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mardi 11 janvier 2022

Gantz, l'homme qui s'affirme de plus en plus en homme d'Etat


GANTZ, L’HOMME QUI S’AFFIRME DE PLUS EN PLUS EN HOMME D'ÉTAT

Par Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps

Gantz à Washington


Benny Gantz est l’homme du courage et de l’audace. Il a su quitter le quarteron pour rejoindre Netanyahou quand il a compris que l’inertie menait à de nouvelles élections et que le pays était las des caprices des chefs. Cependant, Netanyahou n’a pas su prendre la perche qui lui était tendu pour constituer un véritable binôme au pouvoir. La majorité qu’ils avaient ensemble, plus de 70 sièges, leur assurait un gouvernement de longue durée. Mais Netanyahou est un spécialiste de la solitude du pouvoir en ne déléguant rien et en écartant tout concurrent potentiel, Gantz compris. Alors, à force de tirer sur la corde, elle se casse et la première victime fut le Likoud qui a été renvoyé dans l’opposition alors que la Droite est largement majoritaire dans le pays.




Benny Gantz a trouvé sa voie au ministère de la Défense qu’il a bien pratiqué en tant que chef d’État-major. Mais face à un nouveau premier ministre contesté et fragile, considéré illégitime par la Droite, et à un ministre des Affaires étrangères qui s’estime parfaitement à sa place sans faire de vagues, il veut s’affirmer comme l’homme fort du gouvernement ; il semble y parvenir au vu des derniers évènements. Il va plus loin en donnant le ton à la diplomatie israélienne après l’invitation à son domicile offerte au président palestinien Mahmoud Abbas[1]. C’est un grand honneur qu’il lui a fait, un peu démesuré par rapport au poids réel du chef palestinien, de plus en plus contesté au Fatah, et bien sûr au Hamas. Il donne ainsi l’impression d’être le chef d’orchestre de la coalition et de squeezer Naftali Bennett et Yaïr Lapid. Certains estiment qu’il empiète sur les attributs de ses collègues mais il se justifie en affirmant que son action est utile pour débloquer des situations diplomatiques.  

Après avoir reçu, avec surprise, Mahmoud Abbas chez lui à Rosh Haayin, le ministre de la Défense a annoncé une série de mesures de confiance pour les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza. Il suit les traces de Yitzhak Rabin qui a su créer des relations intéressées avec Yasser Arafat. En choisissant le terrain neutre de son domicile, il évite de mettre le premier ministre dans une situation embarrassante mais, en revanche, il s’installe dans le fauteuil du chef des pourparlers avec les Palestiniens. 

Zeev Elkin


Il grignote ainsi une partie des prérogatives de Yaïr Lapid qui a été jusqu’à le féliciter en mettant l'accent sur les questions sécuritaires : «La réunion Gantz-Abou Mazen est importante à la fois pour la sécurité d'Israël et pour son statut international. La coordination sécuritaire et civile avec l'Autorité palestinienne est essentielle à la sécurité d'Israël et est dirigée de manière responsable et professionnelle par le ministre de la Défense». 

Bien sûr, il n’y a pas unanimité au sein du gouvernement. Ainsi, les ministres de droite ne se sont pas privés pour critiquer l’opération, à l’instar de Zeev Elkin, ministre du Logement : «De mon point de vue, inviter un homme qui insiste pour payer des salaires aux personnes qui ont assassiné des Israéliens est une erreur. Prétendre qu'il y aura une troisième Intifada si Abbas n'est pas hébergé dans le salon spacieux de Gantz… eh bien, personne ne le croit vraiment».

De son côté à la Knesset, Gantz a répondu aux critiques de la Droite du gouvernement «J'ai été déçu d'entendre ce que ces ministres avaient à dire. Ils parlent différemment à huis clos». Naftali Bennett n’a pas tenté de désavouer son ministre pour ne pas montrer qu’il ne contrôle pas son gouvernement. Il a affirmé avoir donné sa «pleine approbation» à la réunion entre Gantz et Abbas : «Le ministre de la Défense m'a parlé à l'avance et je n'ai vu aucune raison d'interdire la réunion, y compris le lieu». En fait, tout clash au sein du gouvernement doit être évité pour empêcher un appel aux urnes et le probable retour de Netanyahou au pouvoir. Par ailleurs, Bennett est suffisamment contesté au sein de son parti pour ne pas donner de l’eau au moulin de ses adversaires internes en critiquant ses ministres.

Gantz en Jordanie en janvier 2022


Contrairement au gouvernement précédent qui avait joué le jeu du Hamas contre l’Autorité palestinienne afin d’empêcher toute unification Fatah-Hamas et par conséquent la création d’un État palestinien, Gantz a fait le choix d’une stratégie opposée consistant à renforcer Mahmoud Abbas, considéré par la droite comme un leader partisan du terrorisme.  En plus des gestes de bonne volonté décrits par ailleurs, Gantz envisage de préparer des programmes de planification à long terme, supplémentaires pour les territoires palestiniens.



Dans la foulée, Gantz s’est rendu à Amman pour rencontrer le roi Abdallah II qui a souligné «la nécessité de maintenir un apaisement global dans les territoires palestiniens et de prendre toutes les mesures nécessaires pour cela, afin de trouver un véritable horizon pour parvenir à une paix juste et globale, fondée sur la solution à deux États». À noter que les relations entre la Jordanie et Israël ont connu une nette rupture de 2009 à 2021, à l'époque de Netanyahou à tel point que le roi Abdallah II les avait décrites comme ayant atteint «leur pire état». Il semble que le nouveau gouvernement se soit réparti les tâches pour tenter de renouer les relations devenues statiques avec les chancelleries occidentales ; Lapid s’occupant de l’Europe et Gantz des pays de la région car les  questions avec les pays arabes ne peuvent être séparées des questions sécuritaires.  

        Le ministre de la Défense est totalement soutenu par la Maison Blanche qui voit peut-être une lueur d’espoir dans ses relations avec les hauts responsables palestiniens. Cette affirmation de Gantz comme leader du gouvernement donne du poids aux rumeurs laissant entendre que la rotation n’interviendrait pas en août 2023 car la prise de fonction de Yaïr Lapid ne serait plus pertinente. L’équipe gouvernementale fonctionne bien, chacun dans son domaine, et tout changement important risque de déséquilibrer le socle du consensus.

7 commentaires:

Harry NUSSBAUM a dit…

Beaucoup de choses surprennent agréablement dans le fonctionnement de ce gouvernement, à commencer par le fait même qu'il fonctionne et qu'il agit !

Georges Kabi a dit…

Harry, je suis moins optimiste que toi. Tout le monde sait que si il y a des bisbilles dans cette coalition, on se retrouvera avec Bibi et avec ce dernier, il n'est pas certain qu'Israel demeurera une veritable democratie.
Peut-etre plus important est la situation sanitaire, ou le gouvernement actuel pedale allegrement dans la choucroute, Les citoyens israeliens ne savent plus ce qui doit etre faire, si ce virus omicron est dangereux ou seulement sert a faire orsperer les firmes pharmaceutiques.
Et puis, ce gouvernement est aussi de droite: la politique sociale et economique releve du capitalisme sauvage regnant en Israel et augmentant le nombre de pauvres. Aujourd'hui, j'ai vuun vieil homme chercher de la nourriture dans les poubelles. Je croyais qu'il cherchait des bouteilles de boissons dont la consigne est remboursee par les supermarches, mais non, il cherchait de quoi manger. J'ai eu honte.

frenkel david a dit…

Oui,Monsieur Benillouche, vive la solution à deux Etats. Comme à Gaza, après avoir remis l'enclave à l'Autorité Palestinienne,le Hamas s'en est emparé en provoquant un bain de sang. Imaginons une seconde le Hamas s'emparer de la zone C de la Judée Samarie et tirer depuis là des roquettes et creuser des tunnels d'attaque.

Abou Mazen aurait dit à Benny Gantz lors de sa rencontre qu’il « ne permettra pas de violence, de terrorisme ou d’utilisation d’armes à feu contre des Israéliens tant qu’il sera au pouvoir ». Une affirmation qui sonne « étrangement » quand on voit l’incitation qui s’exprime quotidiennement dans les médias, les réseaux sociaux et les écoles qui dépendent de l’Autorité Palestinienne.

Par ailleurs, vous affirmez qu’il suit les traces de Yitzhak Rabin qui a su créer des relations intéressées avec Yasser Arafat. On a vu que cela a donné. Dans ses Mémoires, Bill Clinton n'est pas tendre envers Yasser Arafat. Selon l'ancien président démocrate des Etats-Unis, ce dernier a commis une «erreur colossale» en refusant les offres de paix formulées par les Israéliens et les Américains, car il désirait submerger Israël de 5 millions de descendants de réfugiés palestiniens, ce qui aurait enlevé à Israël son caractère juif (de vrais réfugiés dont un majeure partie a quitté Israël en 1948, selon instigations de dirigeants arabes voulant avoir champ libre pour jeter les juifs à la mer »). Mahmoud Abbas, l’invité de Gantz, a les mêmes exigences qu’Arafat. C’est pourquoi aussi les négocaitionss entre Israël et l’OLP sont-il dans l’impasse.

frenkel david a dit…

J'ai pas complété ma phrase : (de vrais réfugiés dont un majeure partie a quitté Israël en 1948, selon instigations de dirigeants arabes voulant avoir champ libre pour jeter les juifs à la mer, il en reste à ce jour quelques dizaines de milliers )

Unknown a dit…

Quel credit accorder à ABBAS qui n'est même plus élu depuis plusieurs années, il ne représente même pas le faux peuple palestiniens qui n'a plus voté depuis 2009.


Anonyme a dit…

Bonjour,

https://www.youtube.com/watch?v=3xKTNwofXI8

Cordialement,

Anonyme a dit…

"Le terrorisme est l'oeuvre des groupes extrémistes islamiques du Hamas et du Jihad Islamique avec pour objectif de saboter le processus de paix...", Yitzhak Rabin.

@unknown, peut-être que M. Abbas représente ceux qui ne sont pas des terroristes et peut-être qu'entretenir des relations avec lui signifie légitimer ces gens, ces individus, ces inconnus, ces sans-dents, ces faibles et ces forts, ces hommes et ces femmes, ces mioches, ces enfants du néant... c'est peut-être souligner la voix de ceux qui veulent vivre librement, certes, en Palestine et, bien sûr, comme ce qu'ils sont: des palestiniens.

@unknown, peut-être que discuter avec M. Abbas signifie favoriser ceux qui ne sont ni israeliens ni contre Israel. Peut-être Yitzhak Rabin voulais la même chose: à défaut d'être d'accords sur tout, souvent sur rien, être au moins responsables quant à la vie... les vies de ces civils inconnus d'un côté comme de l'autre.

@unknown, peut-être que de Gaulle n'avait aucun crédit lorsqu'il parti pour le Royaume Uni, peut-être que les anglais lui ont chier dans les bottes, sûrement...

@unknown, peut-être que Churchill fût conchié par ses pairs et les pédants diplomates de son propre pays... mais ils ont eu raison, tout les deux; pour ne citer qu'eux.

@unknown, peut-être que celui qui n'ose pas ne peut pas gagner, peut-être que si tout le monde se dit que rien n'est possible alors oui: tout, toujours, sera perdu.

M. Abbas est un représentant du peuple palestinien. Il est moyennement soutenu à l'intérieur et l'est encore plus faiblement à l'extérieur... mais il est soutenu: il représente ce fil qui fait le lien entre deux positions opposées: le passé et le futur, il représente un présent difficile à comprendre et à vivre.

M. Abbas est un pivot, un linchpin, ainsi je comprends la position du gouvernement israelien et, @unknown, vous devriez, avec un peu de réflexion, la comprendre également.

Who dares wins, most times;
who cares wins, all times.