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mardi 6 août 2019

Evet Lieberman, le tsar israélien



Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps



Avec ses cinq députés le 9 avril 2019, à la limite du seuil électoral, l’ex-ministre de la Défense Evet Avigdor Lieberman avait empêché la constitution du gouvernement. Avec les huit à onze sièges qui lui sont crédités aux élections de septembre 2019, il devrait peser plus au point de faire figure de leader incontournable, capable d’imposer le choix du nouveau premier ministre. Il n’a qu’un rêve, être celui qui parviendra à unifier les partis de droite et du centre en excluant les orthodoxes dont il est un ennemi fidèle.



Il utilise toutes les méthodes politiques qui ont fait leur preuve. Pour discréditer Amir Peretz, il a subodoré que Netanyahou avait négocié en secret avec les travaillistes : «De toute évidence, il existe un accord entre Amir Peretz et Netanyahou. De toute évidence, cet accord a un prix, à savoir la présidence de l’État pour Amir Peretz. C'est le deal. Quiconque connaît le système politique comprend son fonctionnement». Bien sûr Amir Peretz a démenti avec force mais il restera des suspicions.
Il a affiché ses préférences en précisant qu’il ne recommandera au président de l’État que «le premier parti qui annoncera son soutien à la mise en place d'un vaste gouvernement national. Si aucun des partis ne s'y engage, nous ne recommanderons personne au président». Sur les ondes de Radio Tsahal il a même déclaré qu’il était prêt à recommander Benny Gantz s’il arrivait en tête. Il donnera l'option à quiconque accepterait un gouvernement d'union. Mais il a une exclusive cependant, «il ne siégera pas au cours de ce mandat au sein d'un gouvernement qui engloberait les partis ultra-orthodoxes parce qu'avec eux, vous ne pouvez pas diriger l'État». Il exclut également de cohabiter avec les partis arabes et avec Nitzan Horowitz de Meretz.
Nitzan Horowitz 

Il a défini ses pistes pour un nouveau gouvernement : «Nous voulons un gouvernement national libéral large. Tout le reste est moins important. Nous voulons le ministère de la Défense, de l'Intégration, de la Santé et de l'Intérieur. Beaucoup de gens ne sont pas moins bons que moi en matière de finances. Je préfère donc faire ce qui est nécessaire en ce moment avec la sécurité, pour rendre la force de dissuasion à Tsahal et à Israël. Nous avons déclaré qu'il était temps que le ministère de la Santé soit entre de bonnes mains, confié au professeur Edelman, président de l'Association des médecins. De bons services de santé devraient être fournis aux citoyens israéliens sans avoir besoin d’appeler le bureau du ministre». Le président du parti Israël Beitenou inclura dans son programme le fonctionnement des transports en commun le samedi, le mariage civil, la conversion par les rabbins de la ville dans le cadre des accords de la coalition, et abolira également la loi sur les supermarchés.
Pour ne pas hypothéquer l’avenir d’une cohabitation, Il a par ailleurs changé de stratégie en décidant de ne plus attaquer le premier ministre pendant la campagne électorale car certains de ses électeurs russes, qui envisagent de le suivre à nouveau, ne supporteront pas ces attaques. Effectivement, il avait accusé Netanyahou de vouloir former un gouvernement minoritaire avec le soutien des partis arabes après les élections : «Le Premier ministre s'oriente vers les partis arabes, ce qui coûtera beaucoup d'argent aux contribuables. Un tel gouvernement serait formé aux dépens de ceux qui servent dans Tsahal et qui paient des impôts. C'est le plan. Le Likoud a compris qu'il n'obtiendrait pas 61 membres sans Israël Beitenou et a donc décidé de commencer à travailler avec les partis arabes».

Il veut se donner l’image d’un bulldozer qui à, chaque scrutin invente un slogan. Il a le don des formules fortes : «Seul Lieberman comprend l’arabe», «pas de citoyenneté sans loyauté» et aujourd’hui il prône «la droite laïque». Il a abandonné l’idéologie pure jugée caduque pour choisir le pragmatisme et le réalisme. Il a compris qu’il ne pourrait jamais atteindre le poste de premier ministre qu’il convoitait et donc il doit composer pour partager le pouvoir, mais pas à n’importe quel prix : «Il y a ceux pour qui le poste de Premier ministre est une obsession. C'est juste une option. Je n'ai pas d'obsession». La preuve, il a refusé d’entrer au gouvernement en avril 2019 mais il envisage sérieusement une rotation comme du temps d’Itzhak Shamir mais encore faut-il que son parti obtienne beaucoup de sièges. Mais c’est une option qui est inenvisageable avec Netanyahou, c'est pourquoi il s'est éloigné de lui.
Il vise aussi ses amis d'extrême-droite dont il semble s’éloigner par pragmatisme : «La vraie décision lors des élections ne se situe pas entre Gantz et Bibi, mais entre Israël, notre patrie d'Israël et l'Israël de Smotrich. Même après les dernières élections, on m'a offert la possibilité d'être ministre de la Défense, mais je ne l'ai pas prise. Il ne peut y avoir une reddition au terrorisme».
Lieberman n'est pas mécontent du spectacle donné par l’extrême-droite qui se déchire. Ayelet Shaked, leader de la Droite Unie a refusé de s’allier avec les kahanistes racistes de Otzma Yehudit, ou avec la droite dure libertaire Zehut de Moshé Feiglin encore moins avec le micro parti Noam, anti-LGBT. Ces petits partis ne passeront pas le seuil électoral et leurs voix seront perdues pour le Likoud. C'est tout bon pour lui. L’émiettement des partis de gauche pourrait le faire apparaître comme le plus grand parti après le Likoud et Bleu-Blanc. Il pourra ainsi négocier en force sa participation à tout gouvernement.
En privé il explique sa démarche consistant d’abord à éliminer Netanyahou en donnant la première place à Benny Gantz puis à faire exploser le Likoud de l’intérieur. Connaissant bien le parti dont il est issu, il se fait fort de trouver des frondeurs qui, débarrassés du Lider Maximo, viendraient en renfort auprès de lui pour s’associer aux centristes dans une grande coalition excluant les orthodoxes mais avec certains partis à la droite du Likoud qui ont un compte à régler avec Netanyahou. 
C’est la coalition à laquelle il rêve. Il n’est pas sûr qu’il y parvienne mais il aura eu au moins le culot d’avoir essayé. La campagne électorale vient à peine de commencer, en pleine période estivale, alors que les Israéliens sont nombreux à se rendre à l’étranger pour leurs vacances. Pour l’instant ils ont d’autres préoccupations plus terre à terre. Les jeux électoraux s’exprimeront au début du mois de septembre. Les prévisions faites avant seront de la pure spéculation.
Plan de cession de territoires

Avigdor Lieberman, Juif d’origine moldave, toujours bien habillé et sanglé dans ses costumes cintrés, est toujours redouté par les Occidentaux. À la fin de septembre 2010, à la tribune des Nations unies, il avait rejeté le principe de «la terre contre la paix», rabâché en vain depuis les accords d’Oslo de 1993. Aujourd’hui, devenu plus pragmatique avec le temps, il préfère «un échange de territoires peuplés» pour une paix durable au Proche-Orient pour éviter qu’elle prenne des décennies pour se concrétiser : «Laissez-moi être clair : je ne parle pas de déplacer des populations, mais plutôt de déplacer des frontières pour mieux refléter des réalités démographiques». Il a changé et il veut ainsi définitivement mettre fin au concept d’épuration ethnique qui lui est attribué. Il veut présenter un nouveau visage plus consensuel, loin de la caricature. Un nouvel homme politique de droite est né qui prend ses distances avec les extrêmes car il privilégie sa grande ambition. 

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