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mercredi 5 septembre 2012

ÉGYPTE : ISLAMISME RADICAL ET ÉCONOMIE


ÉGYPTE : ISLAMISME RADICAL ET ÉCONOMIE

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps

Morsi et El-Sissi ministre de la défense

L’islamisme radical gagne du terrain en Égypte mais le régime agit avec discrétion et doigté. Il ne s’agit pas de brusquer la population qui garde encore une certaine méfiance à l’égard des Frères musulmans. Sous son aspect bon enfant, Mohamed Morsi poursuit sournoisement l’islamisation de son régime mais il ne perd pas de vue la nécessaire réorganisation des finances publiques. Il a d’ailleurs persuadé le Hamas d’en faire autant en lui conseillant de nommer sept ministres dans le domaine économique et financier.


Purges

Après avoir décapité l’armée et muselé la presse, il pousse à présent ses pions dans l’organisation administrative du pays afin de quadriller les régions pour purger et éliminer les cadres de l’ancien régime. Ainsi, il a attribué plusieurs postes de gouverneur provincial à des Frères musulmans. Dix nouveaux gouverneurs ont été désignés, fort probablement en raison de leur appartenance politique plutôt que de leurs compétences.
Les provinces de Minya, de Kafr El-Cheikh et de Manoufia auront à leur tête des militants islamistes connus qui avaient défié le régime de Moubarak. Ces personnalités auront pour rôle de relayer les décisions prises au sommet de la confrérie. Trois autres gouverneurs ne sont pas des membres affichés des Frères mais des sympathisants du mouvement islamique. Le nouveau gouverneur du Caire, Osama Kamal, universitaire et vice-président du syndicat des ingénieurs, fait partie des Frères musulmans.
Pour calmer les appréhensions de l’armée et dans un objectif d’efficacité sécuritaire, trois généraux prendront les fonctions de gouverneurs à Suez, dans le nord-Sinaï et sur la Mer Rouge, dans des zones sensibles où l’organisation militaire est à revoir et à réorganiser.


Ainsi Saad al-Husseiny, a été nommé gouverneur de Kafr el-Cheikh, dans le delta, un bastion traditionnel des Frères. Il était secrétaire du budget de l'Assemblée populaire et porte-parole parlementaire du Parti de la Justice, de la Confrérie.
Monufiya, la ville natale des deux derniers présidents et bastion de l'ancien régime, a été donnée à Mohamed Bashir, membre du Bureau d'orientation des Frères. 
    Le général d’armée Abdel Fattah Harhour dirigera le Sinaï. Le gouvernorat de la mer Rouge, à la frontière de l’Arabie saoudite et de la Jordanie, est maintenant dirigé par le général Mohamed Kamel, tandis que Suez, le foyer critique du canal, est confié au Général Samir Ajlan. 

Il semble que Mohamed Morsi ait voulu donner des gages à Israël et aux États-Unis pour calmer leurs inquiétudes et pour prouver qu’il était prêt à en découdre avec les terroristes du Sinaï.

Changement économique


Mais cette réorganisation implique de satisfaire les besoins d’une population qui, après le changement politique, attend les dividendes économiques car sa situation est dramatique. C’est pourquoi le président égyptien veut quitter son dogmatisme politique pour consolider son régime grâce à une relance économique qui lui donnera une crédibilité auprès de toutes les classes de la population. 
Morsi et Ahmadinejad
Il a d’abord fait preuve de modération à la Conférence du Mouvement des non-alignés à Téhéran où il est apparu comme un adversaire acharné de Bassar Al-Assad et comme un sage en opposition avec les intentions guerrières de l’Iran. Ensuite, il a compris qu’il devait frapper à toutes les portes, sans distinction politique et sans exclusive, s’il voulait se maintenir au pouvoir.
Il a donc fait appel au FMI pour recevoir une aide concrète pour relancer une économie en berne depuis la révolution. Mais il devra au préalable accepter des réformes de structure et une transition vers la démocratie. Ce dernier point semble pour l’instant douteux car Morsi est sous surveillance de ses amis de la Confrérie. En effet, à leur arrivée au pouvoir, les Frères musulmans avaient rejeté toute aide extérieure parce qu’elle ne pouvait être conditionnée que par des concessions politiques.

Pragmatisme

 Mais le pragmatisme de Mohamed Morsi semble avoir convaincu ses amis qu’il n’avait pas d’autre choix pour combler l’énorme déficit de son budget, pour stopper la baisse des réserves de change, pour financer l’éducation nationale et pour lutter contre le chômage. L’aide internationale est donc incontournable. Un prêt de 4,8 milliards de dollars lui a été consenti par le FMI à échéance de la fin d’année.
Morsi et Hu Jintao
Son premier voyage à l’étranger était d’ailleurs purement économique. Il attend de la Chine une aide à la hauteur du grand pays arabe qu’est l’Égypte. Il a immédiatement reçu un prêt de 200 millions de dollars et signé des accords différents concernant l'agriculture, l'environnement et les télécommunications. Le militant islamiste pur et dur est devenu ainsi un envoyé économique conciliant.
Il attend de Barack Obama un plan d’aide conséquent car il ne pourra pas couvrir la dette de 3 milliards de dollars vis-à-vis des États-Unis. Le président américain semble lui avoir offert immédiatement un milliard de dollars en allégement de cette dette qui sera versé par un transfert en espèces au Trésor égyptien. Il lui a également offert 375 millions de dollars en garanties de prêt et de financement pour les entreprises américaines et les banques qui investissent en Égypte. Enfin il a mis un fond de 60 millions à la disposition des égyptiens qui voudront investir dans de nouveaux projets.
Barack Obama attend en échange que l’Égypte s’engage dans une voie démocratique et qu’elle respecte le traité de paix signé avec Israël en 1979. Ces conditions lui ont été imposées par le Congrès qui pourrait, le cas échéant, s’opposer à ces aides et surtout à l’aide militaire triennale de 1,3 milliards de dollars à l’armée.
Nouvel ambassadeur égyptien en Israël
Mohamed Morsi a donc compris l’importance des finances sur l’idéologie et il semble étonner les chancelleries occidentales qui s’attendaient à des relations conflictuelles ou guerrières avec celui qui a été désigné par la Confrérie comme candidat de substitution et qui s’avère avoir beaucoup de talent et de charisme. Israël suit la situation avec philosophie et l’envoi d’un nouvel ambassadeur égyptien à Tel-Aviv est perçu comme une évolution favorable des relations bilatérales.

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