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vendredi 5 novembre 2021

Lieberman superstar après le vote du budget d'Israël

 


LIEBERMAN SUPERSTAR APRÈS LE VOTE DU BUDGET D’ISRAËL


Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps


          La coalition gouvernementale a choisi le pragmatisme plutôt que l’idéologie car le budget 2021/2022 sera voté par la Knesset malgré quelques réticences au sein de certains partis. La Commission des finances de la Knesset, qui a réussi à surmonter tous les obstacles politiques, a approuvé le budget de l’État ouvrant la voie à un vote positif en séance plénière. Il s’agit d’une décision hautement symbolique car elle conditionne l’existence de la coalition hétéroclite. La date butoir du 14 novembre 2021 sera respectée au grand dam du Likoud qui gardait encore l’espoir d’une dissolution de la Knesset pour revenir au pouvoir.



Les bancs du gouvernement à la Knesset du 4 octobre 2021


Mais Netanyahou avait déjà douché ses militants en leur affirmant le 22 octobre, à leur surprise générale : «Nous reviendrons rapidement au pouvoir et nous réparerons. Cela pourrait prendre deux semaines comme cela pourrait prendre trois ans et demi». Il a ainsi compris que les dés étaient joués et que le gouvernement tiendra quelques mois encore. Il a pu apprécier les gesticulations d’Ayelet Shaked qui lui est restée fidèle et qui a tout fait pour s’opposer à la loi de Gideon Saar interdisant à un député inculpé de prendre la tête du gouvernement, en vain. Bennett a mis de l’ordre dans son parti et a imposé une discipline de vote, montrant qu’il avait, enfin, acquis ses galons de chef.

Commission des finances Yael Ron, Ghaida Rinawie Zoabi, Alex Kushnir, Nira Shpak, Vladimir Beliak et Meir Yitzhak Halevi


Le vote de la commission a été obtenu après une séance marathon qui s’est terminée dans la nuit de mercredi à jeudi 28 octobre, au petit matin, malgré plus de 30.000 amendements déposés par l’opposition. Mais bon joueur, le ministre des Finances a lâché du lest en acceptant la demande de l’opposition d’augmenter le budget de 10 milliards de shekels (3,1 milliards$) pour couvrir une éventuelle nouvelle vague du Covid.

Le déficit budgétaire (dépenses supérieures aux recettes fiscales) qui était de 6,8% du PIB a été réduit à 5,7% en 2021 et 3,9% en 2022 ce qui démontre une croissance rapide de l’économie prévue de 7% après une contraction de 2,2% en 2020 en raison du covid. Naftali Bennett passe ainsi son premier test politique avec succès alors qu’on ne donnait pas cher de la durée de vie du gouvernement en cas d'échec planifié du vote du budget. L’an passé le gouvernement Netanyahou avait payé son intransigeance en refusant toute concession à Benny Gantz qui avait proposé un budget viable. Le Likoud n'avait pas approuvé le projet suite aux injonctions du leader.

Lieberman dans l'exercice du budget


Le ministre des Finances, Avigdor Lieberman, qui a subi les pressions de son camp et celles de l’opposition, a résisté puisque la grande majorité de ses réformes seront appliquées sans dépasser ses dépenses évaluées à 609 milliards de shekels (190 milliards$) pour 2021 et 573 milliards de shekels (180 milliards$) en 2022.

Lieberman a qualifié «son budget de plus socialisé de tous les temps» et pour cause puisqu’il accorde 700 millions de shekels supplémentaires au ministère du Travail, des Affaires sociales et des Services sociaux, 150 millions de shekels pour la réduction de la violence domestique, 1 milliard de shekels au ministère de l'Éducation, 1 milliard de shekels au ministère de la Sécurité publique, 1.100 nouveaux policiers, 300 millions de shekels pour une allocation annuelle pour les survivants de l'holocauste, 800 millions de shekels pour les handicapés, 1 milliard de shekels pour les vétérans handicapés de Tsahal et 5 milliards de shekels pour la fortification de la frontière nord. Il contient aussi des réformes agricoles, destinées à faire baisser le prix élevé des fruits et légumes en Israël, en ouvrant le marché aux importations. Comme il se doit, les députés de l'opposition ont refusé le budget proposé car, selon eux, il est discriminatoire à l'égard des couches les plus faibles de la société et des femmes qui voient repousser l'âge de leur retraite au départ à 67 ans puis ramené à 65.

Une fois voté, le budget sera soumis aux experts politiques et financiers qui décortiqueront les mesures et pourront faire une analyse dénuée de tout clanisme. Avigdor Lieberman est serein car il s’est entouré de grands experts, quelques-uns américains, et il jubile déjà. Cependant, il ne refuse pas la discussion et il a d’ailleurs imposé à son ministère d'accepter une demande de l’opposition qui veut créer un filet de sécurité pour les femmes des secteurs les plus faibles de la population, en particulier celles dont les emplois sont les plus pénibles. Il s’est montré très à l’écoute de tous les horizons politiques. Il est cependant conscient qu’au final, il s’agit de sa victoire personnelle. Il a non seulement été à la pointe du combat contre Netanyahou, mais il a réussi ce que les dirigeants n’ont pas voulu faire pendant plus de trois ans alors que toutes les tentatives de bricoler un budget avaient toutes échoué.



Le budget a toujours été le déclencheur de la chute des gouvernements précédents. En fait, Lieberman avait planifié de longue date ce moment, lorsqu’il avait démissionné en novembre 2018 de son poste de ministre de la Défense.  Quelques heures seulement avant l’adoption par la Commission, il avait tweeté : «Alors que je traverse la Knesset, j'ai l'impression d'être en vacances. L'adoption d'un budget devrait être une question de routine, mais le fait est que cela ne s'est pas passé comme ça aux 21e, 22e et 23e Knesset. Au lieu de cela, il y avait une impasse prolongée. C'est pourquoi nous sommes si excités aujourd'hui. Je ne m'excuserai pas de ce que je ressens. Bonne journée budgétaire !».

Le gouvernement Bennett-Lapid apporte aujourd’hui un sentiment de stabilité à l'économie puisque sa durée de vie a été étendue. C'est la preuve qu'une coalition comprenant à la fois un parti arabe Raam et des partis d'extrême-droite peut fonctionner quand on ne surfe pas sur les egos. Il a acquis la maturité nécessaire pour combler les différences idéologiques entre ses composants, aussi différentes soient-elles. De l'autre côté de l’espace politique, l'opposition est à présent convaincue qu'elle pourrait difficilement débaucher quelques frondeurs issus de la coalition pour s'opposer au vote du budget.



 Netanyahou a eu du mal à digérer son échec. A la Knesset, il s'est assis tout seul, entouré de sièges vide alors qu’il était toujours très entouré. Il portait un masque noir et lisait l'autobiographie de David Cameron, l'ancien Premier ministre britannique comme s’il voulait ignorer le débat. Entre la lecture de son livre et la manipulation de son téléphone, il ne pouvait pas cacher le désarroi imposé par sa défaite mais aucun de ses fidèles n’a osé lui déconseiller de donner une telle image négative de lui. Les photographes s’en donnaient à cœur joie pour diffuser des images d’une tristesse terrible. Son discours de chef de l’opposition a été d’une violence rare, se bornant à qualifier la coalition de «gouvernement des échecs» ; un argument peu convaincant.



Il avait perdu l’habitude des discours d'opposition, mais dans des termes violents et discourtois à l’égard de Bennett, il n’a fait aucune nouvelle proposition ni détaillé sa vision d’avenir. Il a donné l’impression de manquer d’arguments solides et d’attendre le prochain test du gouvernement en espérant un événement extérieur capable de créer un choc définitif au gouvernement. La seule satisfaction lui vient des sondages auxquels il veut croire car ils le placent en pole position avec 30 à 35 sièges pour le Likoud. Mais ces sondages sont d’une relative valeur car aucune élection ne se profile à l'horizon et il sait que l'opinion publique est volatile. Pendant ce temps, son ennemi intime, Avigdor Lieberman, qu’il avait un peu trop vite enterré et qui l'a dépossédé de son poste, joue aujourd’hui le rôle de superstar.

 

2 commentaires:

Georges Kabi a dit…

Jacques, je ne sais trop sur quels chiffres tu te bases pour confirmer les dires "sociaux" de L:iebermann.. Comme d'habitude, et comme partout dans le monde, ce sont les pauvres qui paient et les riches qui encaissent. Le transport public urbain a double son prix, personne n'a rien dit. On a propose une taxe sur les riches (commen France la taxe sur la richesse). Toute la Knesset s'y est opposee, coalition et opposition ensemble.
On a voulu imposer les possesseurs de 2 appartements. Cette proposition a ete balayee.
Et pourtant, cela aurait ouvert des milliers de logements vides. Mais le gouvernement gagne tellement sur la construction qu'il n'allait pas scer la branche sur laquelle il est assis.
Israel est parmi les pays les plus polluants de la planete. Aucune mesure n'a ete proposee,
on continue a utiliser le charbon et le gaz pour produire de l'electricite. La moitie du par autobile est constituee de "SUV", vehicules les plus polluants car consommant le plus de carburant sur lequel le gouvernement rammasse 63% du prix dun litre d'essence.

Patrick Meyerfeld a dit…

Mon cher Jacques , si j'en crois Yael Ifrah , les agriculteurs israéliens ont réussi justement à empêcher l'ouverture de frontières aux fruits et légumes , contrant ainsi la volonté de changement d'Avigdor Lieberman .
bien triste .