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dimanche 9 janvier 2022

Adios par Claude MEILLET

 

ADIOS


Par Claude MEILLET

 

Marcel Proust

          Le rétroviseur, ou les jumelles ? L’un ou les autres, selon les tempéraments. En cette dernière réunion de l’année, sous un soleil d’hiver qui les aidait à passer le cap, la joyeuse troupe se retrouvait devant la blondeur du sable et le bleu d’une mer calme. Dans la facilité du moment, Jonathan avait proposé que tous se partagent leurs sentiments sur 2021 et leurs visions pour 2022. Avec, évidemment plus de certitude sur le passé et d’incertitude sur le futur. Le premier à prendre la parole fut le libraire. Lunettes rondes au bout de son nez pointu, il proposa à son tour, de profiter de ce qui était pour lui, le grand évènement de l’année à venir, la célébration des cent ans de la disparition de Proust. Quand on est proustien, on ne se refait pas, s’excusa-t-il. Tope-là ! lança Jonathan.





Le premier temps proustien est le temps perdu. Ce furent donc les tenants du rétroviseur qui tirèrent les premiers. Le négatif, comme souvent, en tête. La vedette revint tout naturellement au grand envahissement. Non pas celui, hystérisé et surmédiatisé d’un surfeur politique sur une vague xénophobe franchoulliarde. Mais, à tout saigneur tout honneur dit l’un d’eux, l’invasion mondiale du corona, ou de la covid selon qu’on préfère le masculin ou le féminin. 2021, année pandémique. Le coup de grâce donné par l’omicron consolidant la première place du podium. Derrière, pas si loin en fait, présenté surtout par les femmes, fustigeant en passant la folie des hommes, toutes les formes de violence.

À commencer par les guerres. Régionales mais terribles. Afghanistan, Soudan, Yémen. Avec leurs cohortes de morts et estropiés civils, de camps de réfugiés misérables, de destructions. Sur la troisième marche, mais revendiquant la première, la menace climatique, avec à ses côtés, la débâcle écologique. Vint aussi, démontrant ainsi l’acceptation lassée du fait accompli, la perpétuation du conflit israélo-palestinien, et de son redoutable ressort du «action-réaction», «attentats-répression». Puis suivirent, en amalgame, la hausse de la faim dans le monde, des inégalités, la dérive populiste de la démocratie.



Face au temps perdu, il y a également, le temps retrouvé. Les optimistes réagirent dans l’immédiate foulée. C’est vrai la pandémie s’éternise. Mais, en regard, l’innovation technologique stimulée et mobilisée, a fait faire à la recherche médicale un bond historique. La technologie ARN, dans un premier temps, permet la définition et la production en un temps non pas perdu mais jamais vu, de vaccins successifs. Ouvrant dans un deuxième temps un champ nouveau à la recherche de solutions pour de nombreuses autres maladies. Et puis, la surprise Biden. En remplacement d’un, non pas imprévisible, mais très prévisible président américain car toujours décidant pour le pire. Biden, dans la difficulté, mais remettant sur pieds une démocratie mise en danger.

Surprise complétée par l’autre divine surprise. La mise hors de son jeu diabolique, d’un maintenant ex-premier ministre israélien. Et l’instauration d’un gouvernement, certes hétéroclite, mais réinstallant lui aussi une vraie gouvernance démocratique. Traitant enfin, des innombrables sujets laissés en jachère. A commencer par un encadrement budgétaire, un rééquilibrage égalitaire, une prise en considération des minorités. Et puis, encore, l’espace. Une nouvelle étape de cette conquête, si symbolique et si fantastique.

Une autre partie de l’honorable assemblée, fit alors valoir à l’ami libraire, déjà ravi, qu’il ne fallait pas s’arrêter là.  La petite madeleine de Proust peut aussi générer, spontanément, le surgissement d’un temps futur. Et quoi de plus adéquat que le basculement d’une année sur l’autre ? La période des vœux, justement. En première urgence, faire que dans la bataille «pandémie-innovation», le second terme sorte vainqueur. Ça ferait tellement plaisir de casser la figure à tout virus, covid ou autre, qui se présente. Ne laissant plus qu’une discipline sanitaire apprise, libérant des masques, confinements et autres joyeusetés. Rompre la chaine absurde et dévastatrice des guerres régionales, sous l’égide d’une ONU enfin efficace. Interrompre en particulier le cercle vicieux de l’affrontement sans fin d’Israël et de la Palestine. Peut-être, non plus en subordonnant l’économie et le social à la politique, mais à l’inverse, la politique à l’économie et au social. Libérer les freins à l’application du programme de rénovation également économique et social préparé par Joe Biden. Développer et rendre populaire l’Europe, face aux deux grands empires américain et chinois. Limiter la surpuissance des Gafam sans limiter leur impulsion créatrice Poursuivre la libération de la femme, sans tomber dans l’idéologie castratrice……

Jonathan proposa d’arrêter le déversement des vœux, la place risquant de manquer sous les branches du sapin. Permettant ainsi au libraire, tout émoustillé de cette lecture originale de son idole, de reprendre la main. Si Proust avait pu vous entendre, il vous aurait sans doute dit que vous veniez d’en faire la démonstration.  Il y a un temps pour tout. Et que nous vivons tous, sans le savoir, sur les ailes du temps. Merci de m’avoir fait passer du bon temps.

Unanimes, tous saluèrent le libraire, le temps présent et la défunte année, au cri de Adios 2021.

2 commentaires:

Véronique Allouche a dit…

Proust titre son dernier tome de « À la recherche du temps perdu » par « Le temps retrouvé », ce qui nous laisse un peu d’espoir sur l’avenir en souhaitant revenir au passé d’avant la pandémie.
Très bonne année à vous.

Jonathan a dit…

Bonne




Merci et bonne année à vous pour un temps inventé