Radio Judaïques FM
UN EX-MINISTRE ISRAÉLIEN EMPRISONNÉ POUR ESPIONNAGE AU PROFIT DE
L'IRAN
Jacques BENILLOUCHE
Au micro de
Olivier ISSEMBERT
Gonen Segev en chemise bleue |
L’affaire du docteur Gonen Segev
n’est pas la première affaire d’espionnage de haut niveau qui a défrayé la
chronique en Israël. Avant d’aborder ce cas récent, il faudrait rappeler que deux
autres hauts dirigeants israéliens ont été au service de l’ennemi, durant de longues années, sans compter
quelques petits espions de petite envergure.
Il y a d’abord eu Israël Beer,
citoyen israélien d’origine autrichienne, arrêté en 1961 après avoir été
reconnu coupable d’espionnage au profit de l’Union soviétique. Son identité n’a
jamais été établie avec certitude et son judaïsme n’a pas été confirmé
puisqu’il n’a jamais été circoncis. Le Mossad avait estimé a posteriori que son
CV était totalement faux et il avait été convaincu que le KGB avait fabriqué
son personnage de toutes pièces.
Beer avait immigré en Palestine en octobre 1938
pour rejoindre la Haganah et a obtenu le grade de lieutenant-colonel dans
Tsahal. Il avait quitté brusquement l’armée en 1949 pour rejoindre le parti
gouvernemental de Ben Gourion jusqu’à devenir son confident. Grâce à cette
proximité, il a obtenu un poste au ministère israélien de la Défense avec accès
aux informations classifiées. Il a été arrêté le 31 mars 1961, jugé et condamné à dix ans d'emprisonnement ; il
est mort en prison en mai 1966.
Marcus Klingberg |
Ensuite Marcus Klingberg,
grand espion soviétique, a opéré en Israël pendant plusieurs années. Il est
mort le 1er décembre 2015 à Paris. Le professeur Abraham Marcus Klingberg
occupait les fonctions de directeur adjoint d’un institut dont l’existence
resta secrète et couverte par la censure militaire israélienne. Il faisait
partie de l’élite scientifique du pays, publiait de nombreux ouvrages et
participait à des conférences internationales. Il n’aurait jamais été découvert
si un espion russe, retourné par les services de renseignements israéliens, ne
l’avait dénoncé. L’institut qu’il dirigeait était situé à Nes Ziona, à dix-huit
kilomètres au sud de Tel-Aviv, à proximité de la centrale nucléaire civile de
Nahal Soreq.
Le gouvernement israélien avait
décidé en 1952 de créer ce centre de recherche sur les armes chimiques et
biologiques, placé sous la responsabilité directe du Premier ministre et
couvert par le secret militaire. Le mystère est encore aujourd'hui total sur la
réalité des travaux de recherche et l’on ne sait pas précisément ce que
fabriquait ce laboratoire. La presse locale Maariv avait cependant révélé en
1998 que des armements non conventionnels y étaient développés à base «de
virus, de toxines, de bactéries et de poison de synthèse». Né à Varsovie en
1918, il était arrivé d’URSS en 1948 à la fondation de l’État d’Israël et avait
été enrôlé dans les services médicaux de l’armée.
Ian Brossat |
Après des pressions françaises,
il avait été libéré en 2003, au terme de sa peine, et avait obtenu
l’autorisation de vivre à Paris chez sa fille, Sylvia Klingberg-Brossat, mère
de Ian Brossat, adjoint communiste d’Anne Hidalgo à la marie de Paris. Pendant trente-cinq
années et en toute impunité, il a inondé l'URSS d'informations vitales
concernant Israël, au nez et à la barbe des puissants services israéliens de
sécurité intérieure.
Ces deux affaires dénotent la
puissance de l'idéologie communiste insufflée à des hommes qui n'ont jamais
dévié du chemin que leur avait été tracé le KGB, ni douté de la justesse de
leur trahison contre l'État juif. Ils ont emporté dans leur tombe tous leurs
secrets.
L’affaire du Dr Gonen Segev,
est d’une toute autre nature. Elle est crapuleuse. Il n’a aucune conviction
idéologique ni politique, et n’a trahi que par l'appât du gain. Il avait tout
pour réussir mais il a voulu gagner très vite beaucoup d’argent sans effort.
Docteur en médecine, il avait atteint le grade de capitaine à l’armée. Il est
entré en politique d’abord à l’extrême droite comme député (élu en 1992), puis
en reniant ses amis et en devenant, le 9 janvier 1995, ministre de l'Énergie et
de l'infrastructure dans le gouvernement travailliste d’Yitzhak Rabin pour
apporter sa voix indispensable à la signature des Accords d’Oslo en 1993.
Les moyens légaux n’étaient pas
suffisants pour satisfaire sa cupidité et il a été contraint de franchir la
ligne rouge. En avril 2004, il a été arrêté à l’aéroport de Tel-Aviv alors
qu’il tentait de passer en contrebande des milliers de comprimés d’ecstasy.
Ensuite, il a été reconnu coupable dans une affaire de faux et de tentative de
contrebande de drogue, et condamné à cinq ans d'emprisonnement. Les profits
étaient énormes, sans commune mesure avec ceux d’un député ou d’un médecin.
Après avoir été libéré de prison
en 2007, il était donc devenu une proie facile pour les services étrangers.
Mais si l’espionnage au profit de l’URSS était grave, les Russes ne mettaient
pas en jeu l’existence d’Israël. Ce n’est pas le cas de l’Iran et du Hezbollah.
Or il est tombé entre les mains d’un Arabe de Taybeh qui l'a engagé au service
du Hezbollah pendant plusieurs années. Interdit d’exercer la médecine en
Israël, il s'est exilé au Nigeria où il a pu exercer librement mais où sa
descente aux enfers a commencé. Toujours à court d’argent, il a frappé à la
porte de l’ambassade d’Iran pour vendre ses services durant plusieurs années.
En juin 2018, le Shin Bet et la police israélienne ont annoncé qu'il avait été
extradé parce qu'il était soupçonné d'espionnage. En effet, il s’était rendu
par deux fois en Iran pour rencontrer ses agents traitants, qui lui ont fourni
un équipement de communication secret pour coder les messages entre lui et ses
gestionnaires. Il a été placé au secret en prison et a négocié sa peine en
échange de sa culpabilité et de sa collaboration avec la police. Il a été condamné
à 11 ans de prison alors qu’il encourait la perpétuité. On ignore l’importance
des informations qu’il a fournies mais en tant que ministre, il disposait de la
liste des cibles stratégiques israéliennes.
L’opinion israélienne a été secouée
par l’information qui révèle qu’un ancien ministre israélien pouvait espionner
pour l’Iran. Nul ne pouvait imaginer qu’un Israélien, a fortiori ancien
ministre, puisse trahir son pays. Les Israéliens se vantaient de l’efficacité
du Mossad et glosaient sur les lacunes des services de renseignements
étrangers. Mais ces derniers événements les poussent à plus de modestie car ils
sont eux aussi faillibles.
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