LE BEST-OF DES ARTICLES LES PLUS LUS DU SITE, cliquer sur l'image pour lire l'article


 

vendredi 2 août 2019

Le parti travailliste israélien choisit le défi et le risque


LE PARTI TRAVAILLISTE ISRAÉLIEN CHOISIT LE DÉFI ET LE  RISQUE

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
Peretz - Barak
            
          Le parti travailliste dirigé par Amir Peretz a pris de sérieux risques, d’abord en intégrant une candidate issue de la droite sociale, Orly Levy-Abecassis, puis en refusant la fusion de sa liste avec celle du Meretz et du parti démocrate d’Ehud Barak. Mais il lance en même temps un défi à la gauche pour prouver qu’il est capable de draguer des voix généralement dévolues à la droite. Pour cela, les deux originaires du Maroc adoptent une démarche claire ; ils s’affichent comme les représentants de la classe ouvrière et surtout des populations séfarades.



Il est un fait que le Likoud de 1977, dirigé par Menahem Begin, avait attiré à lui tous les Marocains qui avaient été écartés de la gouvernance en raison de la discrimination qui régnait à leur égard. Leur position sociale ne les destinait pas normalement à un parti de droite mais ils y ont pris racine parce que Begin avait su en faire des alliés. Le parti Mapaï représentait l’élite ashkénaze de l’époque. Or, Peretz sait qu’il existe au Likoud un vivier d’électeurs qui votent par habitude plutôt que par conviction. Et quand on voit les listes actuelles de candidats de droite, on constate qu’aucun effort n’est pour donner une représentation équilibrée de la population séfarade.
C’est une lourde tâche à laquelle s’attelle le nouveau couple iconoclaste, avec le risque de ne plus exister en ne passant pas le seuil électoral de 3,25%. De toute façon, en prenant la tête d’un parti en perdition, Peretz savait qu’il avait une mission impossible. Alors il tente le tout pour le tout, retourner chez lui à Sdérot ou être le faiseur de roi, ou plutôt de premier ministre. D’une certaine manière il reste logique dans sa stratégie; certains électeurs n’auraient jamais rejoint un groupe qui comprend le Meretz, l’épouvantail «gauchiste» à leurs yeux. Or le centre ne pourra parvenir au pouvoir que s’il puise dans le vivier électoral de la droite en mettant en avant, avec Orly Levy, les questions sociales qui ont été éludées aux dernières élections par le gouvernement actuel.
Le coût de la vie, les problèmes de santé, le logement représentaient le cheval de bataille d’Orly Levy et elle ne dépareille pas auprès de Peretz. Elle n’a pas réussi en avril 2019, non pas à cause de ses idées, mais par manque de financement pour diffuser son programme électoral. Une campagne électorale nécessite beaucoup de fonds. Par ailleurs Peretz vise les 153.000 voix qui s’étaient portées sur Moshe Kahlon, retourné à son parti d’origine. Ces voix de Koulanou, les déçus de l’alliance avec le Likoud, ne pouvaient pas intrinsèquement se reporter sur le parti allié des Arabes.
Manifestation des Ethiopiens

Par ailleurs les Ethiopiens qui votent en masse pour le Likoud, ces laissés pour compte de la société israélienne, ont été choqués par la perte de deux des leurs, tués par la, police. Leurs voix se sont libérées et peuvent être captées par un représentant des classes défavorisées.   
L’Union démocratique est un parti éclectique qui ressemble à un attrape-tout en voulant représenter l'ensemble du spectre politique du pays avec un général, un homosexuel et une jeune passionaria.  Mais Nitzan Horowitz, Stav Shaffir et Ehud Barak sont des Ashkénazes laïcs du monde tel-avivien. Ils représentent un repoussoir culturel et idéologique pour les ouvriers des zones périphériques. Rien ne peut les attirer. De son côté, Peretz qui vit à Sdérot l’a compris ; ils font partie d’un autre monde et pour cette raison il a refusé la fusion avec Meretz. Ses amis des villes de développement, de Yeruham et Dimona par exemple, ne peuvent se retrouver que dans un parti avec lequel ils partagent leurs intérêts.
Dôme de fer

            Si ce couple détonnant réussit, alors tout leur sera ouvert ; le ministère de la santé pour Orly Levy et la présidence de l’État pour Amir Peretz. Le père du Dôme de fer, l’aura bien mérité au terme d’une vie politique dense. Mais il devra surmonter les crises qui touchent tous les partis socialistes dans le monde. Le parti français est en déroute au profit des sociaux-démocrates d’Emmanuel Macron. Le parti travailliste anglais perd ses plumes avec des militants qui rejoignent le parti libéral. Le parti social-démocrate allemand a été absorbé par les Verts. Il n’y avait aucune raison pour que le parti travailliste israélien ne subisse pas les mêmes aléas avec en plus le problème récurent du ressentiment séfarade à l’égard de l’élite ashkénaze. Ce problème n’a jamais disparu et il gangrène encore le pays, sauf à l’armée.
Pauvreté

En revanche Orly Levy sait que son électorat ne plane pas dans les hautes sphères intellectuelles après avoir été abandonné sur le bas-côté et qu’il vise l’amélioration de sa condition de vie en dehors de toute question culturelle. Amir Peretz a relevé le défi qu’il s’est donné : «Si j'avais décidé d'aller avec Meretz, je me serais senti plus à l'aise. Le chef d'un parti sûr avec 8-10 sièges. Nous avons choisi le chemin difficile». Sa stratégie pourrait être payante.
            Mais certains, souvent parce qu’ils ont peur de leur nuisance, accusent Peretz et Levy-Abecassis d’être des sous-marins à la solde de Benjamin Netanyahou pour lui servir d’appoint pour sa coalition. C'est une accusation grave mais en politique, tout est possible sauf l’impossible.

1 commentaire:

Elizabeth GARREAULT a dit…

"accusation grave" peut-être mais vu le précédent d'avril où Gabaï a failli céder, je connais pas mal de travaillistes qui ne prendront pas le risque cette fois ci et voteront "Union Démocratique".