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vendredi 5 août 2022

Début d'anarchie en Cisjordanie

 

DÉBUT D’ANARCHIE EN CISJORDANIE


Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright ©  Temps et Contretemps

Djihad islamique

        La volonté du Hamas d’empêcher le Djihad islamique d’agir depuis Gaza afin de garantir le passage de plus de 5.000 ouvriers vers Israël à travers le passage d’Erez, a poussé les terroristes à se reporter sur la Cisjordanie. En effet, en raison de la situation économique dramatique à Gaza, le Hamas ne peut se permettre de voir ses ouvriers bloqués. D’ailleurs, depuis le 2 août, Israël a restreint l'accès aux routes menant aux points de passage d'Erez et de Kerem Shalom dans le sud d'Israël et a bloqué tout mouvement de personnes et de biens vers et depuis la bande de Gaza. Ces mesures drastiques pour empêcher des ripostes du Djihad islamique, entraînent des conséquences économiques dramatiques pour la population civile.



Services de sécurité palestiniens

L’Autorité palestinienne a laissé agir librement le Djihad chez elle en montrant beaucoup de signes de faiblesse et en donnant l’impression que le pouvoir est à prendre. Les troubles orchestrés dans les bastions de Djénine et de Naplouse, les cœurs «de la résistance armée palestinienne», face à une police palestinienne volontairement passive, ont conduit à un état d'insécurité généralisé en Cisjordanie. Devant un Djihad libre de ses mouvements, les Palestiniens constatent que leur avenir devient incertain.

La tentative d’assassinat du 22 juillet contre l'ancien vice-Premier ministre, le Dr Nasser Al-Din Al-Shaer, montre d’une part que la rivalité Fatah-Hamas est tenace et d’autre part que l’unité nationale est en jeu. Les images d’une pseudo-réconciliation en Algérie n’étaient que pour la galerie. Selon Al-Shaer : «Retirez les discours de haine de vos discours, car ce discours nous fera nous perdre comme nous avons perdu notre patrie, et nous devons revenir à nous-mêmes afin que notre la patrie nous reviendra». Il pense que ce qui lui est arrivé fait partie d'un stratagème visant à attirer le peuple palestinien vers des conflits internes pour les empêcher de s'unir. «Chaque fois qu'il est question d'unité nationale et des réalisations de notre peuple, il y a ceux qui ne veulent pas cela afin que leurs intérêts ne soient pas lésés».

Tentative d'assassinat d'Al-Shaer



Cette tentative d’assassinat prouve cependant que l'indiscipline sévit en Cisjordanie. Les Palestiniens craignent que cela ouvre un cycle de représailles et de règlements de comptes politiques et personnels face au déclin du pouvoir palestinien. La tentative d'assassinat ratée a eu lieu dans la ville de Kafr Qelil près de Naplouse par des inconnus qui ont tiré sur le véhicule de Shaer et qui l’ont touché de six balles aux jambes. Certes le président Mahmoud Abbas et le Premier ministre Mohammad Shtayyeh, ont condamné l’acte en s’engageant à mettre fin aux cas d'anarchie mais leur police est incapable de faire régner l’ordre.

Il ne s’agit pas du premier incident en Cisjordanie mais d’une série d’actes. Le 20 juin, des hommes armés ont ouvert le feu sur la famille Hijab dans la ville de Zawata près de Naplouse, blessant un père et son fils.  Selon certaines rumeurs, ces tentatives d'assassinat ont été perpétrés par des membres des forces de sécurité, laissant entendre qu’ils ont agi sur ordre. Le général Talal Dweikat, porte-parole des services de sécurité palestiniens, s’est borné à dire qu’il avait arrêté des suspects et que des enquêtes étaient en cours : «Les forces de sécurité mettront tout en œuvre pour mettre fin à l'état de chaos et de désordre et pour protéger les Palestiniens afin d'obtenir justice et de faire respecter la loi». Or les forces palestiniennes, pourtant pléthoriques, semblent volontairement en retrait car l’Autorité palestinienne est la première gagnante de ces troubles.

général Talal Dweikat


Le 16 juillet, des hommes armés ont ouvert le feu sur plusieurs salons de beauté pour femmes dans la ville de Naplouse. La ville de Qalqilya, dans le nord de la Cisjordanie, connaît également des problèmes de sécurité. De violentes protestations populaires ont éclaté à la suite de la disparition de Qusai Abu Amer, 19 ans, le 25 juillet, dont on ignore tout de son sort. Pendant plusieurs jours, les manifestants ont bloqué les routes, brûlé des pneus et affronté les forces de sécurité, poussant le ministre de l'Intérieur Ziad Hab al-Reeh à se rendre dans la ville pour suivre de près l'évolution de la situation.

Le 30 juillet, plusieurs villages de Cisjordanie ont subi des tirs aveugles en l’air et un usage généralisé d'armes pour célébrer les résultats des examens de fin d'études secondaires, provoquant des affrontements entre familles et blessant des dizaines de civils. En juin, la Commission indépendante des Droits de l'homme a signalé 14 décès non naturels (neuf en Cisjordanie et cinq dans la bande de Gaza), principalement à la suite de querelles familiales et de l'utilisation d'armes. Le colonel Louay Arziqat, porte-parole de la police palestinienne, a déclaré que les forces de sécurité s'efforcent de limiter l'état d'insécurité et d'arrêter les responsables : «Le principal défi est que les incidents se produisent principalement dans les zones de Cisjordanie classées C où nous ne pouvons pas opérer car elles relèvent de la juridiction des forces israéliennes. Ces zones sont devenues un refuge pour les hors-la-loi». Bien sûr il reporte les problèmes sur Israël : «Les hors-la-loi profitent des incursions de l'armée israélienne dans les zones palestiniennes pour semer le chaos, la police étant occupée à contrer les cambriolages israéliens».

Des Palestiniens manifestent dans la ville de Ramallah


L'état d'insécurité généralisée est grave car il préfigure déjà le chaos politique en Cisjordanie, le jour du départ volontaire ou forcé de Mahmoud Abbas du pouvoir. Cette situation est à rapprocher de celle qui a prévalu à l’occasion de l'assassinat de l’opposant Nizar Banat en juin 2021 et de l'assassinat d'hommes politiques tels que Khader Adnan et Abdel al-Sattar Qassem. La rue s’est fait entendre. Il est certain que l’insécurité en Cisjordanie reflète la faiblesse de l'AP et sa mauvaise gestion de la crise financière. Par ailleurs, l’utilisation de nombreuses armes en Cisjordanie devient le seul moyen pour les citoyens de résoudre les conflits. Le malaise provient surtout du manque de vision politique pour faire face à la situation intérieure. Il est probable que si un homme fort ne succède pas à Mahmoud Abbas, alors tout peut arriver. Mais Israël semble désarmé face à une situation intérieure palestinienne qu’il ne peut contrôler et dont il ne veut pas se mêler.

2 commentaires:

Georges Kabi a dit…

Israel ne peut pas se desinteresser de ce qui se passe en Cisjordanie pour la bonne raison qu'en fin de compte, les Arabes se retourneront contre nous. Ils le font deja a Gaza ou ils ont force Tsahal a deploye des troupes importantes et meme a mobiliser des reserves.
Comment Israel fera-t-il lorsque la Cisjordanie se comportera commme Gaza?

Jean Chemla a dit…

La prospérité relative de la Cisjordanie comparée à Gaza n'est plus à même de maintenir le calme. Il ne faudrait pas qu'en plus du nord et du sud, l'est devienne également une zone d'insécurité.