RadioJ 4 oct.21 –
Chronique pour la paix
LE CRIME ORGANISÉ DANS LES VILLAGES ARABES ISRAÉLIENS
Jacques BENILLOUCHE au micro de
Paul Ouzi MEYERSON et Lise GUTMANN
Il est
vrai que la police israélienne est mal reçue dans les villages arabes et que sa
présence reste suspecte pour la population. Elle subit des attaques de la part des habitants quand elle cherche à intervenir ce qui la pousse à laisser les Arabes régler leurs
problèmes en cercle limité. Dans les cas de crimes, la loi du silence règne qui
interdit toute résolution des meurtres. Les villages arabes sont soumis aux
lois des gangs alors que paradoxalement les populations se plaignent que les forces de l’ordre
soient incapables d’éradiquer ces puissantes organisations.
Souha Mansour |
Ainsi, dans le village de Tira, une femme de 38 ans,
Souha Mansour, a été tuée par balle, le 12 avril 2021, dans son salon de beauté
tandis que le tireur cagoulé prenait la fuite. Mansour avait, dans
le passé, porté plainte contre son mari dont elle avait finalement divorcé
lorsqu’il était en prison. À ce jour le meurtrier n’a pas été arrêté ce qui
fait désordre quand on sait que la police est accusée d'avoir confisqué les films de la caméra de
surveillance. Autre exemple, un
Arabo-israélien de 49 ans a été tué à Haïfa le 1er octobre 2021, marquant ainsi la 100e victime cette année
Cette situation n’est pas nouvelle. Elle a déjà été
parfaitement décrite par Serge Dumont dans son excellent ouvrage [1] lorsqu’il
écrivait qu’une grève avait déjà éclaté le 30 septembre 2012 à Tira par une population
qui «veut sensibiliser les autorités à l’insécurité grandissante et à la
violence qui se manifeste par une suite ininterrompue de règlements de comptes
entre les organisations les plus actives de leur communauté». Il s’agit
d’un sujet tabou en Israël qui a été parfaitement décrit : «les
organisations criminelles Al Hariri et
Abdel Khader, deux clans impliqués dans le racket, les paris clandestins, ainsi
que dans le trafic des armes et de stupéfiants. Des groupes familiaux mafieux
dont les membres ne se trahissent jamais, dussent-ils en mourir. Mabrouk
Abdel Khader, un ancien directeur d’école devenu parrain après l’assassinat de
ses trois fils et Malek al Hariri, alias cheikh Malek, un chef de clan lié au
mouvement islamique, la branche israélienne des Frères musulmans».
La police n’a pas les moyens d’intervenir contre des
éléments lourdement armés qui n’hésitent pas à user du feu en pleine rue et qui
bénéficient de la complicité d’une population apeurée. Alors elle laisse les
affaires se régler entre clans. Selon Haaretz, la police israélienne n'a
résolu que 23% des meurtres arabes contre 71% pour la population juive.
Pourtant près de 700 policiers musulmans ont été recrutés et de nombreux
nouveaux postes de police ont été construits dans les villages arabes. Mais par
crainte de représailles, la population arabe ne collabore pas quand elle ne
protège pas les tueurs.
À Um al-Fahm, un médecin arabe a été abattu en conduisant
sa femme et son nouveau-né à la maison depuis l'hôpital. En Galilée, un homme
et une femme ont été tués avec leur fille adolescente dans une fusillade en
voiture.
Meurtre en plein jour à Lod |
Pourtant la police sait utiliser les grands moyens quand
elle veut puisque, au cours de la dernière décennie, elle avait neutralisé tous
les grands truands juifs israéliens. Les policiers avaient reçu des armes lourdes, obtenu le renfort de recrues issues des commandos d’élite de l’armée, et avaient développé des
méthodes d’information semblables à celles des terroristes. Cela avait poussé le
crime organisé lourdement armé mais vaincu, à se déplacer dans les zones arabes
pour continuer à organiser les rackets et faire chanter les gens.
Réunion ministérielle pour les crimes arabes |
L'actuel gouvernement de coalition israélien - qui
comprend pour la première fois un parti arabe islamiste - a promis d'agir.
C’est d’ailleurs l’un des objets de la participation du parti Raam au
gouvernement. Son leader Mansour Abbas a exigé des moyens car les crimes
violents ont atteint des niveaux records dans les communautés arabes ces
dernières années.
Le nouveau gouvernement veut réagir avec
efficacité. Mansour Abbas, soutien de la coalition, a obtenu un budget
quinquennal doublé pour le secteur arabe d'Israël, près de 35 milliards de shekels (9,5 milliards d’euros). Les
investissements dans les infrastructures arabes, la santé, le bien-être,
l'emploi, l'éducation, l'enseignement supérieur, l'aménagement des logements et
des quartiers, le renforcement des collectivités locales, l'innovation et la
haute technologie, l'encouragement de l'emploi et de l'entrepreneuriat, le
tourisme et les infrastructures d'eau, d'assainissement et la police, détourneraient
la population arabe des mafieux qui économiquement s’étaient substitués aux
autorités locale en octroyant des prêts à la population. Raam veut dorénavant que la
population arabe se tourne vers les banques pour obtenir des prêts avec
garanties gouvernementales.
Aida Touma Suleiman |
En outre, l'accord de coalition allouera 2,5 milliards de
shekels à la lutte contre le crime et la violence dans la société arabe
israélienne. Pour Aida Touma Suleiman, députée arabe israélienne : «Nous
voulons que le gouvernement israélien et les personnes responsables combattent
économiquement ces groupes organisés, car s'ils ne détruisent pas
l'infrastructure économique sur laquelle ils se construisent, rien ne
changera». D’autres activistes arabes appellent les Juifs et les
citoyens arabes à s'unir pour lutter contre le crime et les meurtres : «C'est
très important pour nous, parce que nous ne pensons pas qu'il s'agisse d'un
problème de la société arabe ou palestinienne à l'intérieur d'Israël. C'est tout
le problème israélien. Toute la société israélienne doit être engagée. Nous
avons tout le temps dit que si vous pensez que la violence et les meurtres ne
seront qu'à l'intérieur de la société arabe, vous vous trompez : ce sera
bientôt aussi dans la société juive».
Yoav Segalovitch |
Naftali Bennett a organisé la riposte contre la mafia. Il a mis en place une équipe gouvernementale de différents
ministres pour lutter contre la violence et la criminalité dans la communauté
arabe d’Israël : «Les Arabes israéliens sont ceux qui nous supplient
d’impliquer le Shin Bet dans des activités sur cette question. Nous le ferons
de manière correcte et systématique». L’ancien haut responsable de la police et actuel vice-ministre de
la sécurité publique, Yoav Segalovitz, a été nommé commissaire de l’équipe. Le
leader de la liste arabe unie, Ayman Odeh, est
prêt à collaborer car il a affirmé à plusieurs reprises que la police était la
seule à pouvoir endiguer la violence qui sévit dans la communauté arabe. Par
ailleurs il est important pour Israël de mettre fin aux trafics d’armes sachant, selon un
rapport de la Knesset de 2020, que plus de 400.000 armes illégales circulent en
Israël, la grande majorité dans les communautés arabes. Ces armes tombent souvent entre des mains terroristes.
Bennett a déclaré que la violence et la criminalité dans
les communautés arabes israéliennes constituaient une «calamité nationale»
et qu’il est temps de formuler un plan national de lutte contre ce fléau. Si
Israël a réussi à éradiquer la mafia juive, elle est aussi en mesure de neutraliser les caïds arabes car la volonté politique existe à
présent pour ramener le calme dans les villages arabes.
[1] l’histoire vraie de la mafia israélienne par Serge Dumont
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