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samedi 12 mars 2022

Inachevé par Claude MEILLET

 

INACHEVÉ


Par Claude MEILLET


ONU

        On disait auparavant, «Sciences nat.». Maintenant la prof de biologie, tout agrégée qu’elle soit, soulignait à voix lasse, l’inanité de ce changement. Symbolique pour elle, du coup d’arrêt, sinon de l’interruption, sinon même du retour arrière, apporté à la théorie de l’évolution. Passant de l’abattement à l’indignation, elle releva qu’en en restant spectateurs, sinon même voyeurs, nous étions tous acteurs de ce recul. Ah ! qu’il est beau ce schéma de l’évolution ! Montrant le singe devenant en trois ou quatre pas, l’homme abouti, triomphant. Ah ! qu’elle est belle cette ambition humanitaire mondiale, d’abord SDN, puis ONU. La monstruosité qu’est cette guerre d’Ukraine, nous renvoie bien à notre origine primate. Comme elle démontre bien que le riche et bavard organisme international n’est que le superbe machin que le Général dénonçait.



Evolution de l'homme


Jonathan ne pouvait qu’encaisser, lui aussi horrifié, ce monologue impitoyable que la prof était venue déverser auprès de lui, sous le trop plein des émotions. La visibilité du partage des sentiments poussa la prof, raide sur son fauteuil, ignorant le café posé devant elle, à développer sa démonstration. Ça reprit très dur. L’homme n’est pas fini. Les hommes encore moins que les femmes, d’ailleurs. Conséquence de la maternité, de l’instinct maternel, des leçons tirées d’un abaissement millénaire, de l’ouverture offerte par l’éducation, par la révolution numérique, l’émancipation de la femme contemporaine est, elle, plutôt signe d’une poursuite de l’évolution.

Les tyrans sont des hommes. Les guerres sont d’abord celles des hommes. Jean-Jacques Rousseau a fait erreur. L’homme fait terreur. Sous le vernis d’humanité dont les civilisations ont badigeonné les humains, la sauvagerie de l’homme bouillonne toujours. Sans parler de l’insondable Shoah, hors de toute humanité, les massacres de Syrie, les guerres tellement permanentes qu’elles deviennent ignorées, Soudan, Yémen, Érythrée…., le gangstérisme, les trafics de drogue, tout est sous nos yeux. Qui ne veulent pas voir. La soudaine horreur en Ukraine réveille d’un assoupissement si agréable. Comme toujours, un seul homme ! Qui, par un mystère éternel, soumet par cercles concentriques, son environnement proche, puis un parti, puis une nation, à sa seule loi personnelle. Le dictateur Poutine a déjà appuyé sur le bouton rouge. Rouge du sang de la population ukrainienne. Sous l’effet d’une mécanique de guerre automatiquement aveugle comme impitoyable. Une mécanique d’homme et de machines. L’évolution humaine marche à reculons.

Guernica


Et ça continua. La société, elle non plus, n’est pas finie. L’industrie de l’armement, qui nourrit si bien la folie des hommes, prospère formidablement, allègrement. L’investissement mondial en recherche s’applique probablement majoritairement à une très spectaculaire sophistication des armes de toute nature. Plus qu’à tout autre domaine, médical, biologique justement, climatique… L’équilibre du monde tient à l’équilibre de la terreur et non au règne de la raison. Le code est celui de la puissance. Les grandes puissances agrègent les petites dans un jeu d’affrontement, de compétition plus ou moins régulée. Le génie des hommes, appliqué aux bonds technologiques, ouvre la voie au pire des humains. Les réseaux dits sociaux libèrent la lie de la société, l’imbécillité, la haine, l’envie, le faux. Les médias inondent d’images les peuples du monde, les transformant en spectateurs anesthésiés d’une réalité devenue virtuelle. Et ces omnipotents organismes internationaux ne sont que des temples de la parole. Qui dissertent, impuissants parmi les puissants, devant toutes les guerres, l’écrasement de villes, de population.

Zelinski


Jonathan profita d’une reprise de souffle de l’implacable procureure, pour intercaler un vent d’un peu d’optimisme dans cette avalanche désespérée. Oui, le spectacle de cet insoutenable anachronisme, l’abomination de la guerre dans une Europe persuadée d’être entrée dans une ère pérenne de paix, la transparence d’un monde démocratique désarmé, la résurgence du défi nucléaire, oui le désespoir se comprend. Mais il reste des lueurs. À commencer par la bravoure exemplaire d’un peuple debout. Par la révélation de la dimension hors du commun d’un président courage. Par une mobilisation de masses humaines en soutien des Ukrainiens. Par l’accélération instantanée d’une communauté européenne. Par la mise en œuvre aussi immédiate d’une combinaison de moyens renforcés de rétorsion de la dictature. Eh oui, les hommes, malgré tout, grandissent. L’espérance de vie augmente, la faim dans le monde recule. On crée de nouveaux vaccins en un an et non plus en cinq. Les femmes deviennent le vrai futur de l’homme. Eh oui, la société avance. Cahin-caha, mais avance. La découverte de l’espace s’amplifie. Imparfaite mais réelle, la lutte contre le désastre climatique, pour la défense de l’écologie, prend du muscle. L’Afrique s’éveille….


        La prof perdait un peu de sa rigidité, relevait la tête. Il poursuivit son avantage. Le temps du malheur, de l’angoisse, du sentiment affreux de la culpabilité va continuer. Mais il y a l’espoir. Celui de la révolte d’une génération nouvelle, plus intelligente. Du rôle accru de la femme, stabilisatrice, pacifique.de l’usage maîtrisé de l’intelligence artificielle. Celui d’un éveil de conscience du monde. Stimulé par la leçon donnée au monde par l’Ukraine. Interdiction de la guerre, superpuissance d’un gouvernement mondial, pénétration et victoire de la liberté et de l’égalité. D’un sourire, toujours tristounet, la prof voulut, sportivement, remercier Jonathan. Si tu m’amènes les dictateurs actuels ou en graine, dans une cage, pour être exposés à la Foire du Trône, je croirai à ton monde bisounours futur. Pour le moment, je suis une Ukrainienne

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