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lundi 14 janvier 2019

Fake news et boules puantes contre Benny Gantz



FAKE NEWS ET BOULES PUANTES CONTRE BENNY GANTZ

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright ©  Temps et Contretemps
            

          Pour le Likoud, l’ancien chef d’État-major Benny Gantz est devenu un homme à abattre, politiquement s’entend. Il grignote de plus en plus d’espace politique au détriment de Benjamin Netanyahou au point de talonner à présent le premier ministre. Mais à défaut d’arguments politiques convaincants à l’encontre d’un officier supérieur intègre, on sort le karcher pour tenter de détourner le cœur des électeurs d’un candidat dangereux. La stratégie actuelle de Benny Gantz est fondée sur le silence pour se donner le temps de préparer son programme et de constituer sa dream team suffisamment hétéroclite pour ratisser large.



Monastère des Moines silencieux

On ne sait rien de ses positions politiques et pourtant il dérange déjà les deux bords de la classe politique. On l’imagine au centre de l’échiquier politique parce qu’il ne s’est rallié ni au Likoud et ni aux Travaillistes. Mais pour certains électeurs, leur religion est faite par avance parce qu’ils veulent du changement et surtout parce que, pour un pays en perpétuelle guerre, un général rassure toujours. C’est pourquoi les flèches empoisonnées qui lui sont déjà lancées tentent de désacraliser le héros militaire.
Ses détracteurs au Likoud soulèvent son opposition au bombardement de l’Iran en 2009 parce qu’il estimait, avec les autres responsables sécuritaires, qu’il ne pouvait lancer une telle opération sans la caution politique des Etats-Unis et surtout leur aide logistique. Ces mêmes détracteurs, qui le traitaient d’officier modéré, ont été jusqu’à l’accuser paradoxalement de s’être mal comporté durant la guerre Bordure protectrice à Gaza en 2014.
Adolescents assassinés

Il s’agit de détruire son image d’officier éthique, humain et moral mais dans leur manœuvre, ils ont confondu modération et faiblesse. Suite à l’enlèvement et à l’assassinat de trois étudiants de yeshiva, il avait ordonné en représailles l’arrestation de 400 Palestiniens et de certains terroristes libérés dans l’échange de Guilad Shalit. Il n’a pas lésiné à ordonner des frappes de plusieurs centaines de missiles contre Gaza, même au prix de 2.202 morts palestiniens. Il avait alors annoncé lui-même que «nous avons utilisé notre puissance de la manière la plus contrôlée possible». Il s’est montré encore plus irréductible face à un ennemi qui avait enlevé le corps du lieutenant Hadar Goldin et qui a payé un prix humain élevé.
Les militants du Likoud semblent terrifiés par la décision de Gantz de s’opposer à Netanyahou et ils ont choisi l’assassinat politique ciblé contre celui qui a osé entrer en politique contre leur leader. Alors on sort les «dossiers» supposés compromettants et les boules puantes réputées faire plus de dégâts. On l’accuse subitement sans preuves d’avoir construit illégalement un balcon dans sa résidence personnelle, sans argumenter juridiquement l’accusation mais les réseaux sociaux s’en donnent à cœur joie. Cette accusation est censée faire le pendant du scandale réel qui avait touché Yoav Galant quand il s’était approprié sans autorisation une grande parcelle de terrain public pour agrandir sa maison dans le mochav Amikam.
Gantz et Galant

Yoav Galant est un habitué de l’attaque de ses concurrents. Il devait succéder à Gabi Ashkenazi à la tête de l'État-Major de l'armée israélienne, mais des documents compromettants, qui lui étaient attribués, ont montré qu’il avait dénigré ses concurrents à ce poste poussant, le 1er février 2011, le Premier ministre Benjamin Netanyahou et le ministre de la Défense Ehud Barak à annuler sa nomination à la tête de l'État-Major de Tsahal. En revanche, il s’était approprié une parcelle de terrain près de sa maison dans le mochav Amikam. 
Après avoir mené une enquête sur ces allégations, le procureur général Yehouda Weinstein avait décidé de ne pas défendre juridiquement la nomination de Galant qui avait donc vu sa nomination annulée au profit de Gantz. Il n’avait cessé alors de lui en tenir rigueur alors qu’il était étranger à ces accusations.
Alors dès sa rupture avec Koulanou et son affiliation au Likoud, Galant a cru devoir donner des gages de militantisme en ciblant Benny Gantz avec des accusations non étayées : «Benny Gantz se tait et il sait très bien pourquoi il se tait, tout comme des milliers d’officiers et de soldats de Tsahal qui ont servi sous ses ordres savent pour quoi il se tait».  L’accusation n’était fondée sur aucun document ni preuve puisque Yoav Galant a refusé de préciser ce à quoi il faisait allusion. Mais pour lui, c’était un bon moyen d’attenter à la dignité du candidat.
Par ailleurs, il n’a pas été tendre avec son autre collègue, Moshé Yaalon, qui a la tentation de rejoindre Gantz : «Ce serait une alliance entre quelqu’un qui n’a pas d’avis et quelqu’un qui n’a pas de mandats». Que des attaques au-dessous de la ceinture! Il est ignoble qu’un officier de cette envergure, qui a occupé les plus hautes fonctions, use de méthodes indignes sachant que ses accusations rejaillissent évidemment sur Tsahal et décrédibilisent les officiers généraux. 

La politique ne peut permettre tout comportement insidieux. Mais plus grave encore est la pauvre argumentation de la ministre de la culture Miri Regev, chargée des attaques au Likoud,  qui a abondé dans ce sens en l’accusant d’être responsable du décès de Daniel Tregerman, âgé de quatre ans, tué par un obus de mortier tiré de Gaza lors de la guerre entre Israël et le Hamas en 2014. 
Les militants du Likoud sont tous mobilisés pour détruire l’image sécuritaire de Gantz parce qu’elle représente son meilleur atout politique : «Nous avons des informations sensibles sur Benny Gantz et nous allons trouver un moyen de diffuser ces informations auprès du public». Comme fake news on ne fait pas mieux. 
Mais Benny Gantz n'est pas la seule cible. En raison de la faiblesse des arguments contre lui, sa femme Revital est attaquée violemment. Des fake news l’ont affiliée à l'organisation radicale de gauche Machsom Watch, composée de femmes opposées à l'occupation. Bien que personne dans l’organisation ne connaisse Revital Gantz, les hauts responsables du Likoud insistent pour user de la peur. Le député Akunis a martelé cette affirmation à la radio le 6 janvier 2019. Les propagandistes de droite ont fait de Revital Gantz, éducateur, ancien officier de l'armée et activiste social, un ennemi du peuple. En fait, il n’y aurait eu aucun mal à être membre de Machsom Watch, une organisation juridique dédiée à des objectifs politiques légitimes. Mais en Israël, être de gauche est devenu synonyme de traître; les Gantz apprennent à leurs dépens la nature de la guerre politique. Il n'est pas sûr que les électeurs, non intoxiqués par militantisme, apprécient qu'on touche impunément à une icône militaire. D'ailleurs ce n'est pas par copinage que le chef sortant de Tsahal, Gadi Eizenkot, ait vigoureusement défendu Benny Gantz. 

Revital et Benny Gantz

Et pourtant les militants de droite ou de gauche devraient opposer à Benny Gantz de véritables arguments politiques au lieu d’accusations fumeuses. Il n’a exposé aucun programme politique qui permette aux citoyens de se prononcer et n’a donné aucune orientation politique à son parti. Avoir été aux commandes militaires du pays n’apporte aucun gage de réussite. Macron en France et Gabbay en Israël ont prouvé qu’une personnalité politique se forge progressivement et que la réussite dans un domaine particulier ne donne aucune assurance pour la conduite du pays.
Lipkin Shahak

 L’exemple de l’ancien chef d’État-major Amon Lipkin-Shahak est éloquent en la matière et presque similaire. Après sa retraite de l'armée, il avait exprimé des opinions divergentes et avait sévèrement critiqué le Premier ministre Benjamin Netanyahou. Il avait appelé à la création d'un parti centriste qui comprendrait des représentants de toute la classe politique du pays : «Le parti travailliste seul ne sera pas en mesure de parvenir à la paix en raison de l'image de gauche qui y est attachée, alors qu'un nouveau parti centriste incluant des forces de droite réussira». Le 7 juin 1999, il était entré à la 15e Knesset en tant que membre du Parti du centre puis nommé le 5 août ministre du Tourisme et le 11 octobre 2001, ministre des Transports. Mais son aventure politique fut brève et n’eut pas les retombées auxquelles sa personnalité le prédisposait. 

Benny Gantz devrait s'inspirer de l'échec de cette trajectoire. Un premier ministre doit s’appuyer sur des relais locaux à travers le pays, sur des maires bien installés et sur des conseillers municipaux capables de relayer le message politique. C’est cela la vraie politique.


4 commentaires:

Pascal VIDOUDEZ a dit…

Il y a des politiciens qui se mettent au Service des citoyens, d'autres qui ne pensent qu'à eux et à leur orgueil démesuré.
Que l'Eternel place décidemment les bonnes personnes aux bons endroits et au bon moment

Bazak a dit…

D'abord grand merci à Jacques Benillouche pour la qualité de l'éclairage qu'il nous donne, jamais démenti. Ma question : le système electoral actuel est pervers. N'est il pas à l'origine de ce ballet des egos ? On tire dans tous les sens ... Finalement, comme l'histoire electorale le démontre sans pratiquement aucune exception, tout doit finir par une coalition et à ce moment là , l'ego tend à faire une pause, ministrable oblige ...
Sur le silence de B. Ganz, on sait par experience que celui qui parle le plus tard possible monte dans le sondages car les électeurs attendent sa parole. Laquelle n'en prend que plus d'intérêt à mesure que le silence dure, mais alors cette parole doit en effet etre precise et forte. Parfois à trop attendre on en perd la voix ...
J'espère pour ma part, sans trop y croire, que le stock de boules puantes sera épuiser rapidement, le plus tot sera le mieux, pour enfin passer aux choses sérieuses...

Sylvia a dit…

« L’homme qui a humilié Qassim Suleimani » interview de Gadi Eizenkot dans le New York Times du 11 janvier.

Le Général Gadi Eizenkot qui termine son mandat de chef d’état-major ce mardi et qui pour cette raison a été longuement interviewé par les médias israéliens, n’avait que du bien à dire sur Gantz et même sur Yitzhak Brick, qui pourtant a tenté de ternir ses 40 ans de carrière à la dernière minute. Ses paroles révèlent un homme extraordinaire que l’on découvre maintenant seulement et que nos politiciens feraient bien de prendre pour modèle.

Sylvia a dit…

Les primaires ont déjà eu lieu et c’est Gabbay contre Netanyahu pour le poste de premier ministre à moins qu’il y ait un putsch qui se prépare. Ce que Gantz peut espérer tout au plus c’est un certain nombre de mandats qui lui permettrait de s’associer à un parti gagnant et briguer des postes ministériels pour lui et ses associés à la manière de Kulanu.