CATACLYSME À DROITE EN ISRAËL, SAAR EN POLE POSITION
Par Jacques BENILLOUCHE
On espérait des changements au Likoud, mais un
cataclysme est intervenu. Le départ de Gideon Saar tardait à venir car, même si sous certains aspects il était qualifié de frondeur, il restait un légitimiste, respectant son parti et ses dirigeants mais n'hésitant pas cependant à afficher parfois sa différence politique. Il s’était présenté pour
obtenir le leadership du parti mais il n’a pas été suivi car la mainmise de
Netanyahou est totale. Il avait respecté le résultat des militants. Par ailleurs, originaire de la ville de Boukhara en Ouzbékistan,
il n’est pas arrivé à convaincre la majorité séfarade, voire marocaine, de le suivre alors que
depuis Begin elle constitue le socle inébranlable du Likoud.
Ayant subi les quolibets et les humiliations de
Netanyahou, Saar a longtemps résisté pour ne pas être accusé de faire exploser son
parti. Mais la patience a une limite qui n’a pas été comprise par Netanyahou
qui, en expert politique aurait dû assimiler l’idée qu’il devait neutraliser
son adversaire en lui offrant un ministère. Parce qu’en face, aucun
leader ne lui arrivait à la cheville, Netanyahou avait l’assurance de garder le
pouvoir pendant longtemps. Mais son principal échec a été son incapacité à
mener une véritable politique de réconciliation nationale. Ses 26% obtenus aux
élections ont masqué le fait qu’il était de moins en moins suivi mais que les
combines politicardes lui ont permis de s’installer à la tête du gouvernement.
Saar a pris des risques car ceux, avant lui, qui
ont quitté le Likoud sont aussitôt tombés dans les oubliettes, le dernier étant
Moshé Kahlon. Cependant, il est l’un des rares monsieur propre du parti,
sans aucune casserole et sans aucun procès. Alors il a attendu le bon moment,
lorsque Netanyahou avait un genou à terre à la suite du premier vote de la
motion de censure. Les sondeurs s’en donnent aujourd’hui à cœur joie pour
publier des chiffres qui n’ont aucune signification politique sérieuse tant que
les listes électorales ne sont pas établies, que les ralliements en sont aux
balbutiements et que les hésitants au sein du Likoud choisissent l’attentisme.
Vous devez prendre un numéro ! |
Mais certaines conclusions peuvent être déjà
tirées. Le Likoud sera affaibli et n’aura plus la position dominante qu’il
avait avec ses 36 sièges. Il laissera des plumes sans pouvoir rétablir sa
situation devenue bancale car il n’a pas de réserve. En revanche, Saar se situe
à la droite du Likoud avec des positions nationalistes affichées. Il est très
proche des dirigeants des implantations, de Yesha (acronyme pour Judée, Samarie
et Gaza) avec une fidélité au «Grand Israël». Il refuse le dogme de deux
États pour deux peuples et s’oppose donc à la création d’un État
palestinien. Il est très favorable à une annexion de la Cisjordanie ou au
moins, de toutes les implantations. Il peut donc ratisser large pour être le
leader de toute la Droite et d’une partie du centre, les laïcs qui ont rejoint
Gantz par opposition à Netanyahou. Il prendra donc des voix au Likoud, à
Yamina, aux micro-partis d’extrême-droite et au Centre.
Naftali Bennett n’aura plus l’exclusivité du
sionisme de droite. Il retombera vite de son piédestal, à sa juste valeur,
handicapé par certains de ses amis religieux orthodoxes. Il n’aura fait
qu’illusion car il n’a pas la carrure d’un chef d’État.
Jabotinsky-Begin |
Saar représente le Likoud historique de Vladimir
Jabotinsky et de Menahem Begin, et de ses successeurs qui n’ont jamais dévié à
l’instar de Dan Meridor, Sylvain Shalom, Limor Livnat et Benny Begin, qui avaient
pris leurs distances avec le parti de Netanyahou dans lequel ils ne se
reconnaissaient plus. Il défend avec acharnement l'Etat de droit. Il saura les faire revenir pour muscler son parti. La
situation s’éclaircit à présent après l’explosion de la Droite en trois entités d’égale importance.
Avigdor Lieberman pourrait reprendre du service dans une coalition débarrassée
de Netanyahou. Le premier ministre aura des difficultés à créer une majorité de gouvernement, même
avec l’apport des religieux orthodoxes et de certains partis arabes.
Nir Barkat |
D’autres défections sont attendues du côté du
Likoud car les promesses de Netanyahou n’ont pas été respectées. Nir Barkat,
ancien maire de Jérusalem, n’avait rejoint le Likoud que sur une promesse d’un
poste de ministre. Il n’en a rien été, même pas un strapontin de sous-ministre.
Les experts politiques n’ont d'ailleurs pas compris la stratégie perdante de Netanyahou,
fondée sur l’élimination systématique des concurrents les plus dangereux pour
lui. Alors qu’il aurait pu les neutraliser en les prenant au gouvernement, dans
des postes difficiles, il les a laissés en roue libre pour ressasser leur
ressentiment et pour décider en fin de compte de sauter le pas.
Alors, la Gauche étant décapitée, on rêve à droite
du gouvernement idéal qui aurait une longue durée de vie. Gideon Saar serait au
poste de premier ministre, Nir Barkat ministre des finances, Gadi Eizenkot l’alibi
de gauche à la défense nationale, Naftali Bennett aux affaires étrangères, Avigdor
Lieberman au Développement du Néguev et de la Galilée, Yoaz Hendel ministre des
communications et Zvi Hauser au ministère du Travail et de la Protection
sociale. Ces deux derniers ont été les premiers à quitter le Likoud et les premiers à rejoindre Saar.
Zvi Hauser et Yoaz Hendel |
Il ne fait aucun doute que les gens de gauche
sont tristes et on ne peut se réjouir de voir un pan de la société historique
exclue des affaires. Ils le doivent à des dirigeants qui ont mené leur parti à
être définitivement hors-jeu pour n’avoir pas su évoluer, en donnant le
leadership à deux erreurs de casting : Itzhak Herzog puis Avi Gabbay dont
la place était plus adaptée dans un Conseil d’administration plutôt qu’à la
tête du parti.
Meretz restera le symbole de la vraie gauche, la
gauche historique et il récupèrera les résidus travaillistes, orphelins de
leader, à l’instar de Yaïr Golan. Les Travaillistes n’ont pas trouvé le leader
charismatique qui aurait pu relancer le parti. Ils ont laissé partir les meilleurs perles. Ils auront cependant la
satisfaction d’assister au départ du pouvoir de Netanyahou. Si certes ils sont éliminés
du paysage politique, ils espèrent que leurs idées sociales subsisteront pour
combattre la misère qui se répand dans la population israélienne. La pauvreté
n’est ni de gauche et ni de droite.
Le Centre vivotera parce qu’il n’a pas su
prendre ses chances en éliminant Netanyahou tant qu’il était encore temps. Les
électeurs ne pardonneront pas à Benny Gantz de s’être fourvoyé aux côtés du
premier ministre pour lui sauver la mise alors qu’il était de notoriété publique
qu’il n’aurait aucun pouvoir et qu’il ne pouvait que jouer le rôle de
supplétif. Beaucoup ont cru en lui au départ mais ils se sont fourvoyés. Il
aurait pu cependant corriger le tir. Ce n’est que vers la fin qu’il s’est éveillé quand
il avait compris que la force et le chantage étaient le seul argument face à
une bête politique.
Gantz aurait dû s’imposer dès le départ, avec
Gabi Ashkénazi, pour ne pas faire tapisserie. Ils ont été humiliés à plusieurs
occasions. Au premier incident, ils auraient dû démissionner pour marquer le
coup, le jour où le ministre des affaires étrangères, le seul à pouvoir apposer
sa signature au bas de l’accord avec les Émirats, n’avait pas été convié à
Washington. Par ailleurs, les leaders de Kahol-Lavan disent avoir été avertis de
l’ouverture des relations avec le Maroc grâce à l'administration Trump. Netanyahou
n’en aurait jamais parlé avec Gantz, ni encore moins avec le ministre responsable
des affaires étrangères, Gabi Ashkenazi.
Parce que l’opinion israélienne a évolué vers
la droite et son extrême, Gideon Saar peut se trouver face à un boulevard peu
encombré. S’il restaure la démocratie dans le pays, s'il permet l'affirmation du Droit en ne muselant pas la Cour Suprême, s’il tient compte de
l’opposition détentrice de bonnes idées, s’il évite le copinage entre
politiques, s’il élimine la corruption au sein de la classe dirigeante, s’il
réduit la grande influence des partis orthodoxes dépensiers, s’il s’ouvre à
l’Europe, s’il songe à considérer les Arabes israéliens comme des citoyens à
part entière, s’il offre une solution raisonnable aux Palestiniens, alors il
pourra être celui qu’Israël attend depuis longtemps. Sinon il rejoindra au
cimetière politique tous ceux qui l’ont précédé.
2 commentaires:
Cher Jacques, tu évoques le retour aux valeurs des "ancêtres" du Likoud, à commencer par Jabotinsky. Or ce dernier ne prévoyait pas uniquement un "grand Israël", il considérait aussi les Arabes comme des citoyens potentiellement égaux, avec vice-présidence accordée automatiquement à l'un des leurs. Une logique partagée par le président Rivlin, prêt à accorder la nationalité israélienne aux Palestiniens des Territoires après annexion ; position aussi de l'actuelle ambassadrice à Londres, Tsipi Hotovely. Qu'en pense Saar ? Qu'en pensent la majorité des Israéliens ? Ou alors, que les politiciens continuent à jouer les autruches en évitant de répondre.
Dans l'histoire des royaumes d'Israël et de Juda, les complots et les divisions ont détruit ces royaumes. Aujourd'hui la situation n'a pas changé , 50% de pauvreté, beaucoup d'aspirants à diriger le pays et du danger avec les ennemis traditionnels et des pays amis qui prennent leurs distances.
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