Par Jacques
BENILLOUCHE
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Matériel des terroristes du 10 août |
Les
services sécuritaires israéliens, en particulier le Centre Meir Amit, ITIC (Intelligence
and Terrorisme Information Center), n’interprètent pas les nombreuses
tentatives d’infiltration des terroristes armés depuis la bande de Gaza comme
un changement de stratégie du Hamas bien que depuis le début du mois d’août
2019, des terroristes fortement armés aient tenté sans succès, à trois reprises,
de pénétrer en Israël. Ils ont tous été interceptés et tués avant qu’ils ne
foulent le sol israélien.
Armes des terroristes du 10 août |
Ainsi,
le 1er août 2019 dans la nuit, des soldats de Tsahal ont surpris un Palestinien
franchissant la barrière de sécurité à l'est de Khan Younes. Après avoir blessé
trois soldats israéliens, il a été abattu. Il s’agissait de Hani Hassan Abu
Salah, 20 ans, membre de la branche armée du Hamas.
Le 10
août 2019, quatre hommes armés s’étaient approchés de la barrière de sécurité
au centre de la bande de Gaza, à l'est du camp de réfugiés de Deir al-Balah.
Deux d’entre eux avaient réussi à franchir la clôture et à lancer une grenade à
main contre les forces de Tsahal qui ont riposté et les ont tués. Les quatre
terroristes portaient des uniformes et étaient armés de fusils d'assaut
Kalachnikov, d'un lanceur de RPG, de grenades et d'une
trousse de premiers secours. Ils avaient du matériel pour couper la barrière de
sécurité. Il semble qu’ils aient prévu de séjourner un certain temps sur le
terrain car ils disposaient de nourriture, de barres énergétiques et de dattes.
Les services de renseignements les ont identifiés comme étant des salafistes qui
avaient été expulsés de l'aile militaire du Hamas trois mois auparavant :
Abdallah al-Hamayda (Abou Moussab), Ahmed al-Adini, Rashad al-Badini et
Abdallah al-Ghomri.
Abdallah Al Haymada et Ahmed Al-Adini |
Enfin le
11 août 2019, les forces israéliennes ont intercepté un terroriste armé
s'approchant de la barrière de sécurité dans le nord de la bande de Gaza. Il a réussi
à tirer sur les soldats qui ont riposté en le tuant. Le terroriste s’appelait Marwan
Khaled Abd al-Ghani Nasser, 26 ans, de Beit Hanoun, dans le nord de la bande de
Gaza. Il était membre actif de l'aile militaire du Hamas comme son père, Khaled
Nasser, qui avait trouvé la mort auparavant dans une opération.
Comme à
l’accoutumée les réactions du Hamas ont varié selon les leaders. Yahya
al-Sinwar, chef du Hamas, a qualifié ces actions «d’héroïques». Il ne
pouvait pas moins réagir. Le porte-parole du Hamas s’est borné à critiquer
Israël d’avoir tué les terroristes et a justifier leurs motivations, sans autre
condamnation. Paradoxalement le Hamas n'a pas revendiqué la responsabilité des
infiltrations ni confirmé qu’ils avaient agi selon ses directives. Il a
seulement estimé qu’il s’agissait de «jeunes hommes en colère qui menaient
des actions individuelles motivées par des décisions personnelles ne relevant
pas de la branche armée du Hamas».
Marwan Nasser |
Selon
des informations sécuritaires, le Hamas serait intervenu en coulisses pour empêcher ces
attaques en accroissant le déploiement de ses forces de sécurité près de la
frontière et en arrêtant des Palestiniens qui avaient tenté de s'approcher de
la clôture avec l'intention de s'infiltrer en territoire israélien. Il aurait
même envoyé un message à l'Égypte pour l’assurer qu’il prendrait toutes les
mesures contraignantes pour empêcher de telles actions contre Israël. Cependant
les experts sont formels ; la fréquence croissante de terroristes armés tentant
de traverser la frontière n'indique pas une évolution de la politique du Hamas.
Le Hamas n’a pas changé car déjà en mars 2018, il
contrôlait la violence contre Israël au cours des «marches du retour» pour
ne pas que les manifestants aillent trop loin. Il surveillait de près le
lancement d'engins piégés et de grenades, le lancement de ballons incendiaires
et le lancement de roquettes. En fait il faisait tout pour modérer l’attitude
des émeutiers et c’est ce qui explique les représailles symboliques de Tsahal qui
se bornait à «casser des pierres».
Le Hamas pensait qu’il n’avait que ce
seul moyen pour obtenir des concessions de la part d’Israël et même du monde
arabe. Il souhaitait une levée partielle du siège et l’obtention d’une aide
économique massive pour améliorer la vie quotidienne de la population de Gaza. Il réclame de l'électricité supplémentaire provenant d'Israël et de l'argent du Qatar. Il
a eu partiellement satisfaction mais pas suffisamment pour régler la misère
économique. Avigdor Lieberman avait été le seul à conseiller au gouvernement de
débloquer 10.000 contrats de travail pour les Gazaouis, à étendre les limites
de pêche et même à donner des facilités portuaires à Gaza. Pour lui, c'est le seul moyen de calmer les ardeurs belliqueuses de certains groupes.
Hani Abou Saleh en tenue militaire |
Cependant le Hamas fait peu d’effort pour empêcher de
manière préventive ces infiltrations. D’une part, ces terroristes bénéficient de
la sympathie et du soutien de la population qui a tendance à critiquer le
Hamas. D’autre part, les organisateurs des «marches de retour» sont à
présent convaincus que les résultats attendus ont été faibles et qu’il fallait
trouver d’autres moyens d’agir. En revanche on peut accuser le Hamas de limiter
au strict minimum sa lutte contre les infiltrations au lieu, peut-être, de les
coordonner lui-même, laissant trop de liberté à sa branche armée.
Le journal libanais al-Akhbar, affilié au
Hezbollah, a confirmé que les trois infiltrations en Israël avaient eu lieu «sans
instructions des dirigeants politiques ou militaires du Hamas et par des
individus sans contrôle». Le journal a conseillé aux médiateurs égyptiens et
onusiens «d'accélérer le transfert de fonds pour les familles dans le besoin
et d'accélérer la mise en œuvre de projets électriques». Il confirme que le Hamas avait officiellement suspendu ses activités militaires contre
Israël «pour faciliter les efforts de paix».
Un éditorial journal du Hamas Felesteen explique
que le Hamas ne souhaitait ni n'encourageait les activités militaires
individuelles. C’est d’ailleurs pourquoi il ne les revendique pas pour ne pas
décevoir les négociateurs égyptiens qui persistent dans leurs efforts pour
ramener une paix durable. Cependant certains chefs des brigades Ezzedine el Qassem
voient d’un mauvais œil cette volonté d’accalmie. Alors, pour maintenir sa crédibilité vis-à-vis de l'Egypte, le Hamas doit montrer plus d'ardeur à combattre ses contestataires, quitte à utiliser les méthodes dissuasives qu'il connaît.
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