MORALITÉ POLITIQUE
À LA KNESSET
Par Jacques BENILLOUCHE
Amichaï Chikli |
On peut toujours critiquer la
Knesset mais le règlement interne impose une certaine moralité dans les
rapports entre députés. L’élection à la proportionnelle intégrale est d’une
certaine manière impersonnelle puisque les électeurs votent pour une liste et
non sur une base nominative. L’ordre des candidats sur les listes est imposé
par le vote interne des militants qui ont tendance à éliminer ceux qui ont une
trop forte personnalité ou ceux qui peuvent devenir leurs véritables concurrents dans le parti. Les militants
se méfient de ceux qui font trop parler d’eux et finissent par renvoyer les
meilleurs. C’est pourquoi, certaines grandes pointures éliminées durant les
primaires, sont contraintes de voir ailleurs.
Les déceptions sont grandes pour
ceux qui ne trouvent pas une place éligible leur ouvrant la voie à un poste de
député à la Knesset. Ils ont tendance à garder la rancune en faisant au tour
suivant acte de candidature auprès de listes dont ils ne partagent pas souvent
les convictions ; le but est de trouver à tout prix un poste à la Knesset.
C’est l’inconvénient du système de liste à la proportionnelle intégrale face à
un scrutin nominatif. Alors certains naviguent de parti en parti, au plus
offrant, estimant qu’après l’élection ils peuvent reprendre leur liberté.
L’exemple le plus frappant est
celui d’Orly Levy-Abecassis qui n’avait pas trouvé chaussure à son pied au
Likoud et qui s’est engagée auprès du parti nationaliste Israël Beitenou d’Avigdor
Lieberman. Le leader avait estimé qu’il était trop catalogué comme faisant
partie du clan russophone et donc que mettre une pincée de séfarade lui
apporterait quelques électeurs marocains. Mais les candidats députés feignent d’ignorer
qu’en s’engageant sur une liste, ils en assument toutes les conséquences et
toutes les règles internes, comme la discipline de vote. Ils pensent que leur
personnalité leur autorise toutes les libertés.
Lieberman et Orly Levy |
Orly Levy-Abecassis, n’acceptant pas l’entrée
de son parti au sein d’un gouvernement Likoud, est restée 10 mois à l’écart en
tant que député indépendante pour être ensuite expulsée en 2017. La règle à la
Knesset, fondée sur une certaine moralité, veut éviter que les députés, une
fois élus offrent leurs services à la concurrence. Les expulsés n’ont pas le
droit de rejoindre un autre parti durant la mandature et ne peuvent pas figurer
aux élections suivantes sur une liste des partis existants de la Knesset. Leur
seul salut est de faire du nouveau.
Elle s’est donc trouvée
contrainte de créer sa propre structure, Gesher, qui en tant que parti nouveau
sans grands moyens financiers n’a pas réussi à franchir le seuil électoral. Cela
ne l’a pas découragée. Il est vrai qu’à partir de 2019, les élections se
tenaient tous les six mois. Libérée de toute contrainte, elle a montré de l’endurance
en choisissant aux élections suivantes un parti à l’opposé de ses convictions
de droite. Elle s’est associée à une liste travailliste en compagnie des gauchistes
de Meretz. Mais la greffe n’a pas tenu,
à la première occasion elle est finalement retournée au Likoud qui avait enfin daigné
lui offrir une place éligible.
C’est le cas aujourd’hui d’Amichaï Chikli qui vient d’être expulsé de Yamina et déclaré transfuge. Il peut certes disposer de certaines libertés de vote mais pas celui important du vote de la censure qui fait tomber la coalition. Le gouvernement dispose donc théoriquement de 60 sièges contre 59 à l’opposition qui ne peut donc pas recueillir les 61 voix pour changer de gouvernement. Chikli a risqué gros car il ne peut pas figurer sur la prochaine liste du Likoud. La création d’un nouveau parti n’est pas aussi aisée car il faut des fonds et des partenaires connus. Ceux qui ont essayé avant lui se sont trouvés éliminés de la Knesset.
Ofer Shelah |
Le dernier en date est le numéro-2 de Yesh Atid, Ofer
Shelah, qui contestait la mainmise de Yaïr Lapid sur son parti. En décembre
2020, Shelah a annoncé qu'il quittait Yesh Atid pour créer son propre parti
politique, Tnufa, qui n’a pas eu l’audience à laquelle il espérait. Il a préféré
jeter l’éponge pour se retirer de la course électorale, le 4 février 2021, après
avoir en tant que centriste proposé ses services au parti travailliste. Il a
tout perdu alors qu’il disposait d’un siège à la Knesset depuis 2013 et qu’il
pouvait prétendre à un poste ministériel en tant qu’adjoint de Yaïr Lapid. Il a rejoint l’INSS (Institute for national
securities studies) en tant que chercheur principal. Sa carrière politique a eu
un coup d’arrêt fatal.
L’avenir d’Amichaï Chikli est sombre. Il s’est entêté à contester le chef de son parti, Naftali
Bennett, se croyant indispensable pour assurer la survie de la coalition.
Mauvaise pioche. Il a oublié que la Knesset impose une moralité politique à
ceux qui veulent transgresser les règles. Cet épisode sert de leçon à ceux qui
veulent les enfreindre sachant qu’ils peuvent payer un lourd tribut qui se
traduit souvent par une fin de carrière politique anticipée. Chikli a une
certaine personnalité, voire beaucoup de courage. Il fait beaucoup parler de
lui mais il risque de tomber vite dans l’oubli car la solidarité entre
politiques est un vain mot. L’égoïsme règne dans ce monde politique impitoyable.
2 commentaires:
Bonjour
Vous parlez de moralité en vertu d’une charte de la Knesset, très bien !
On pourrait tout au si bien parlé d’une moralité pour l’entre-soi des représentant de la Knesset.
Peut-être d’une moralité à géométrie variable…
Je préfère pour ma part parler de l’éthique à laquelle devrait se soumettre les députés siégeant à la Knesset respectant les programmes politiques pour lesquels ils ont été élus.
Mais il est vrai que l’air ambiant a tendance à exclure toutes les voix dissidentes au pouvoir de la gauche et de son centre. (je fais référence aux médias mainstream.)
Moralité dites-vous ?
Monsieur Amichaï Chikli est un exemple de moralité, c’est du moins ce qu’il a tenté de défendre lors de ses allégations face à ses pairs : l’obligations morale que devrait avoir tout homme politique face à ses électeurs.
Bien cordialement,
DdeAM
Les reg;es actuelles ont ete e;abprees depuis la 2e Knesset. Les scissions, armes adorees par les partis israeliens se sont vues videes de leur avantage.
Neanmoins, il serait peut-etre bpn d'obliger les listes se presentant a la Knesset d'etre constituees par des elections "primaires obligatoires, ou le premier de la liste ne pourrait pas depasser deux elections. Cela aurait pour effet de maintenir a la Knesset des personnalites importantes, mais aussi d'eviter les scissions et surtout de donner aux electeurs le sentiment qu'ils votent plus pour des personnes et moins pour des listes.
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