Par Jacques
BENILLOUCHE
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Militants du Likoud |
La campagne électorale est à
peine commencée et déjà elle est entachée de doutes, de suspicions et de
trahisons. Tous les partis sont touchés. Il est difficile de croire aux sondages car
ils ne reflètent jamais la réalité de l’opinion publique mais il existe des
signes qui ne trompent pas et qui donnent l’orientation du vent sans avoir besoin d'être expert en sciences politiques.
Ainsi, un vent
de panique semble s’emparer du Likoud qui cherche à ressouder les rangs au sein
de ses militants. Sauf dans les pays dictatoriaux, on n’a jamais vu un régime
exiger des représentants du peuple un acte de soumission qui n’a certes aucune
valeur juridique mais uniquement symbolique. Ce document pourra à tout moment
être dénoncé lorsque la situation l’exigera.
Député David Bitan |
En fait il s’agit d’une bravade
de la part de certains inconditionnels du Likoud, en particulier David Bitan, pour remonter le moral des
troupes et même de son président, traversé par le doute. Cela rappelle le 10 juillet 1940 lorsque
l'Assemblée nationale française avait voté les pleins pouvoirs au maréchal Philippe
Pétain, président du Conseil. On sait ce qu’il en a fait et ce qu’il est
advenu. Il n’est pas sain de forcer des députés à être dociles, parfois même à s’engager
contre leur volonté ou contre leurs convictions. Ils représentent le peuple et
non pas un parti, à fortiori pas un homme. Toutes les ficelles sont bonnes. Netanyahou est à 2% des voix
près puisqu’il tente de persuader Moshe Feiglin de se retirer en échange de
plus de 3 millions de shekels de dettes du parti. Feiglin lui a répondu : «Au
lieu de m’éliminer, aide-moi à entrer à la Knesset».
Ces gesticulations au Likoud
donnent l’impression qu’ils en savent plus que les sondeurs. La situation
semble échapper aux leaders du parti qui tentent de redresser une situation critique
qu’ils n’ont pas connue durant cette décennie où ils étaient aux affaires. Alors
des rumeurs circulent qui font état de manœuvres de la part du président de la
Knesset pour supplanter Benjamin Netanyahou. Yuli Edelstein, un proche parmi ses plus proches, s’est entretenu en présence de membres de son
Cabinet avec des députés et des ministres pour envisager des scénarios
possibles face à l’impossibilité confirmée de constituer un gouvernement monochrome avec, à sa tête, le premier ministre actuel. L’unanimité n’a plus cours.
Yuli Edelstein |
Mais ce crime de lèse-majesté à
l’égard du premier ministre en place a fuité car Avigdor Lieberman avait décidé
de révéler les démarches de son ami ukrainien avec qui il avait
créé le part Israël BeAlyah. Le Likoud n’est plus certain de la fidélité de certains
éléments contestataires au point de pousser le parti à exiger un serment de
fidélité promettant de soutenir le Premier ministre Benjamin Netanyahou. Les
effets de cette signature sont illusoires car rien n’empêchera ceux qui le
souhaitent de sauter le pas s’ils voient leur avenir obstrué, a fortiori si le
Lider Maximo a un genou à terre après les élections. Les trahisons seront
nombreuses en cas de retournement de situation et la chasse aux portefeuilles
ministériels sera lancée.
Avigdor Lieberman, a condamné la
pétition de fidélité en justifiant que Netanyahou était le «seul candidat du
parti au poste de Premier ministre, à l'issue des élections législatives du 17
septembre. La signature honteuse des députés du Likoud jurant fidélité à leur
président, façon nord-coréenne, montre la méfiance de Netanyahou à l'égard des
membres de son propre parti».
Les doutes existent
aussi à gauche où le leader des travaillistes est suspecté d’être un sous-marin
de Netanyahou chargé de le rejoindre au lendemain des élections afin de compléter la
coalition. Malgré les dénégations, lui et sa numéro 2 pourraient trahir leur
parti par intérêt personnel. L’un pour obtenir le poste de président de l’État
qui sera vacant en juin 2021. Peretz en rêve mais il doit obtenir une majorité
de voix à la Knesset sachant que Tsipi Livni est sur les rangs pour clore en
beauté sa vie politique. Orly Levy-Abecassis obtiendrait de son côté le
ministère de la santé auquel elle se sent la plus apte.
Bien sûr Amir Peretz jure
ses grands dieux qu’il ne trahira pas son clan mais les promesses sont des
denrées périssables qui finissent toujours dans les poubelles de l’Histoire. Par ailleurs, on ne comprend plus la position ambiguë d’Orly Levy-Abecassis qui a annoncé : «Nous
ne serons pas le gilet de sauvetage de Netanyahou. Nous ne rejoindrons un
gouvernement dirigé par le Likoud et nous ne travaillerons pas avec l'ancien
Premier ministre Ehud Barak». Quelle prétention pour un parti à la limite du seuil électoral à moins que ce ne soit qu'une posture électorale pour mordre sur le parti démocrate. Ces exclusives sont stériles.
A
l’extrême-droite la guerre entre factions s’est atténuée pour des raisons
d’efficacité. Le départ en avril 2019 des deux leaders
de Habayit Hayehudi vers d’autres horizons avait plombé tous les partis
d’extrême-droite et une certaine rancune a subsisté qui avait justifié les
réticences de Bezalel Smotrich et Rafi Peretz à accepter le leadership d’une
femme laïque. Un clan a majorité religieuse trouvait qu’une femme à
sa tête faisait désordre. Il s’agissait d’une alliance de circonstance mais ils
se sont résolus à l’accepter en attendant des jours meilleurs. Il s’agit d’un
attelage impossible. Comment en effet une laïque pourrait souscrire aux propos
de Smotrich qui vient de déclarer «qu'il aimerait vivre dans un pays régi
par la Halakha, où la religion se mêlerait à la vie des citoyens». Le cœur
n’y est pas puisqu’il n’existe pas d’élan nouveau pour placer Ayelet
Shaked sur orbite. Ce sont les mêmes qui votent pour elle et aucune voix du
Likoud ne semble se porter sur elle. Elle dépassera de peu les 8 voix qu’elle
avait obtenues le 17 mars 2015.
Les fondateurs de Aleinou, (de gauche à droite) : Yomtob Kalfon, Michael Wolf, Moria Hadad-Rodrig, Benjamin Fellous. |
La désillusion frappe aussi les Francophones
qui croyaient qu’ils disposaient d’un réservoir de voix que les candidats se
disputaient. Il n’en est rien car ils sont désunis et peu politisés en raison de leur méconnaissance de l'hébreu. La tentative du rabbin Amsellem de créer un parti
de séfarades est tombée à l’eau. Pourtant l’idée était nouvelle de réunir à la
fois des religieux et des laïcs, des hommes et des femmes, des gens de droite et
de gauche sous la bannière de la défense des séfarades.
Les candidats qui se
présentent font figure d’alibis puisqu’ils ont obtenu des places inéligibles.
Mais l’honneur est sauf, on ne les a pas oubliés pour grappiller quelques voix. Olivier
Rafowicz est 16ème chez Israël Beitenou, Yossi Taieb 12ème
chez Shass, Yomtob Kalfon 17ème sur la liste de la droite unie, et Meir
Benhayoun 11ème chez Otzma. Le rêve n’est jamais interdit mais ils peuvent apprécier leur photo aux côtés de dirigeants importants.
Liste arabe unie |
Enfin,
les Arabes, qui représentent 20% de la population avec une liste
unifiée, ne sont pas considérés comme faisant partie du spectre politique
israélien. Certes leur comportement inadmissible à la Knesset le jour de son inauguration ne
fait pas d’eux des citoyens reconnus. Cependant, ou bien les députés arabes sont des
israéliens à part entière, ou bien ils représentent une cinquième colonne
capable de s’en prendre à l’État d’Israël et donc il faut les bannir des élections Pourtant, de plus en plus d’Arabes,
qui sont des citoyens israéliens détenteurs de tous les droits, tentent de
s’insérer dans la vie politique israélienne. Mais l’existence d’une liste
communautaire est une erreur de taille. Ils doivent s’insérer dans les listes
politiques israéliennes pour être totalement assimilés politiquement.
Ayman Odeh |
Certains
élus arabes envisagent une coopération avec Benny Gantz sans accepter de poste de
responsabilité. Le président de la Liste arabe unie Ayman Odeh a déclaré qu’il
pourrait «sérieusement envisager de rejoindre» Bleu-Blanc s’il
gagnait les élections : «Si
Gantz se tournait vers nous, il va dans la bonne direction pour la paix et
l’égalité, nous l’écouterons. Je ne crois pas que cela aura lieu parce qu’il y
a beaucoup de mauvaises eaux sous le pont. Nous ne sommes pas dans sa poche. Il
devra venir à nous. Si nous voyons qu’il y a une direction commune, nous
pourrions sérieusement envisager de le rejoindre». Mais Benny Gantz a exprimé de sérieuses réserves, du moins officiellement. Si le cas se présentait, il pourrait à la rigueur envisager un gouvernement minoritaire avec la neutralité des partis arabes.
Les Arabes et les Juifs ne sont
pas encore prêts à ce genre de situation alors ils envisagent uniquement par
euphémisme une «coopération» et non une alliance gouvernementale, un peu
à la manière d’Itzhak Rabin qui avait constitué un gouvernement minoritaire en
1992 avec la «neutralité» des factions arabes. C’est cette neutralité
qui inquiète le Likoud car elle donnerait une opportunité sérieuse au parti
Bleu-Blanc.
Alors certains médias israéliens, inféodés au pouvoir actuel, sont mobilisés pour faire la même présentation tendancieuse. Ils classent les partis en deux groupes, le «bloc religieux de droite» incluant à tort Lieberman et le «bloc arabe de gauche» incluant Gantz. Une bonne façon de prévenir les électeurs que voter Gantz c’est voter arabe. Il n’y a que les inconditionnels du Likoud et les naïfs qui croient à cette classification.
Alors certains médias israéliens, inféodés au pouvoir actuel, sont mobilisés pour faire la même présentation tendancieuse. Ils classent les partis en deux groupes, le «bloc religieux de droite» incluant à tort Lieberman et le «bloc arabe de gauche» incluant Gantz. Une bonne façon de prévenir les électeurs que voter Gantz c’est voter arabe. Il n’y a que les inconditionnels du Likoud et les naïfs qui croient à cette classification.
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