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dimanche 13 décembre 2020

Panique dans les services de renseignements iraniens

 

PANIQUE DANS LES SERVICES DE RENSEIGNEMENTS IRANIENS


Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps

Service iranien de protection des personnalités

L’assassinat du savant nucléaire a créé la panique au sein des services de renseignements iraniens qui doutent à présent de tout et qui suspectent dorénavant tous leurs membres. Marx citait ce vers de Shakespeare : «Bien creusé, vieille taupe». C’est parfaitement adapté pour souligner que l’histoire des renseignements agit de manière autant souterraine que visible et que les triomphes de surface préparent parfois les effondrements à venir. Rien de mieux adapté aux évènements qui viennent de se dérouler en Iran où les experts spécialisés de la hiérarchie iranienne s'inquiètent de l’existence d'un «réseau d'espions et de taupes» dans les services de renseignement du pays. Le service de protection des hautes personnalités est dans la tourmente.



Abdullah Ahmed Abdullah aussi appelé Abou Mohammed al-Masri

          Depuis le début de l’année, plusieurs éliminations ciblées ont touché des cadres éminents.  Le 3 janvier 2020, le général Qassem Soleimani a été abattu en Irak.  Abou Mohammed Al-Masri, haut responsable d’Al-Qaida «canal historique», réfugié en Iran depuis 2001, a été assassiné par balles avec sa fille Miriam le 7 août à Téhéran. Mohsen Fahrizadeh-Mahabadi, l’Oppenheimer iranien, vice-ministre de la défense a été tué le 27 novembre à l’est de la capitale. Le 30 novembre en Syrie à proximité de la frontière israélienne, un haut gradé des Pasdarans alors en inspection a été éliminé avec trois de ses gardes du corps par le tir d’un drone israélien.

En plus de retarder le programme nucléaire iranien, ces assassinats sont destinés à déstabiliser le pouvoir des mollahs en les faisant douter de leurs capacités à maîtriser la situation. L’objectif consiste à affaiblir Téhéran pour pousser la population à la révolte alors qu’elle est touchée sérieusement par l’embargo, en particulier sur les médicaments en pleine pandémie du covid-19. 

Général Ali Nasiri

Une explication a été donnée à ces lacunes en raison de la défection, en avril 2019, du responsable iranien de la protection rapprochée des personnalités. L’information avait peu été relayée par les médias. Le général Ali Nasiri, responsable du bureau de la protection du corps des Gardiens de la révolution islamique, était passé du côté occidental. Il dirigeait l’unité Ansar-al-Mahdi, chargée de la protection des hautes personnalités du régime, des bâtiments gouvernementaux, des évènements officiels nationaux, des représentations diplomatiques et des invités étrangers.

Le général Nasiri avait fui à l’Ouest après s’être violemment accroché, le 11 avril 2019, avec Hossein Taeb, le responsable des services de renseignement des Pasdarans. Cet incident mettait en danger sa sécurité au point qu’il ait demandé l’asile politique auprès d’une ambassade américaine dans un des pays du golfe Persique. En échange de sa sécurité et de sa protection, il avait fourni des documents classifiés importants. Immédiatement après, le 19 avril 2019, l’agence de presse iranienne Fars avait publié : «Nasiri ayant été démis de ses fonctions pour faute grave, le major général Jafari, commandant en chef des Gardiens de la Révolution, a nommé le brigadier général Fathollah Jomayri, chef du bureau de la protection du corps des gardes des Pasdarans».



C’était une prise exceptionnelle des services occidentaux qui ont été informés sur la protection des personnalités, leur emploi du temps habituel, leurs points de chute, les itinéraires habituellement empruntés, et les procédures de sécurité mises en œuvre. Même si ces mesures ont depuis subi des changements, le fondement de la protection rapprochée reste stable. D’ailleurs les Occidentaux ont mis à jour les informations capitales et précises sur les nouveaux itinéraires et les horaires de passage des cibles grâce à des taupes introduites au sein du renseignement iranien.



Des informations fantaisistes ont été diffusées par les proches des Mollahs sur le modus operandi de l’assassinat du savant iranien, souvent pour atténuer leurs responsabilités face aux lacunes constatées. Mais rien n’a été officiellement dit sur la logistique importante mise en place par le commando, en particulier sur les armes et les véhicules mais surtout aussi sur son exfiltration puisqu’il n’a laissé aucune trace sur place. Les seules certitudes dévoilées ont été l’existence d’un véhicule de type pick-up qui a explosé au moment du passage de la voiture du savant, la neutralisation du conducteur par des tirs de face, l’extraction de Fahrizade depuis l’arrière gauche du véhicule et son assassinat sur la route. Le scénario d’une voiture criblée de balles par des tirs venant de deux directions opposées est de la pure affabulation à la seule vue des images du véhicule après l’attentat, de même que l’utilisation d’une mitraillette télécommandée par satellite.  Du James Bond de bas niveau !

Les dirigeants iraniens sont convaincus des lacunes de leurs services et surtout de l’implication d’un réseau d’espions installés au plus profond de l'appareil de sécurité. Plusieurs personnes, entre six et huit personnes, ont tendu une embuscade au convoi de Fahrizade, composé de trois à quatre véhicules blindés, selon les témoignages des membres de la famille du savant. Le choc a été brutal pour les dirigeants iraniens qui s’attendaient tous les jours à ce genre d’opérations mais qui n’ont pas pu l’empêcher.  Tous les services de renseignements doivent être à présent repensés ce qui les immobilisera pendant plusieurs mois.

Interdit aux motos

Le Corps des Gardiens de la révolution, chargé de protéger les savants, a subi un échec total qui risque d’avoir des conséquences internes. D’ailleurs Mohammad Hassan Kazemi, l’ancien commandant adjoint de la branche de sécurité du CGRI, a sauté sur l’occasion pour fustiger ses successeurs : «Israël a ciblé les scientifiques nucléaires parce qu’il comprenait qu’ils n’avaient pas la protection de sécurité du CGRI». Ces querelles intestines vont les occuper pendant quelque temps. D’ailleurs, le Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, veut «une punition définitive», et a imposé la priorité de «trouver et de poursuivre les mercenaires meurtriers et brutaux». Son conseiller militaire, le général Hossein Dehghan, a mis en lumière «des brèches, des trous et des infiltrations» dans les services et exigé des responsables de la sécurité qu’ils «répondent de la manière dont une telle infiltration se produit».

général Hossein Dehghan

Deux conséquences sont à prévoir après cet assassinat : d’une part la difficulté du président élu Joe Biden pour ressusciter l’accord nucléaire de 2015 et d’autre part la décision iranienne de renforcer l’enrichissement d’uranium et d’arrêter les inspections de l’AIEA si les sanctions ne sont pas levées d’ici février. Des nationalistes iraniens exigent une vengeance tandis que leur journal Kayhan souligne : «Il n’y a aucune chance que nous puissions détourner le regard face aux erreurs et aux échecs qui ont été commis en matière d’infiltration». Mais par panique, les autorités iraniennes, obnubilés par l’espionite et devenus paranoïaques, finissent par se tromper de cibles, à l’instar des universitaires et des journalistes à double citoyenneté. Jason Rezaian et Maziar Bahari ainsi que l’universitaire suédois en médecine des catastrophes, Ahmadreza Djalali, condamné à mort, tandis que les vrais espions agissent en toute liberté.  

 

3 commentaires:

Avraham NATAF a dit…

Dans chaque bataille il y a un sentiment d'incertitude avant l'action, le désespoir ou le soulagement après. Il ne faut jamais sous-estimer les adversaires

andre a dit…

C’est jouissif ! Ils ont moins de savants atomistes que de doigts et ils sont incapables d’assurer leur sécurité ! Peut on leur permettre d’avoir de quoi tuer un million de personnes ? Des nuls et des fous dirigent un grand pays et un grand peuple !

Yvan KOSKAS a dit…

Je suis un fidèle lecteur de ce journal