L’ACCORD
AVEC L’IRAN NEUTRALISE ISRAËL PENDANT SIX MOIS
Par Jacques
BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
Barack Obama et les Occidentaux vont
peut-être réussir à neutraliser Israël pendant les six mois que dure l’accord intérimaire
avec l’Iran. Sauf à se couper des États-Unis et des nations européennes, Benjamin
Netanyahou ne pourra pas intervenir contre les usines nucléaires iraniennes pendant cette période.
William Hague |
D’ailleurs
une mise en garde ferme du ministre des affaires étrangères, William Hague, vient
d’être lancée par la Grande-Bretagne qui «décourage quiconque, y compris
Israël, de prendre des mesures pour saper l’accord et
nous le ferons savoir très clairement à toutes les parties concernées».
Entré dans le rang
Le
premier ministre israélien avait en effet déclaré qu’il ne se sentait pas lié
par cet accord qu’il qualifie «d’erreur historique». Mais William Hague
s’adressait aussi à l’Arabie saoudite qui avait affiché des préoccupations très
légitimes au sujet du programme nucléaire iranien. En effet Nawaf Obaid, conseiller
principal de la famille royale, avait accusé les Alliés de tromper le royaume et
confirmé que «l’Arabie suivrait une politique étrangère indépendante». Il
s’agissait en fait, entre les lignes, d’une menace voilée sur l’approvisionnement
de pétrole aux Occidentaux.
Le
roi d’Arabie avait en effet été choqué par la méthode, plus que par l’accord, car
il n’avait pas été informé des négociations qui avaient déjà commencé depuis
plus de six mois, dans le plus grand secret. Mais il est vite rentré dans le rang
puisque l’agence de presse saoudienne a diffusé un communiqué du gouvernement
saoudien estimant que «l'accord
de Genève conclu entre les puissances internationales et l'Iran représentait
une solution complète au litige sur le nucléaire iranien». Le cabinet a
souligné que cet accord était le bienvenu car il contribue à maintenir
l'absence d'armes de destruction massive, y compris d'armes nucléaires, dans la
région du Moyen-Orient et des pays du Golfe.
Ainsi
ceux qui avaient rêvé d’une action concertée entre Israël et l’Arabie saoudite
contre l’Iran en seront pour leurs frais, en particulier le journal britannique Sunday Times qui a été vite en besogne. En tout état de cause, rien ne
laissait présager officiellement une coopération bilatérale alors que l'Arabie conditionne ses relations avec Israël à la résolution du conflit palestinien. C’est donc un allié putatif qui rejoint ceux qui ont fait le choix
de s’appuyer sur la bonne volonté iranienne. Ainsi au terme de cet accord sur
six mois, l'Iran doit cesser certaines de ses activités nucléaires et recevoir
en contrepartie quelque 7 milliards de dollars d'allègement de sanctions.
Illusion française
La France
qui n’a certes pas adressé de mise en garde à Israël, est convaincue qu’Israël
ne lancera pas d’attaque contre l’Iran «à ce stade parce que personne
ne comprendrait une telle décision» selon Laurent Fabius. De son côté, le
ministre Youval Steinitz, a réuni à Jérusalem les ambassadeurs de l’Union
Européenne qui ont tenté de calmer ses craintes : «Nous avons la
sécurité d'Israël très à cœur».
Pour l’heure, le texte paraphé à Genève n’est qu’un accord intermédiaire d’une durée de six mois, qui, s’il est respecté, pourra éventuellement aboutir à un accord global. Mais la date de sa mise en application n’est pas encore connue et le volet de l’allègement des sanctions n’est pas encore convenu.
Pour l’heure, le texte paraphé à Genève n’est qu’un accord intermédiaire d’une durée de six mois, qui, s’il est respecté, pourra éventuellement aboutir à un accord global. Mais la date de sa mise en application n’est pas encore connue et le volet de l’allègement des sanctions n’est pas encore convenu.
La déception
est cependant grande en ce qui concerne la position de la France qui a donné
lieu à plusieurs interprétations. Certains milieux israéliens pensaient que la France
était prête à bombarder l'Iran, d’où la désillusion lorsque qu’elle a signé l’accord.
Ils avaient pris leurs désirs pour une réalité trompeuse.
Le
rêve éveillé a commencé avec la visite de François Hollande qui a fait espérer la création d’un «front uni Arabie/France/Israël contre le nucléaire iranien».
Il s’agissait d’une interprétation un peu abusive d’une éventuelle réponse
franco-saoudo-israélienne à la nouvelle politique américaine au Moyen Orient. L’étape
à franchir était toute tracée ; elle devait consister à lancer une
éventuelle action militaire contre le nucléaire iranien.
Le raisonnement était pourtant fluide. Le peuple américain ne veut plus d'une nouvelle guerre et refuse donc l'option militaire contre l'Iran. François Hollande et Benjamin Netanyahou étaient donc tentés de remplir le vide américain en débattant des modalités d’une intervention contre l’Iran. En fait, il semble que les Américains aient exploité cette éventualité d’une intervention commune israélo-française pour faire plier les Iraniens lors des négociations de Genève. Exit donc une nouvelle campagne de Suez bis.
Le raisonnement était pourtant fluide. Le peuple américain ne veut plus d'une nouvelle guerre et refuse donc l'option militaire contre l'Iran. François Hollande et Benjamin Netanyahou étaient donc tentés de remplir le vide américain en débattant des modalités d’une intervention contre l’Iran. En fait, il semble que les Américains aient exploité cette éventualité d’une intervention commune israélo-française pour faire plier les Iraniens lors des négociations de Genève. Exit donc une nouvelle campagne de Suez bis.
J'ai promis de vous défendre, je tiens ma promesse |
Suspense cousu de fil blanc
L’unanimité
affichée par les pays occidentaux, qui croient avoir évité une guerre sur fond
de nucléaire en signant un accord avec l’Iran, masque en fait une évolution
lente planifiée à la fois par Barack Obama et par les Iraniens. Cet accord
signé dans un suspense cousu de fil blanc, lors d’une nuit de négociations, est
un voile de fumée sur ce qui se tramait en coulisses depuis plusieurs mois dans
le cadre de négociations secrètes. La dramatisation artificielle relevait d’un
scénario cinématographique digne des meilleures productions hollywoodiennes
pour donner l’impression que les Occidentaux n’avaient rien lâché et que les
Iraniens avaient reculé.
Ali Khamenei |
Les
ficelles étaient en fait tirées par le vrai détenteur du pouvoir en Iran, le Guide
suprême Ali Khamenei qui, pragmatique, avait compris que l’Iran allait à sa
perte s’il persistait dans une rivalité avec les pays occidentaux. L’économie
était au plus bas et les marges de manœuvre réduites pour éviter une explosion
du peuple, avec à la clé un printemps iranien qui couvait depuis plusieurs
mois.
Le
scénario semblait bien huilé après la décision de pousser la candidature
d’Hassan Rohani avec l’imprimatur évidente du Guide suprême. Tout a été fait
par le régime pour obtenir son élection dès le premier tour. Les propos d’Ali
Khamenei en février 2013 constituaient déjà un appel au dialogue sincère sous
réserve que les droits légitimes de l'Iran soient entièrement reconnus : «L'appel
au dialogue de la part des Américains n'est pas chose nouvelle et les
États-Unis ont réitéré cet appel à des moments différents. À chaque fois, cet
appel a été jaugé à l'aune des démarches qu'ils ont effectivement entreprises.
Le dialogue est destiné à faire preuve de bonne volonté. Or les politiques américaines
à l'égard de l'Iran sont dictées par la mauvaise foi, et ceci cadre mal avec
cette apparente volonté de dialogue. Est-ce que la nation iranienne peut
vraiment croire que vous êtes de bonne foi, cette fois ?»
Ce
discours avait été perçu comme une base de discussion fondée sur le droit des
pays à enrichir de l'uranium. Barack Obama a pris la balle iranienne au bond et
il a, dès l’arrivée de Hassan Rohani au pouvoir, lancé une négociation secrète
à la barbe des Occidentaux qui se sont vus imposer un accord à la sauce
américaine.
Par ce contrat l’Iran évitera l’assèchement
de ses ventes de brut qui aurait pu intervenir si de nouvelles sanctions
étaient appliquées. Les restrictions sur les achats de brut sont maintenues à
un million de barils par jour avec un manque à gagner de 4 milliards de dollars
par mois. La monnaie locale va trouver une stabilisation alors qu’elle avait
perdu la moitié de sa valeur en dix-huit mois.
Mais l’interdiction faite aux banques internationales d’orchestrer les
paiements avec l’Iran reste néanmoins en vigueur. L’Iran pourra cependant utiliser
l’or de ses réserves comme monnaie d’échange.
La France
y trouvera son compte puisque les sanctions sont levées
pour la plus importante industrie automobile du Moyen-Orient, Peugeot et
Renault. Les sanctions sont également levées pour l’entretien des avions
commerciaux. Les compagnies iraniennes ont accès à nouveau aux contrats
d’entretien et aux pièces détachées Boeing.
Benjamin
Netanyahou voit donc s’éloigner les possibilités d’intervention contre l’Iran
car, dans la solitude diplomatique dans laquelle il se trouve, il est contraint
à l’inaction pendant six mois. Le temps pour l’Iran de progresser dans son projet
d’arme nucléaire ou alors de renoncer définitivement à ses options belliqueuses
et de relancer son économie grâce à des projets de restructuration du pays avec l’ensemble
des entreprises occidentales avides de retrouver un marché porteur.
Israël ne pourra obtenir que des séances d'explications approfondies avec les Etats-Unis. Le
premier ministre israélien a informé la Knesset de l’évolution de la situation :
«J'ai parlé avec le président Barack Obama et nous sommes convenus que dans
les prochains jours, une délégation conduite par le conseiller à la Sécurité
nationale Yossi Cohen se rendra aux États-Unis pour discuter de l'accord final
avec l'Iran». Palabres certes mais inaction forcée.
1 commentaire:
80 millions de consommateurs potentiels, est une jolie prise pour les grandes societes occidentales. les chefs d'entreprises preferent toujours les contrats au bla bla des politiques. vision de courte vue mais vision actuelle, qui ne facilite pas les grands problemes de securité, qui eux demandent du temps et des garanties.
tant que le guide supreme est en place, il reste un danger. je n'ai aucune confiance en Khameini.
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