécuritaires un dirigeant expérimenté. Il a dû plier pour verrouiller toute la droite nationaliste, à son profit, afin qu'elle ne sombre pas dans la tentation ministérielle aux côtés de l’opposition. Mais c’est au prix d’une fragilisation de tout l’appareil des armées. 
Yoav Galant

       Bennett a accepté un poste qu'il a obtenu par défaut, sous la contrainte d'un premier ministre aux abois. C’est pourquoi le ministre et ancien général de division Yoav Galant s’est ouvertement opposé à cette nomination. Il est vrai que le ministère lui revenait de droit.  Mais il se serait grandi en quittant le parti avec ses amis de Koulanou dont certains n'avaient pas apprécié la fusion avec le Likoud.
            Cependant les dirigeants du Likoud font preuve d’un manque de courage désolant ; de vrais petits chiots de leur mémère sans envergure, se courbant à chaque froncement de sourcil du maître. La faute leur incombe entièrement parce qu’ils n’arrivent pas à se libérer de l’emprise d’un seul homme qui les a menés à l’échec deux fois de suite, en laissant des plumes à chaque élection. Ils refusent de s’affranchir de leur dépendance vis-à-vis de celui qui cumule quatre ministères pour ne pas leur donner l’occasion de s’affirmer et d’apparaître à la lumière au risque de lui faire de l’ombre. 

          Comment peut-on ne pas être déçus de dirigeants aux ordres. Ils ne méritent pas le pouvoir car pour l’exercer, il faut avoir certes des idées mais être téméraire à l’égard des autres responsables politiques et surtout à l’égard des dirigeants internationaux. En étant aux ordres exclusifs d’un seul homme, fusse-t-il Netanyahou, ils se courberont devant les ennemis d’Israël qui sont autrement plus puissants et plus irréductibles. Il n’est pas possible de confier les rênes du pays à des gens qui ne font preuve d’aucune indépendance politique.
            Parce que Netanyahou a régné sans partage pendant dix ans, il n’a laissé émerger aucune valeur montante de son parti en donnant l’impression que le Likoud n’abrite que des incapables et que personne d’autre que lui peut conduire le pays. Les députés élus sont des moutons qui imitent le chef sans se poser de questions, qui le suivent instinctivement pour se fondre dans un mouvement collectif sans exercer d’esprit critique et sans faire preuve d'intelligence, la véritable qualité d'un être humain, voire d’un dirigeant politique. Ainsi, ils observent le blocage sans intervenir pour arbitrer une solution de compromis favorable à tout le pays. Pas une tête ne doit dépasser.  
Le nouveau Likoud

            Alors oui, on peut être déçu, non pas de Netanyahou qui joue son va-tout avec dextérité mais de tous ces pleutres qui l’entourent et qui n’osent pas lever la tête pour secouer enfin le cocotier. Des bruits ont circulé que certains n’approuvaient pas cette politique de blocage ; mais ils se sont tus. D’autres ont affiché un appel à Gideon Saar pour reprendre le flambeau. Mais tout est resté dans l’illusion d'une affiche parce que la menace de Netanyahou était permanente. On ne peut pas nier que le premier ministre est un expert politique à qui on doit tirer le chapeau. Il sait toujours rester dans les clous en faisant usage judicieusement des Lois fondamentales de l’État pour exploiter toutes les possibilités qui lui sont offertes.  

            Alors, pourquoi se faire de la bile pour les défavorisés qui vivent en dessous du seuil de pauvreté puisqu’ils votent en majorité pour le Likoud ? Pourquoi se plaindre de discrimination envers les Orientaux alors qu’ils adoubent Netanyahou, le seul à pouvoir «casser» de l’Arabe ? Pourquoi se faire de la bile pour les habitants frontaliers de Gaza qui sont les premiers à recevoir les missiles et qui ont voté à plus de 40% pour le Likoud alors que Netanyahou n’a jamais mis les pieds dans leurs villes pour les soutenir sous prétexte qu’il existait un danger vital pour le premier ministre de l’État ? Pourquoi se plaindre du coût de la vie alors que le gouvernement se complaît dans sa vision libérale de l’économie ? Pourquoi se plaindre de la fuite de cerveaux vers les États-Unis et l’Allemagne où les conditions de vie sont nettement meilleures et où l’on se loge dans la capitale à moins de 4.000 shekels (1.000 euros), avec des salaires doublés ? Pourquoi se plaindre que dans certains hôpitaux il faille attendre une ou deux journées dans les urgences avant de pouvoir être soignés au risque d’y passer avant ? Pourquoi se plaindre que le gouvernement brade aux Chinois les bijoux de famille et les fleurons de l'industrie que sont l’industrie chimique, Agan à Ashdod, et l’industrie laitière Tnuva au point de manquer en Israël de la base essentielle de la nourriture des «pauvres», le beurre ?
Tnouva

            Les ministres sont tétanisés de crainte de décevoir le chef et de perdre leur sinécure. Alors ils se terrent dans leurs bureaux et ne prennent aucune décision frontale. Moshé Kahlon avait émerveillé ses militants lors de sa campagne électorale avec son projet de distribuer des terres domaniales pour des constructions à bon marché. Mais il n’a rien fait car il ne pouvait pas s’opposer à la politique libérale du gouvernement ni aux monopoles immobiliers mais surtout au chef du gouvernement, partisan d’une politique ultra libérale. Parce qu’ils n’ont pas d’autonomie, les ministres sont statiques, ne modifient rien, ne révolutionnent rien et s’appuient sur les acquis souvent désastreux. Ils se contentent d’émarger au budget de l’État en toute quiétude.
            Alors, advienne que pourra ! Le pays a les dirigeants qu’il mérite et nul ne cherche à innover. Le peuple est habitué à subir. Marche ou crève !

3 commentaires:

Elizabeth GARREAULT a dit…

Tout est dit. La plus grande crainte aujourd'hui est celle de l'abstention des dégoûtés et je pense même que c'est stratégiquement ce que souhaitent ceux qui sont en place.

Marianne ARNAUD a dit…

Cher monsieur Benillouche,

Je ne sais pas si cela vous consolera, mais je n'ai pas encore entendu dire que vous subissiez des manifestations où l'on scande : "Allah akbar" dans les rues de Tel-Aviv, comme hier dans les rues de Paris !

Très cordialement.

Gilbert BRAMI a dit…

Tous les peuples qui vivent en démocratie ont les dirigeants qu'ils méritent - Comme le disait Churchill : "la démocratie est la pire des gouvernances, mais il n'y a pas de meilleure !"