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jeudi 31 décembre 2020

L'atavisme israélien, voire juif, de la division

 

L’ATAVISME ISRAÉLIEN, VOIRE JUIF, DE LA DIVISION


Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps

           




          On connait les plaisanteries concernant les Juifs qui ne se satisfont jamais d’une seule synagogue et qui en créent plusieurs pour le seul plaisir d’avoir le choix et surtout de critiquer. En France, dans un petit village comme Deauville, on ne compte pas moins de trois synagogues pour satisfaire une petite poignée de fidèles : la consistoriale, l’indépendante et la loubavitch. Chaque Juif rêve de diriger sa propre synagogue et d’imposer ses propres offices, son propre rabbin et sa propre liturgie mais il rêve surtout d’en être le président. 

          

Yaïr Lapid et Ofer Shelah

          En Israël on tend de plus en plus vers cette tradition que le chef en place n’est pas un bon chef, que sa gestion est défaillante et qu’on fera mieux que lui. C’est d’abord Gideon Saar qui a quitté le Likoud pour être calife à la place du calife. C’est ensuite le numéro-2 de Yesh Atid, Ofer Shelah, qui prend le large pour créer son propre parti du centre dont on ignore en quoi il sera différent des autres, sauf d’avoir une direction différente. L’opposition ne se rend pas compte qu’elle est en crise permanente et qu’elle a suffisamment d’ennuis avec l’épidémie du coronavirus pour se fabriquer de nouveaux problèmes. Les dirigeants multiplient les croches-pattes entre eux au lieu d’être vent debout contre le parti omnipuissant. Le spectacle de cacophonie qui nous est offert actuellement n’est pas digne d’un pays qui veut se situer au sommet des pays du monde libre. C’est pire que dans une cour de récréation.

            Les partis se multiplient comme des petits pains sans aucune stratégie de réussite car les politiques n’ont pas compris qu’ils devaient s’orienter vers une union pour arriver le premier au scrutin et pour prétendre au poste de premier ministre. On peut se poser la question de ce qui distinguera, aux yeux des électeurs, Yesh Atid, de Kahol Lavan, de Telem et du nouveau parti de Shelah, se disant tous centristes, sinon la différence de gouvernance avec l’aggravation de l’émiettement des voix. En quoi Espoir nouveau de Gideon Saar sera-t-il original par rapport au Likoud, à Yamina, à Israël Beitenou, au Foyer juif, à Otzma et à l’Union nationale sinon la multitude de prétendants à être chefs.

Les opposants à Netanyahou

Les dirigeants israéliens n’ont pas encore assimilé le système électoral israélien qui veut concilier plusieurs buts. Certes il donne une image fidèle de la situation politique et du corps électoral et correspond à une conception de la vie politique. Mais il conduit forcément à une instabilité du système politique en favorisant le multipartisme et en donnant un rôle important aux petits partis charnières, souvent partenaires indispensables des coalitions. Il rend surtout difficile l’émergence d’une majorité stable et cohérente, faisant primer une logique de coopération des partis.

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            Mais dans ce système injuste, ce ne sont pas les dirigeants les plus droits, les plus honnêtes et les plus désintéressés qui réussissent. Benny Gantz en est le parfait prototype. Il faut être retors, populiste, menteur, tricheur et souvent voleur pour accéder au sommet. Les exemples ne manquent pas même parmi les pays considérés comme les plus démocratiques. Gantz avait voulu éviter au pays un quatrième tour d’élections et prouver que les extrêmes pouvaient s’entendre et collaborer. Il a été abandonné par la moitié de ses amis alors qu’unis, ils auraient pu imposer leur loi à un Netanyahou chancelant après trois échecs consécutifs.



            Mais la politique est impitoyable car elle broie justement ceux qui ont choisi de sortir du chemin tracé par les clous mais qui ont fait un mauvais calcul. À la réflexion, il s’avère qu’elle est souvent injuste à l’égard de ceux qui ont d’abord mis l’intérêt du pays avant le leur. En raison de sa naïveté, de sa droiture, de son inexpérience politique mais malgré ses convictions sincères, Benny Gantz a été cloué au pilori et souvent par ses propres amis pour subir le sort de Shimon Peres et de Tsipi Livni, qui étaient appréciés à l’étranger mais voués aux gémonies chez eux. Gantz a eu droit à tous les qualificatifs honteux alors qu’il avait montré ses compétences irréfutables à la tête de Tsahal, en particulier en tant que chef de l’unité d’élite Shaldag et puis même en tant que ministre de la défense en restant toujours digne.

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            Gantz n’a pas échoué tout seul en n’installant pas une alternative au Likoud. Il a été abandonné en rase campagne par ceux qui espéraient son échec et qui auraient pu le mener à la victoire en affrontant dignement Netanyahou dans un gouvernement d’union. Ce n’est pas en faisant de l’opposition obstructrice que l’on rend service au pays. Il a souffert d’un système politique sclérosé qui écrase les meilleurs et qui n’accepte aucun échec. Certains sont contents de son élimination car il libère une place convoitée par de nombreux incompétents. Il restera certainement un recours lorsque l’opposition aura épuisé ses canards boiteux. D’autres avant lui, un général lui-aussi, ont été virés avant qu’on ne fasse à nouveau appel à eux. L’échec forge les grands hommes. Gantz pourra l’être ou alors il sombrera dans l’oubli.

Tu dois prendre un numéro


La Gauche et le Centre sont trop nus pour se passer d’un homme qui vient d’acquérir, dans l’échec, une expérience audacieuse face à une bête politique et que l’on veut prématurément renvoyer dans les poubelles de l’Histoire. Quelques mois de triste politique ne peuvent pas effacer des années au service de Tsahal. Par ailleurs, ce n’est pas en se divisant, en créant plusieurs petites chapelles, que l’opposition pourra émerger du trou dans lequel elle s’est placée. C’est l’union du Centre et de la Gauche, sans exclusive, dans un seul parti que l’on pourra apporter à nouveau l’espoir en Israël, à l’instar du 2 mars 2020, sinon nous continuerons à avoir, pour plusieurs années encore, le règne des populistes.

11 commentaires:

Avraham NATAF a dit…

Gantz est maltraité avec toute sorte de qualifications alors qu'il a le mérite d'avoir cherché l'unité du pays; des écrits bibliques mettent en garde contre une maison désunie.

Unknown a dit…

Il semblerait que le personnel politique israélien souffre à la fois d'infantilisme et d'un excès d'ego hélas conforme à la tradition historique juive

Leia Max a dit…

Je souscrit totalement à votre analyse et celle concernant Gantz en particulier. Ajoutons que B.Gantz a réussi à éroder le pouvoir de B.Natanyaou car il a tenu se route et souligné la mauvaise foi de ce dernier. Gantz n'est pas intéressé par le pouvoir, seulement par l'intérêt du pays. Je ne sais pas s'il prendra part au combat qui va suivre. L'unité au centre ne pourra pas se faire avec Y.Lapid car celui-ci a "vomi" sur B.Gantz au lieu de le soutenir. A moins que son dissident ne récolte la majorité des voix de son parti, mettant Lapid sur la touche...

Anonyme a dit…

Cher Jacques,
Ton article est bon.
La situation politique d’Israël actuelle me fait penser furieusement à la fin de la 4ème république en France.
Je vis en France et ne connais pas tous les tenants et aboutissants de la vie politique en Israël.
Je pense qu’Israël ne s’en sortira pas tant qu’une réelle constitution ne soit proposée au peuple et soumise à un référendum, comme cela a été le cas en France à l’instigation de De Gaule, à la fin de la 4ème république.
Ce qui est le plus important dans cette constitution, c’est d’interdire les coalitions pré-électorales - qui n’ont aucun sens - car de ce fait, on ne connait pas le vrai poids électoral de chaque parti. Quel intérêt entre le Likoud, un parti laïc et les partis religieux, si ce n’est celui de garder le pouvoir ?
De ne donner le droit de vote qu’à ceux qui ont accompli le service militaire s’ils étaient en âge de le faire à leur arrivée au pays. Service militaire ou service civil en remplacement.
Ton ami d’enfance,
Gérard

Jacques BENILLOUCHE a dit…

@ Gérard

Le droit de vote limité a été pensé par certains nationalistes mais cela sera discriminatoire car les Arabes seraient exclus puisqu'ils ne sont pas astreints au service militaire, à quelques exceptions près de quelques volontaires. la Cour suprême refusera une loi pareille.

andre a dit…

Je trouve que cet article pose les bonnes questions sur le système électoral de la démocratie israélienne . Mais il est nettement hostile à Netanyahu . C’est un plaidoyer pour Gantz qui ressemble beaucoup à une oraison .
André Simon Mamou
Tribune juive

Francis MORITZ a dit…

On peut et on a abordé la questions sous plusieurs angles. Il reste qu'on est fondé à se demander si les électeurs n'ont pas ce qu'ils méritent ? Si l'offre politique , d'évidence trop nombreuses , surtout lorsque les nouveaux partis poussent au gré des ambitions personnelles, des déceptions ou du ressentiment correspond à la demande de ces mêmes électeurs, qui déjà à 3 reprises , ont renouvelé le même scénario, qui conduit dans le mur. Alors la question devient , lesquels d'entre ces hommes politiques - car un seul n'y réussira pas - auront le sens de l'état et le courage de modifier le système électoral pour qu'enfin Israël puisse trouver une stabilité dont le pays a plus que jamais besoin ? A défaut les mêmes causes produisant généralement les mêmes effets , dans une configuration particulièrement averse, on recommencera jusqu'à une catastrophe qui pour le coup remettrait tout en cause.

andre a dit…

Pourquoi mes commentaires ne sont ils jamais publiés ? Certains étaient très laudatifs ! Ou bien doit on ne jamais critiquer ? C’est dommage de ne publier que les fidèles , d’autres dont moi apprécient bcp ces articles mais ne sont pas tjrs d’accord avec le point de vue partial de l’auteur ! Pas grave du tout !

Jacques BENILLOUCHE a dit…

@André

Il ne s'agit pas de commentaires laudatifs ou non. Nous publions tous les commentaires qui ne sont pas insultants. Votre commentaire n'avait pas lieu d'être censuré.

Mais pour éviter de ressembler à d'autres sites qui publient tout avec le désordre que cela entraîne, chez nous tous les commentaires sont "modérés" mais le modérateur n'est pas toujours disponible à la minute près, surtout un vendredi soir. Avec deux heures de retard et après disponibilité du modérateur, votre commentaire est passé tout à fait normalement.

Merci pour votre commentaire.

Harry NUSSBAUM a dit…

Tout est dit dans ces deux phrases :
"On peut se poser la question de ce qui distinguera, aux yeux des électeurs, Yesh Atid, de Kahol Lavan, de Telem et du nouveau parti de Shelah, se disant tous centristes, sinon la différence de gouvernance avec l’aggravation de l’émiettement des voix. En quoi Espoir nouveau de Gideon Saar sera-t-il original par rapport au Likoud, à Yamina, à Israël Beitenou, au Foyer juif, à Otzma et à l’Union nationale sinon la multitude de prétendants à être chefs."
On peut aussi rester perplexe devant ces milliers de manifestants qui viennent chaque semaine exprimer leur rancoeur sous les fenètres de Bibi sans se demander par qui ils envisagent de le remplacer.

Unknown a dit…

Cher Jacques, ta remarque est tout à fait justifiée concernant les arabes israéliens qui ne peuvent ou ne veulent pas faire de service militaire. Pour autant, j'imagine qu'il y a beaucoup de travail dans le service civil pour améliorer leur situation matérielle et morale. Je pense que cela ne peut que les conforter dans leurs situation à l'intérieur de la société israélienne. J'ai l'impression, quand j'écoute l'émission d'Eiran Zinger sur Rechet bet (MARKHABET, Jeudi à 14h je crois), qu'ils se sentent un peu délaissés par le pouvoir central.
Amitié.
Gérard