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jeudi 27 septembre 2012

MOHAMED DAHLAN SE REPLACE SUR LA SCÈNE POLITIQUE


MOHAMED DAHLAN SE REPLACE SUR LA SCÈNE POLITIQUE
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps

Mohamed Dahlan

Alors que les négociations israélo-palestiniennes piétinent et que Benjamin Netanyahou rejette tout plan de paix de Barack Obama, une personnalité palestinienne de premier plan refait surface sur la scène politique. Mohamed Dahlan avait été, durant plusieurs années, haut responsable de la sécurité de l’Autorité palestinienne.




Combattant du Fatah

En tant que combattant du Fatah, il a été plusieurs fois incarcéré dans les prisons israéliennes où il a appris couramment l'hébreu ce qui lui facilite les contacts avec le gouvernement israélien. Longtemps homme fort à Gaza, il est considéré comme un habile politicien et un rempart contre les islamistes. Il avait été sacrifié sur l’autel de la réconciliation avec le Hamas et avait été contraint à l’exil en Jordanie en 2011.
Haniyeh, Abbas et Dahlan

Sa disgrâce avait été imputée aux violentes attaques contre Mahmoud Abbas qui «ne reconnait ni le droit et ni la morale et qui se sent au-dessus de la loi. Il tente de dissimuler ses échecs politiques. Le Fatah a perdu Gaza, le parlement et même les élections municipales. Nous sommes devenus sans horizon politique et il n'y a aucun espoir pour les palestiniens. Nous sommes dans une situation pathétique». Mais en fait, il contestait son leadership et il semble que le conflit ait eu des origines financières le jour où Dahlan avait exigé des explications sur les 1 à 2 milliards de dollars du Fonds d’investissement palestinien, envolés à la mort de Yasser Arafat, et qui auraient été transférés en 2005 à Mahmoud Abbas.

Dahlan piaffe d’impatience
Ehoud Olmert, Mohamed Dahlan et Shaoul Mofaz

Mohamed Dahlan, symbole de la collaboration arabo-américano-israélienne, rêvait d’occuper le poste de vice-président qu’il n’a jamais obtenu. Il sort à présent de l’ombre car il sent que la situation pourrait tourner en sa faveur devant la montée des mécontentements à la fois en Cisjordanie et à Gaza. Pour la première fois dans la bande de Gaza, au moins 500 manifestants ont appelé le 26 septembre au renversement du gouvernement du Hamas en scandant : «Le peuple veut la chute du régime». Par ailleurs le retrait de la vie politique du très charismatique leader du Hamas, Khaled Mechaal, lui laisse une voie libre.
Après avoir gardé le silence, il a publié plusieurs communiqués. Le 23 septembre il a accusé le Hamas de se présenter comme «seul représentant du peuple palestinien et de vouloir éliminer le Fatah et l’OLP de la scène internationale».
Mahmoud Abbas à l'ONU

Le 26 septembre il a estimé que Mahmoud Abbas devrait présenter un projet de résolution à l'Assemblée générale des Nations Unies à la place d'une demande pour que la Palestine soit reconnue comme un État non membre : «Une année s'est écoulée depuis la première proposition soumise au Conseil de sécurité des Nations Unies en Septembre 2011. L’Autorité a manqué une occasion de présenter une autre proposition l’an dernier à l'Assemblée générale malgré le soutien arabe et international».  Mohamed Dahlan a ajouté que «si un projet de résolution n'est pas mis aux voix immédiatement lors de l'Assemblée générale des Nations Unies, alors cela aidera Israël à imposer sa vision d'un État palestinien provisoire, et offrira la possibilité au Hamas d’annoncer la création d’un émirat dans la bande de Gaza».
L’ancien homme fort de Gaza, sous le règne d’Arafat, ne perd pas espoir de reprendre le contrôle de la région qu’il dirigeait d’une main de fer. Il ne cesse de réclamer auprès des américains et des israéliens le droit et les moyens pour traverser la frontière égyptienne avec ses troupes. Il espère obtenir l’aval des égyptiens car il pense être capable, avec ses miliciens, d’éradiquer le Djihad islamique au Sinaï et d’en découdre avec le Hamas en entrant en force à Gaza par la frontière de Rafah.
Répression du Hamas par le Fatah

Il avait été qualifié comme l’homme à la fois de la CIA et du Mossad tant il était proche des occidentaux. Les rumeurs semblent avoir été plusieurs fois fondées. Vanity Fair avait révélé en 2008 qu’il avait rencontré George W. Bush pour obtenir que la CIA finance un coup d’État avorté contre le Hamas. Cette structure paramilitaire, soutenue par les américains, est encore en place en Cisjordanie. Dahlan est tellement impliqué avec les israéliens qu’il aurait convaincu Mahmoud Abbas et le premier ministre Salam Fayyad d’utiliser le Shin-Bet israélien, service de sécurité intérieure, pour leur protection lors de leur déplacement durant sa période d’exil.
Mohammed Nazal, membre du bureau politique du Hamas, l’accuse officiellement de travailler pour les services de renseignements israéliens en expliquant que Dahlan a chargé certains de ses agents du Fatah de recueillir des informations détaillées sur les membres du Hamas à Gaza et, en particulier, de déterminer le lieu de leur résidence. Les israéliens s’en servent ainsi pour envoyer leurs missiles avec efficacité. Ces preuves de collaboration expliquent pourquoi les tentatives égyptiennes de réconcilier le Fatah et le Hamas sont vouées à l’échec. Le Fatah a bien signé un accord en octobre 2009 mais le Hamas s’est refusé à le faire car il ne pouvait pas accepter l’intégration des forces armées du Hamas dans celles de l’Autorité palestinienne.

Envahir Gaza
Mahmoud Abbas et Khaled Mechaal

Les motivations de Dahlan sont nationalistes. Il agit parce qu’il est convaincu que le régime de Gaza nuit aux intérêts des palestiniens. Il sait que la partition entre la Cisjordanie et Gaza satisfait les israéliens et les américains qui, grâce à cette scission, arrivent à mieux peser sur les palestiniens. Il est d’ailleurs rejoint dans son analyse par le politologue Ibrahim Ibrash, résidant à Gaza : «Beaucoup de pays arabes ont commencé à réaliser le risque engendré par la séparation de Gaza de la Cisjordanie.». Il justifie donc son activisme pro-occidental par la nécessité de donner à l’Autorité les moyens financiers et militaires pour étendre son pouvoir à Gaza. 
Par certains côtés, Dahlan reste un illuminé. Des sources du renseignement israélien affirment qu’en tant que ministre, il avait présenté à son comité central un plan d’invasion de Gaza pour restaurer le pouvoir de l’Autorité palestinienne. Il avait prétendu que plusieurs pays européens et arabes approuvaient son initiative puisqu’ils acceptaient de former ses troupes pour la réussite de la mission. Il collabore donc avec les experts sécuritaires jordaniens, israéliens et même égyptiens. Son plan répartit d’ailleurs les tâches qui impliqueraient aussi Israël. La Jordanie est supposée devenir responsable de la formation d’un commando maritime qui attaquerait Gaza par la mer tandis que la frontière serait ouverte à Rafah.
Les occidentaux avaient été sceptiques sur la viabilité d’un tel projet car le coup d’État de 2007 à Gaza fut un échec cuisant et la fuite des généraux du Fatah vers l’Égypte n’avait pas été perçue comme une preuve de courage et une volonté de réussite. Dahlan a donc engagé ses troupes dans une guerre de renseignements contre Al-Qaeda pour s’attirer les faveurs américaines et, contre le Hamas pour convaincre les israéliens qu’il poursuit le même objectif d’éradication du régime de Gaza.
Manifestation de nuit à Gaza

Aujourd’hui il veut reprendre du service face à un président d’Autorité faible et discrédité par son peuple qui, en Cisjordanie et à Gaza, manifeste, non pas pour la liberté, mais pour une amélioration de ses conditions de vie. Dahlan se présente donc en sauveur.

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