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lundi 24 décembre 2012

LE HAMAS À L’ASSAUT DE LA CISJORDANIE


 
LE HAMAS À L’ASSAUT DE LA CISJORDANIE
 
Par Jacques BENILLOUCHE
 
copyright ©  Temps et Contretemps


        Le Hamas, revigoré par sa «victoire» après avoir montré sa «capacité de résistance exemplaire face à Israël» durant l’opération «Pilier de défense», tente d’exploiter le capital de sympathie acquis auprès de la population palestinienne pour refaire son entrée en force en Cisjordanie. Les manœuvres de la prise du pouvoir dans l’enclave dirigée par le Fatah ont commencé.
       Le leader Khaled Mechaal avait donné ses instructions, à l’occasion de sa visite théâtrale à Gaza le 7 décembre, car il sait que la présidence de l’Autorité, qu’il convoite, passe par la réunification des deux factions du mouvement palestinien : Fatah et Hamas. Il estime le moment venu pour déloger Mahmoud Abbas qui n’a permis à aucune nouvelle tête charismatique du Fatah d’émerger. Il avait verrouillé son parti pour garder la haute main sur les finances et sur les ambitieux. Mais aux yeux d’Israël, le Hamas reste une organisation de terroristes ayant juré de le détruire et à fortiori, ayant refusé de reconnaître son «droit d’exister».







Khaled Mechaal à Gaza le 7  décembre

Anniversaire du Hamas

            Les militants du Hamas, qui avaient gardé profil bas depuis 2007 après avoir subi les exactions de la police palestinienne, prennent exemple sur les égyptiens en descendant dans la rue pour braver les forces de l’ordre. Ils ont choisi l’alibi du 25ème anniversaire de la création du Hamas pour se répandre à travers les rues des principales villes de Cisjordanie : Naplouse, Tulkarem, Ramallah et Hébron. L’Autorité avait autorisé ces manifestations beaucoup plus par souci d’éviter à la mauvaise humeur populaire de s’exprimer violemment plutôt que par volonté de réconciliation nationale. 
            Certains pensent que Mahmoud Abbas voulait mesurer le réel impact du Hamas en Cisjordanie en comptant ses partisans. Il cherchait à identifier les meneurs pour éventuellement procéder aux représailles une fois passé le temps de l’indulgence. Mais il est fort probable que les vrais responsables du Hamas ne sont pas tombés dans le piège et sont restés dans l’anonymat. Ils craignent beaucoup plus les services du Shabak, la sécurité israélienne, qui peuvent les ficher pour les neutraliser avec l’aide de la police palestinienne avec lesquels ils collaborent.
Répression de militants du Hamas par la police palestinienne

 
           La répression impitoyable qu’ils ont subie de la part de la police palestinienne les a rendus prudents. Certains veulent par ailleurs rester anonymes pour continuer à traverser la barrière de sécurité afin de faire partie des 80.000 travailleurs autorisés dans les chantiers israéliens ou des espions infiltrés. Ils savent aussi que l’Autorité avait donné des ordres pour écarter des emplois publics, l’école en particulier, ceux qui exprimaient ouvertement une sympathie pour le Hamas.
            La ville de Hébron, bastion du Hamas, la plus peuplée et la plus grande de Cisjordanie, qui avait boycotté les élections municipales pour laisser la liste du Fatah arriver en tête avec seulement 33% de votants, a connu les principales manifestations. Les militants brandissaient des drapeaux du Hamas, des portraits de Khaled Mechaal et des slogans islamiques sur deux kilomètres de cortège, de la mosquée El-Haras à l’école Ibn Rushd. Mahmoud Abbas était le grand absent des banderoles et des slogans tous favorables aux «vainqueurs» de Gaza.  Mais ils sont restés prudents pour ne pas attiser la colère de l’Autorité en s’exprimant uniquement en faveur de l’unité nationale et bien sûr, contre l’armée israélienne.

Prises de position pro-Hamas
Dr Aziz Dweik

            Le président du Conseil législatif palestinien, Dr Aziz Dweik, a fait une déclaration favorable au Hamas : «Israël joue perdant et nous devenons une puissance avec laquelle il faut compter. L’avenir nous appartient parce que la vérité est de notre côté.» Il a menacé l’État juif du même sort subi par les envahisseurs abyssiniens de Makkah qui avaient essayé de démolir la Kaaba, selon un récit du Coran dans la sourate 105. 
            De nombreux rassemblements ont eu lieu dans les autres villes de Cisjordanie, en permanence surveillés par les drones israéliens pour identifier et photographier les meneurs. Le responsable du Hamas à Tulkarem, Raafat Nasif, a harangué la foule pour la féliciter d’avoir bravé le danger : «Cette présence massive souligne le fait que le peuple adhère aux positions du Hamas et le soutient. Nous remercions le peuple palestinien pour sa générosité, son dévouement et son énergie tenace. Le renouveau triomphal du Hamas en Cisjordanie n’aurait pas été possible sans l’extraordinaire résilience et la fermeté de la résistance islamique nationale dans la Bande de Gaza».

            A Ramallah même, lieu de résidence de l’Autorité palestinienne et des principaux ministères du Fatah, l’un des plus impressionnants rassemblements a eu lieu face à la grande mosquée d’Al-Bireh, en arborant des drapeaux islamiques et en moindre quantité des drapeaux palestiniens. Le Sheikh Jamal Tawil a encouragé ses fidèles : «Le Hamas est témoin d’une renaissance, et c’est une nouvelle encourageante pour notre peuple et pour notre cause. Grâce au Tout-Puissant, nous sommes devenus une force incontournable qui ne peut être ni ignorée ni négligée, en temps de paix ou en temps de guerre.»
            Les israéliens observent avec gravité ces manifestations qu'ils contrôlent à distance et qui remettent en selle le Hamas en Cisjordanie malgré les coups qu'ils lui ont portés. Ils craignent que cela préfigure déjà la fin du calme qui règne en Cisjordanie depuis de nombreuses années et l’arrêt de la collaboration sécuritaire avec les forces de l’ordre palestinienne. Ils évaluent le changement d’attitude à leur égard de hauts militants du Fatah qui ont ouvertement révisé leur position vis-à-vis du Hamas, à l’instar d’Ammar Kawasmeh, responsable à Hébron : «Notre peuple est en train de découvrir que le soi-disant processus de paix ne nous mène nulle part. Bien au contraire, il détruit notre cause et écarte toute perspective véritable d’établissement d’un État palestinien viable. C’est la raison pour laquelle nombreux sont ceux qui attendent du Hamas qu’il corrige la situation.» 
Abbas et Mechaal avec l'Emir du Qatar

 
           Mais les militants du Fatah s’élèvent contre l’attitude versatile du Hamas qui varie ses alliances par opportunisme et qui a fait preuve d’un revirement politique brutal face à la Syrie. Ils considèrent défavorable l’influence grandissante du Qatar avec lequel ils sont en opposition totale. Cependant la stratégie de Mahmoud Abbas, consistant à rechercher à tout prix le consensus quitte à se séparer de ceux qui lui étaient fidèles et qui lui assuraient une sécurité totale en Cisjordanie, risque de voler en éclats devant l’audace du Hamas.      
               Mahmoud Abbas a perdu la foi politique et cherche à rejeter la responsabilité de son échec uniquement sur Israël. Il menace d’ailleurs de démanteler l’Autorité palestinienne si la construction continuait dans les implantations. Il a déclaré que le plan de construction dans la zone E-1 «a pour but de saboter le processus de paix, compte tenu de toutes les options si l'expansion des colonies persiste ».Il sait qu'il joue son avenir politique à moins qu’il n’ait décidé de passer la main par résignation et par lassitude en acceptant l'éventuel chaos lié à la guerre de succession qui suivrait son retrait.



 

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