LE VOTE DU BUDGET À LA
KNESSET CONFORTE L’UNITÉ DE LA COALITION
Par Jacques BENILLOUCHE
La joie de la coalition dans les travées de la Knesset |
Le plénum de la Knesset a tenu un débat houleux sur le budget de l'État
dans la nuit du 4 au 5 novembre 2021. Pas moins de 780
amendements ont été discutés. Le projet de loi de Finances pour 2021 avait été
adopté en première lecture en septembre par 59 voix contre 54 et celui
de 2022 par 59 voix contre 53. La Knesset a entériné le
budget de l'État 2021 par 61 voix contre 59 à 5 h 30 le 4 novembre au matin,
donnant à Israël un nouveau budget pour la première fois depuis le 15 mars
2018. Le budget de l'année 2022 a été adopté par 59 voix contre 56, le 5 novembre au petit matin. La loi a passé le cap de la 2ème et 3ème lecture
pour être définitivement adoptée. Ce vote a été acquis à une très faible majorité
mais c’est la règle de la démocratie. Cependant aucune voix de la Liste Arabe
Unie, qui a voté avec la droite et l’extrême-droite, n’a manqué à l’opposition
contrairement aux attentes. Ahmed Tibi a tenu à rester systématiquement un
opposant notoire malgré des avancées obtenues pour sa propre communauté.
Tous les députés de la coalition, en déplacement à
l’étranger, avaient reçu l’ordre de rentrer pour voter. Pas une voix ne devait
manquer. Bennett et les autres ministres, qui l'ont rejoint à Glasgow pour le
sommet sur le climat de la COP 26, sont rentrés immédiatement.
Résultat du vote 61 pour 59 contre |
Pourtant la majorité était étriquée puisque le député de Yamina, Amichai Chikli a décidé de rompre avec son parti en ne votant pas le budget. En conséquence son avenir à Yamina est compromis. Netanyahou a consacré ces dernières semaines à affuter ses ultimes armes pour obtenir la défection de membres de la coalition. Il a tenté de convaincre le député Raam, Mazen Ghanaim, de ne pas voter pour le budget pour renverser le gouvernement en échange de la construction d’un hôpital à Sakhnin, la ville dont il était auparavant le maire. Le jeune député francophone Yomtob Kalfon, a reçu des offres alléchantes de ministères pour trahir la coalition et pour changer de camp. Mais il savait ce que valent les promesses de Netanyahou. Il a résisté pour respecter ses engagements avec son parti Yamina qui lui a donné, pour la première fois, la chance d’être élu. Tout neuf en politique, il a refusé de commencer sa carrière de député en trempant dans les magouilles politiciennes. C’est tout à son honneur.
Yomtob Kalfon |
Ce vote au résultat prévisible va permettre au gouvernement de se consacrer à la tâche pour laquelle l’attendent les Israéliens. On peut prévoir une certaine stabilité pendant au moins une année jusqu’à la date prévue pour la rotation du premier ministre. Des rumeurs persistantes au sein de Yesh Atid font état de la décision de Yaïr Lapid de renoncer à la rotation. D’une part, il se trouve bien au ministère des Affaires étrangères avec des contacts permanents avec toutes les chancelleries et les hommes d’État. C’est le poste qui lui convient le mieux. D’autre part, il codirige de fait le gouvernement avec Avigdor Lieberman et Benny Gantz laissant à Naftali Bennett le soin «d’inaugurer les chrysanthèmes». Il ne recherche pas les honneurs. Mais une autre raison stratégique est avancée. Affaibli dans son parti et en roue libre, Bennett pourrait faire éclater la coalition pour rejoindre le Likoud, son clan naturel.
Depuis mars 2018, le pays
n’avait pas de budget parce que Netanyahou avait choisi la mauvaise stratégie
de ne pas adopter de nouveau budget pour empêcher le ministre de la Défense
Benny Gantz de le remplacer en tant que Premier ministre conformément à leur
accord de rotation. Il n’a pas joué le jeu croyant que rien ne pouvait lui
arriver et qu’il pouvait humilier impunément son partenaire. Netanyahou a mal
calculé sa décision qui lui a causé un grave préjudice ainsi qu’au Likoud, neutralisé
dans l’opposition. Il a fait passer son intérêt personnel avant celui de son
pays et de son parti.
Netanyahou au visage triste de l'échec |
Netanyahou a perdu son pari de
faire tomber le gouvernement et son avenir à la tête du Likoud reste sombre. D’ailleurs,
il arborait à la Knesset un visage renfermé. Il est vrai que les séances de
nuit ont été éprouvantes pour tous les législateurs. Ils se sont shootés au
café et aux sucreries pour tenir le coup. Dans cette atmosphère tendue à la
Knesset, Netanyahou s’est trompé dans le vote de l’un des articles en donnant
sa voix au gouvernement ; erreur ou volonté de marquer son dépit ?
Adoption du budget |
L’opposition n’a jamais désarmé
bien que le vote fût acquis d’avance avec le refus des trahisons. Des fake news
ont été diffusées comme celle qui prétendait qu’une partie des fonds dévolus
aux Arabes serait transférée au Hamas. Tous les excès de langage ont fait
florès à l’instar du député druze du Likoud, Fateen Mulla, qui a déclaré le 2 novembre
lors d’un meeting public que Mansour Abbas «prend l'argent et tue nos
soldats». Ces fausses nouvelles ont laissé de marbre les membres de la
coalition. Au contraire, ils se sont serré les coudes. Par ailleurs, les
sondages téléguidés, plaçant Netanyahou à 36 sièges, Yamina à 6 sièges et
Gideon Saar exclu de la Knesset, ont eu un effet inverse en assurant l’unité de
la coalition par crainte d’un retour du Likoud au pouvoir. Le vote du budget
était devenu un impératif qui a été atteint.
Fateen Mulla |
Fidèle à son langage fleuri et
haineux, le président d'Otzma Yehudit, le député Itamar Ben Gvir, a répondu à
l'approbation du budget : «Un jour sombre pour l'État juif, un jour de
victoire pour les Frères musulmans qui reçoivent des dizaines de milliards.
Nous continuerons à nous battre jusqu'à ce que nous éliminions ce mal».
Le nouveau gouvernement a choisi l’union et la discipline pour s’assurer une stabilité politique qui a fait défaut pendant plusieurs années, au point de conduire à quatre scrutins stériles. Les égos ont été rangés dans les vestiaires pour permettre enfin aux ministres de travailler et de produire au lieu de s’invectiver. Cette péripétie parlementaire entraînera certainement des répercussions. Le Likoud risque d’imploser si on ne lui permet pas un vote pour une nouvelle gouvernance. Yuli Edelstein, Nir Barkat, Yaakov Katz et d’autres piaffent d’impatience. Malheur au vaincu !
Les religieux et Netanyahou sont dégagés du pouvoir par Bennett et Lapid |
Une recomposition de l’opposition est attendue car des
velléités de changement se feront sentir sachant que des nouvelles élections,
fort improbables, n’interviendront pas avant une année au moins. Certains
dirigeants de l’opposition se sentent mal à l’aise en dehors du pouvoir réel et
il n’est pas exclu qu’ils révisent leur position pour quitter l’opposition. La recomposition
de l’opposition est en bonne voie. La coalition respire.
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