LA SYRIE,
PAYS CLÉ POUR L’IRAN ET LA RUSSIE
Par
Jacques BENILLOUCHE
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La Syrie représente une importance
stratégique pour Téhéran au point de voir les Iraniens dilapider d’importantes sommes dans le
cadre de leur soutien financier. Le conflit syrien coûte entre six et douze
milliards de dollars par an alors que, parallèlement, la population iranienne souffre
du chômage et de l’augmentation du coût de la vie. La présence iranienne en
Syrie date officiellement de 2014 tandis que Bachar al Assad reconnaît qu’elle lui
a assuré la stabilité politique et les succès militaires. Cependant il est
légitime de se poser la question pourquoi l’Iran a jeté son dévolu sur la Syrie
sunnite.
Gardiens iraniens |
Des
soldats et des officiers des Gardes révolutionnaires, au nombre de 3.200 au
moins, appuyés par des mercenaires afghans et pakistanais sont engagés aux
côtés du régime. Ils constituent le plus fort contingent après celui de la
Russie. Aux 4.500 miliciens du Hezbollah libanais, contrôlés et financés par
l’Iran, s’ajoutent divers groupes chiites à l’instar des anciennes brigades de
défense populaires et des unités de mobilisation des peuples (PMU), les Hachd
al-Chaabi, une coalition paramilitaire de milices en majorité chiites formée en
2014 pendant la seconde guerre civile irakienne.
Hachd al-Chaabi |
L’intérêt
de l’engagement iranien en Syrie n’avait pas été perçu au départ ; il
n’était pas directement lié à Assad. En fait l’Iran poursuivait plusieurs
objectifs, en particulier celui d’établir des moyens de communication pour
soutenir logistiquement le Hezbollah au Liban qui représente le véritable
danger stratégique pour Israël sachant que les hauteurs du Golan sont bien
sécurisées. D’autre part, la vallée de l'Euphrate, riche en gisements pétroliers,
doit échapper à la mainmise des États-Unis et de ses alliés. L’Iran devait donc
absolument réaliser le lien stratégique pour transiter en Irak afin de
rejoindre Aleppo. Certes une autre voie est disponible en pénétrant le désert
syrien depuis Deir ez-Zor jusqu’à la province de Hasakah. C’est pourquoi des
forces paramilitaires chiites ont été envoyées dans la région entre Tanaf et
Deir ez-Zor. Enfin les Pasdaran, les Gardiens de la révolution, traitent directement avec les tribus sunnites installées
entre Hasakah et Aleppo.
La
Russie ne voit pas d’un bon œil l’implication grandissante des Iraniens en
Syrie même si elle soutient les opérations iraniennes avec sa force aérienne. Elle
contrôle de près la pénétration des structures militaires iraniennes dans
l'État syrien. Elle veille à bloquer l'influence de l'Iran en participant à la
création d’une cinquième division de l'armée arabe syrienne afin d’absorber sous
commandement syrien toutes les forces pour éviter qu’elles ne deviennent des
pions iraniens dans le désert syrien. Cependant au sein de cette Cinquième
division, les différentes milices ont maintenu leur autonomie tactique et
stratégique ce qui donne aux Iraniens un droit de regard iranien sur le contrôle
du territoire et des forces armées syriennes.
Face
au désengagement des Etats-Unis et des Européens, la Russie n’a pas d’autre
solution que de soutenir l'Iran en Syrie et en Irak pour exploiter son
potentiel contre les États-Unis et pour neutraliser les ambitions turques sur
la Syrie. Malgré les séances de photos trompeuses, ce n’est pas le grand amour entre
Poutine et Erdogan qui vivent une situation de méfiance réciproque. Les Russes
ont choisi cette stratégie contre les Kurdes qui se sont transformés en armée
pro-occidentale, chargée de surveiller les opérations turques en Syrie, en accord
tacite avec la Russie. Les États-Unis se sont engagés à défendre le groupe
kurde YPG, unités de protection du peuple, la branche armée du Parti de l'union
démocratique (PYD) syrien. YPG, créé en 2011 lors de la guerre civile syrienne,
est une organisation considérée comme terroriste par la Turquie, ayant pour
rôle uniquement de contrer les objectifs turcs.
Brigade YPG |
De
leur côté l'Iran et la Russie veulent contrôler toutes les frontières
syriennes, y compris celles avec la Turquie où les forces américaines
d'interposition stationnent. Dans le cadre de sa politique de désengagement, il
est improbable que Washington envoie d'autres troupes pour freiner l'expansion
iranienne ; au contraire les Etats-Unis ont prévu de se retirer totalement
de la région syro-irakienne.
La logique de la présence russe en Syrie est beaucoup plus complexe qu'on ne le croit a priori. La Russie n’est pas uniquement chargée de soutenir Bachar Al Assad. Elle a placé la guerre contre Daesh comme élément fondamental pour y justifier sa présence. Elle tenait à être mieux vue par le monde arabe pour renouer des relations nouvelles avec les pays inféodés jusqu’alors avec les Etats-Unis. Elle voulait éradiquer le danger immédiat, le djihad, qui menaçait sa présence en Syrie. La présence de la Russie avait pour but de lutter contre la cantonisation de la Syrie, acceptée par les Occidentaux pour s’acheter une paix à bon marché et une bonne conscience. L'objectif principal de la Russie reste bien sûr son implantation dans son propre port en Méditerranée.
Cantonisation |
Cette politique de division du pays risquait de développer de nombreuses
bases de missiles, des points de fixation de terroristes et même un risque
naval qui mettraient en danger les intérêts russes en Méditerranée et au Moyen-Orient.
Les Russes ont fait preuve d’un certain égoïsme face à Assad qu’ils n’apprécient pas outre mesure. Cela explique leur passivité à l’égard des
actions militaires israéliennes tant qu’elles ne touchent ni leurs bases et
ni leur armée. Ils sont présents pour défendre leurs propres intérêts militaires
dans la région et moins ceux d’un clan arabe en qui ils n'ont pas confiance.
La Syrie est un élément clé pour l'Iran et la Russie mais chacun des pays a ses propres raisons qui ne se recoupent pas.
La Syrie est un élément clé pour l'Iran et la Russie mais chacun des pays a ses propres raisons qui ne se recoupent pas.
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