LE HAMAS OPTE POUR LA GUERRE… ÉCONOMIQUE
Par
Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
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L’évolution
politique d’Ismaël Haniyeh était déjà perceptible depuis quelques semaines sous
l’influence du président égyptien Morsi dont il partage la même idéologie. Le
chef du Hamas, sur recommandation de l’égyptien, avait mis de l’eau dans son
vin pour tempérer ses ardeurs guerrières. Son premier geste a été d’accepter de
se mettre en retrait face à Mahmoud Abbas, en ne se rendant pas au sommet des
non-alignés à Téhéran.
Par pragmatisme, il avait décidé de s'aligner sur les thèses égyptiennes et s'était, de ce fait, éloigné de la Syrie, en conflit ouvert avec l’Égypte, et par conséquent semble avoir pris ses distances avec l'Iran.
Par pragmatisme, il avait décidé de s'aligner sur les thèses égyptiennes et s'était, de ce fait, éloigné de la Syrie, en conflit ouvert avec l’Égypte, et par conséquent semble avoir pris ses distances avec l'Iran.
Normalisation
des échanges
La
mort des 16 gardes-frontière égyptiens au Sinaï a convaincu l’Égypte de la
nécessité de fermer le réseau de tunnels souterrains qui la relie à la bande de
Gaza. Utilisés dans un sens pour faire entrer des biens en contrebande, ils
servent dans l’autre sens à envoyer des combattants dans le Sinaï, selon
l’Égypte. Les dirigeants égyptiens veulent contraindre le Hamas à normaliser
les échanges uniquement à travers le point de contrôle de Rafah, d’une part
pour canaliser les éventuels terroristes mais d’autre part pour prélever les
taxes et droits de douane que Gaza prélève sur les marchandises. Ghazi Hamad,
vice-ministre des Affaires étrangères du Hamas, estime que la zone de
libre-échange ainsi créée sera le meilleur moyen de «libérer Gaza».
L'ambassadeur égyptien Ataf Salem Sayed al-Ahal |
Mohamed
Morsi a défini l’orientation qu’il comptait donner aux relations avec Israël,
certes froides mais certainement pacifiques. Il vient d’ailleurs de nommer le nouvel
ambassadeur égyptien en Israël, Ataf Salem Sayed al-Ahal, en remplacement de Yasser Rida, qui présentera
le 17 octobre ses lettres de créance au président Shimon Pérès. Les
observateurs politiques avaient déjà enterré le traité de paix de 1979 et
avaient prédit un nouveau conflit qui ne semble pas programmé. L’Égypte n’a pas
l’intention de freiner sa coopération étroite en matière de sécurité avec
Israël dans le Sinaï et cette conception a été intégrée par le Hamas.
Normalisation
Gaza
souffrait de la fermeture de la frontière avec l’Égypte. Certes le poste-frontière
israélien de Kerem Shalom permet la circulation des marchandises sous certaines
restrictions sécuritaires mais Haniyeh souhaite rétablir l’accord de libre
échange à travers Rafah qui avait été suspendu en 2006 à la suite de l’accession au pouvoir
du Hamas. En bloquant les tunnels, l’importation de carburant et de matériaux
de construction aurait, depuis, diminué de 30 et 70 % respectivement entrainant
des coupures d’électricité allant jusqu’à 16 heures par jour. Les égyptiens
veulent normaliser l’accès de Gaza aux biens et à l’énergie mais avec
l’objectif de redonner une vie normale à la population et de permettre aux palestiniens
de Gaza de pénétrer librement dans les zones industrielles égyptiennes pour y
trouver du travail.
Mais
il faudra au préalable convaincre l’Autorité palestinienne qui soutient
l’initiative de l’Égypte de fermer les tunnels, parce qu’ils «servent des
intérêts privés et ceux d’une petite catégorie de parties prenantes». Elle
s’élève en particulier contre la nouvelle caste d’un millier de millionnaires
qui vivent du racket des tunnels en laissant passer 700 millions de dollars de
bien chaque année, dont 13.000 voitures de contrebande.
Lien
avec la Cisjordanie
Mais,
malgré l’ouverture planifiée de Rafah, le Hamas tient à maintenir le passage israélien
de Kerem Shalom pour deux raisons. D’une part il ne veut pas dépendre d’un
diktat de l’Égypte et préfère garder les liens maritimes avec le port d’Ashdod
d’où transitent une grande partie des produits d’importation et d’exportation.
Mais sur le plan politique, Kerem Shalom engage la responsabilité d’Israël
envers Gaza et sa fermeture déconnecterait la bande de la Cisjordanie en
contradiction avec la volonté des palestiniens pour rétablir l’unité
palestinienne. Haniyeh craint qu’Israël n’use de cet alibi pour le pousser vers
l’Égypte avec l’idée subliminale que Gaza ne fait pas partie de la patrie
palestinienne.
Salem Fayyed et Mahmoud Abbas |
Dans
cet état d’esprit, le gouvernement de Gaza évolue donc, d’un gouvernement de
guerre à un gouvernement économique. Cela pourrait faciliter les relations avec
Salem Fayyed, premier ministre de l’Autorité, qui a axé sa stratégie uniquement
sur l’indépendance économique de la Cisjordanie. Ismaël Haniyeh a donc décidé de faire appel à sept nouveaux ministres
en expliquant ce remaniement par la mise en œuvre des accords de réconciliation
avec le Fatah. L’objectif final étant de parvenir à un seul gouvernement pour
les deux entités Fatah-Hamas. Il s’est d’ailleurs expliqué : «Nous
avons retardé le remaniement ministériel plusieurs fois pour créer une
atmosphère propice à la réconciliation nationale, mais les vents ont soufflé à
l'encontre de la volonté des navires, et donc la réconciliation a été reportée».
Objectifs
économiques
Le
premier ministre de Gaza veut que son gouvernement s’oriente dorénavant sur des
projets administratifs et de service et qu’il supervise les grands travaux de
construction financés par le Qatar et la Banque de Développement de Djeddah, en
Arabie saoudite. Un nouveau poste de chef du bureau de la supervision
financière et administrative sera créé. Le chef du gouvernement s’est justifié
en faisant allusion aux bouleversements de la région : «il s'agit d'une
procédure normale après presque six années de travail de la part de certains
ministres et afin d'atteindre des buts spécifiques pour la période actuelle». Il
veut en fait injecter du sang neuf en incluant quelques technocrates au sein de
son gouvernement.
Ziad Zhazha, ministre des finances et vice-premier ministre |
La
liste et les attributions des nouveaux ministres confirment l’orientation
purement économique du nouveau gouvernement de Gaza. Les nouveaux entrants sont : Ziad Zhazha,
ministre des finances et vice-premier ministre. Il sera rejoint par un ministre
de la santé, un ministre des travaux publics et du logement, un ministre de la
justice, un ministre du gouvernement local et pour faire bonne mesure un
ministre des dotations islamiques.
Il semble bien que, sous l’égide du
président égyptien Morsi, Gaza ait pris la décision de s’éloigner de la guerre
pour le bien-être de sa population et pour la stabilité du sud d’Israël. Seul
l’Iran pourrait modifier cette stratégie nouvelle.
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