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mercredi 16 janvier 2019

40 ans après la révolution, des Juifs vivent en Iran


40 ANS APRÈS LA RÉVOLUTION, DES JUIFS VIVENT EN IRAN
Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright ©  Temps et Contretemps



   Le soir du 11 février 1979, il y a déjà quarante ans, l'Ayatollah Khomeini était arrivé au pouvoir et avait nommé Mehdi Bazargan comme premier ministre. Cette date marquait la fin de l'Empire d'Iran, et la chute du gouvernement de Chapour Bakhtiar, contraint à la fuite. Face aux forces révolutionnaires, une chape de plomb s’est alors abattue sur le peuple d’Iran, et sur les Juifs en particulier qui vivent encore en Iran.





Juifs en Iran

La communauté juive d’Iran est parmi les plus anciennes du monde ; ses membres descendent des Juifs restés dans la région après l'exil en Babylone, quand les souverains achéménides du premier empire perse ont permis aux Juifs de retourner à Jérusalem. Avant 1948, les Juifs iraniens étaient partiellement des descendants de Juifs ethniques originaires de Palestine, et pour la plus grande partie, ils étaient les descendants de Perses convertis ou de Kurdes. La majorité des Juifs iraniens parlaient le farsi en langue maternelle.
Après la révolution, la constitution de 1979 a reconnu les Juifs comme une minorité religieuse et leur a accordé un siège réservé au Parlement occupé aujourd’hui par Ciamak Moresadegh. Les Juifs étaient 85.000, aux temps des Shahs, et majoritairement installés dans les zones urbaines. Dans les années 1970, ils étaient concentrés à Téhéran, avec des communautés plus petites à Chiraz, Isfahan, Hamedan et Kashan et ailleurs. Environ 45.000 Juifs iraniens ont émigré en Israël entre 1945 et 1977. En 2005, l'Iran avait la plus grande population juive du Moyen Orient, en dehors d'Israël.
Ciamak Moresadegh

Les Juifs n’ont pas été persécutés, sauf dans les premiers temps de la révolution, mais ils sont encore aujourd’hui regardés avec suspicion par un gouvernement hostile à l'État d'Israël. Il faut dire que les révolutionnaires avaient frappé fort dès le début pour donner l’exemple. Le plus célèbre philanthrope et industriel juif, le leader de la communauté juive, Habib Elghanian, a été exécuté le 9 mai 1979 sous l'accusation de «semer la corruption sur la Terre». Mais peu de temps après, lors d’une réunion avec des dirigeants juifs, le dirigeant suprême, l’ayatollah Khomeiny, a déclaré que les Juifs étaient les citoyens authentiques de l’Iran et qu’il ne fallait pas les confondre avec les «sionistes assoiffés de sang». Il voulait ainsi rassurer la communauté. Cela n’empêche pas le gouvernement iranien d’accuser régulièrement les Juifs d'espionnage ce qui fait alterner chez eux l’horreur et l’espoir.  

Parmi les minorités en danger dans le monde, les Juifs iraniens sont une anomalie et, contrairement à la propagande, tout n’était pas rose pour eux dans leur pays. Comprendre pourquoi les Juifs restent en Iran, c'est comprendre l'histoire torturée de l'Iran. La seule théocratie chiite au monde, l'ennemi juré de Israël, qui nie la Shoah, abrite encore près de 10.000 Juifs. Dans les premiers jours de la révolution, les formulaires de passeport exigeaient la mention de la religion. Cela permettaient aux Autorités de ne pas délivrer de passeports aux Juifs pour les empêcher de quitter le pays. Ils étaient devenus des otages déguisés.
Les écoles juives étaient autorisées à fonctionner mais uniquement sans textes en hébreu et sous une administration musulmane. La participation juive à la politique du pays fait illusion. Certes, la délégation iranienne à l'Assemblée générale des Nations Unies comprend le représentant juif aux Majles mais sa présence est un alibi vis-à-vis des observateurs occidentaux. C’est une habitude dans les pays musulmans de nommer une personnalité juive pour prouver qu’il n’existe pas d’antisémitisme. C’est cas récemment du ministre juif tunisien Trabelsi.
Les Juifs iraniens n’en sont pas à porter l’étoile jaune mais les entreprises non musulmanes, restaurants et supermarchés en particulier, doivent afficher des panneaux signalant que des «impurs» exploitent ces établissements, une manière de les montrer du doigt, voire les boycotter.
Synagogue Yousuf  Abad à Téhéran

Moins harcelés que les Bahaï, les Juifs, nommés «peuple du livre» dans la Constitution, sont autorisés à pratiquer et les nombreuses restrictions imposées il y a plusieurs années ont été levées ou supprimées. La communauté s’est rétrécie alors que le régime était conscient de la valeur des citoyens juifs pour son statut international. Les Juifs étaient l’alibi pour que l’Iran puisse prétendre à la qualification de «démocratie islamique». Cela explique que leurs oppresseurs devenaient moins zélés et plus pragmatiques. L’autorisation de sortie a été rétablie progressivement une fois que les mesures économiques ont été prises par le gouvernement. L’existence d’une communauté juive était une nécessité car elle attestait que l'Iran est plus pluraliste que l’Arabie saoudite. Les Juifs iraniens restent ainsi dévoués à leur patrimoine et maintiennent leur présence en Iran comme s’ils vivaient avec un peuple laïc. 
Malgré les tensions entre Israël et l’Iran, les Juifs croient se sentir en sécurité en Iran. Selon le président de l’Association nationale des Juifs d’Iran, Humayun Sameyah : «Les Juifs d’Iran peuvent pratiquer en toute liberté leurs mœurs et coutumes religieuses. Ils ne font face à aucune sorte de pression. Nos synagogues ici sont plus sûres qu’aux États-Unis ou en Europe. Le gouvernement iranien nous soutient». Ces déclarations sont évidemment suspectes dans un régime coercitif. Il est vrai cependant que l’Iran compte 65 synagogues, un hôpital juif de 100 lits et un cimetière juif créé en 1933, tandis qu’à Téhéran, il y a une bibliothèque comprenant 20.000 ouvrages en hébreu et de nombreux restaurants Kasher. «Benyamin Netanyahou et les antijuifs ont besoin l’un de l’autre : ils se fournissent mutuellement ce dont ils ont besoin : l’intolérance et la haine», a déclaré Siamak Moreh Sedgh, représentant les Juifs au Parlement iranien.


Humayun Sameyah pose devant le mémorial juif

Beaucoup de raisons maintiennent les Juifs en Iran mais pas uniquement pour leur «bonne vie».  Les Juifs ne s’opposent pas à leurs compatriotes iraniens, mais se placent à leurs côtés. Il est vrai que la misère se partage et qu’elle atténue le sectarisme. Les citoyens ordinaires sont moins sensibles à la rhétorique antisioniste du régime et se sentent solidaires des minorités contre lesquelles le régime discrimine. Plutôt que de se sentir persécutés par leurs compatriotes, les Juifs se sont liés à eux en refusant le statu quo.
Mais il n’est pas sûr qu’ils aient la parole libre. En effet le département d’État américain s’est plaint de discriminations contre les Juifs en Iran. Selon son étude, les Juifs ne peuvent pas occuper des postes élevés au sein du gouvernement et sont empêchés de siéger dans la magistrature et les services de sécurité et de devenir chefs d’établissement public. L’étude indique que les citoyens juifs sont autorisés à obtenir des passeports et de voyage à l’extérieur du pays, mais souvent ils se voient refuser le permis de sorties multiples normalement délivré aux autres ressortissants.
Après la révolution, certains ont émigré surtout aux Etats-Unis, moins de 1% sont allés en Israël. Étonnamment, les Juifs iraniens ont l’un des taux d’assimilation et de mariages mixtes les plus faibles des communautés juives à travers le monde, 2%. Une majeure partie de la population juive iranienne réside en Israël, à l’instar de l'ex-président d'Israël Moshe Katsav, du ministre de la Défense et ancien chef d'État-major Shaoul Mofaz, de la popstar israélienne Kobi Shimoni, et de la chanteuse Rita.
On ne peut pas en vouloir aux Juifs iraniens de rester dans leur pays car une transplantation dans un pays étranger est toujours dramatique. Mais leur sécurité tient au bon vouloir des autorités locales qui pourraient les utiliser comme otages en cas de conflit irano-israélien ou tout simplement comme boucliers humains placés dans des endroits stratégiques. Les Juifs ne doivent pas attendre que leur situation empire pour s'expatrier.

4 commentaires:

2 nids a dit…

soit, mais s'expatrier demande des finances...et si l'on suit la voie "normale", les Iraniens Juifs n'ont pas d'autorisation de sortir du pays...alors..?
(les images que vous avez mis sur cet article n'apparaissent pas, ça reste blanc..dans le cadre..)

Jacques BENILLOUCHE a dit…

@ denis

Pas de problèmes chez plusieurs lecteurs. Les photos étant très lourdes, il se pourrait que les téléphones portables ne puissent pas les afficher. Il faudrait tester avec un ordinateur.

2 nids a dit…

Suis pourtant sur mon ordinateur...mais aussi en bas débit...comme mon opé c'est Free, il passe par Orange alors comme on dit : "la dernière roue de la charrette", surtout dans la " cambrouse.."
ça y est j'ai les images..merki..

bliahphilippe a dit…

Crtitiquer le pouvoir actuel des mollah parce qu'aucun juif ne siége à l'executif iranien c'est comme demander à Laval de siégier aux cotés d'un président de la communauté juive !
Goguenard, je relève par ailleurs une lapalissade fort intéressante contredite par les lecons jamais retenues de l'histoire :" Les Juifs ne doivent pas attendre que leur situation empire pour s'expatrier."
M'enfin, vous savez bien que vous allez contre la nature des juifs ! A leur sujet un humouriste disait que ceux-ci ouvrent leur parapluie seulement aprés l'orage", et encore aprés une pneumonie.