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mardi 4 septembre 2012

LE HAMAS OPTE POUR LA GUERRE… ÉCONOMIQUE


LE HAMAS OPTE POUR LA GUERRE… ÉCONOMIQUE

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
  
Haniyeh et son nouveau ministre des finances
L’évolution politique d’Ismaël Haniyeh était déjà perceptible depuis quelques semaines sous l’influence du président égyptien Morsi dont il partage la même idéologie. Le chef du Hamas, sur recommandation de l’égyptien, avait mis de l’eau dans son vin pour tempérer ses ardeurs guerrières. Son premier geste a été d’accepter de se mettre en retrait face à Mahmoud Abbas, en ne se rendant pas au sommet des non-alignés à Téhéran. 
Par pragmatisme, il avait décidé de s'aligner sur les thèses égyptiennes et s'était, de ce fait, éloigné de la Syrie, en conflit ouvert avec l’Égypte, et par conséquent semble avoir pris ses distances avec l'Iran.



Normalisation des échanges

Haniyeh et Morsi

La mort des 16 gardes-frontière égyptiens au Sinaï a convaincu l’Égypte de la nécessité de fermer le réseau de tunnels souterrains qui la relie à la bande de Gaza. Utilisés dans un sens pour faire entrer des biens en contrebande, ils servent dans l’autre sens à envoyer des combattants dans le Sinaï, selon l’Égypte. Les dirigeants égyptiens veulent contraindre le Hamas à normaliser les échanges uniquement à travers le point de contrôle de Rafah, d’une part pour canaliser les éventuels terroristes mais d’autre part pour prélever les taxes et droits de douane que Gaza prélève sur les marchandises. Ghazi Hamad, vice-ministre des Affaires étrangères du Hamas, estime que la zone de libre-échange ainsi créée sera le meilleur moyen de «libérer Gaza».
L'ambassadeur égyptien Ataf Salem Sayed al-Ahal
 
Mohamed Morsi a défini l’orientation qu’il comptait donner aux relations avec Israël, certes froides mais certainement pacifiques. Il vient d’ailleurs de nommer le nouvel ambassadeur égyptien en Israël, Ataf Salem Sayed al-Ahal,  en remplacement de Yasser Rida, qui présentera le 17 octobre ses lettres de créance au président Shimon Pérès. Les observateurs politiques avaient déjà enterré le traité de paix de 1979 et avaient prédit un nouveau conflit qui ne semble pas programmé. L’Égypte n’a pas l’intention de freiner sa coopération étroite en matière de sécurité avec Israël dans le Sinaï et cette conception a été intégrée par le Hamas. 

Normalisation


Immense tunnel de Gaza

Gaza souffrait de la fermeture de la frontière avec l’Égypte. Certes le poste-frontière israélien de Kerem Shalom permet la circulation des marchandises sous certaines restrictions sécuritaires mais Haniyeh souhaite rétablir l’accord de libre échange à travers Rafah qui avait été suspendu  en 2006 à la suite de l’accession au pouvoir du Hamas. En bloquant les tunnels, l’importation de carburant et de matériaux de construction aurait, depuis, diminué de 30 et 70 % respectivement entrainant des coupures d’électricité allant jusqu’à 16 heures par jour. Les égyptiens veulent normaliser l’accès de Gaza aux biens et à l’énergie mais avec l’objectif de redonner une vie normale à la population et de permettre aux palestiniens de Gaza de pénétrer librement dans les zones industrielles égyptiennes pour y trouver du travail.
Mais il faudra au préalable convaincre l’Autorité palestinienne qui soutient l’initiative de l’Égypte de fermer les tunnels, parce qu’ils «servent des intérêts privés et ceux d’une petite catégorie de parties prenantes». Elle s’élève en particulier contre la nouvelle caste d’un millier de millionnaires qui vivent du racket des tunnels en laissant passer 700 millions de dollars de bien chaque année, dont 13.000 voitures de contrebande.

Lien avec la Cisjordanie

Passage de Kerem Shalom

Mais, malgré l’ouverture planifiée de Rafah, le Hamas tient à maintenir le passage israélien de Kerem Shalom pour deux raisons. D’une part il ne veut pas dépendre d’un diktat de l’Égypte et préfère garder les liens maritimes avec le port d’Ashdod d’où transitent une grande partie des produits d’importation et d’exportation. Mais sur le plan politique, Kerem Shalom engage la responsabilité d’Israël envers Gaza et sa fermeture déconnecterait la bande de la Cisjordanie en contradiction avec la volonté des palestiniens pour rétablir l’unité palestinienne. Haniyeh craint qu’Israël n’use de cet alibi pour le pousser vers l’Égypte avec l’idée subliminale que Gaza ne fait pas partie de la patrie palestinienne.

Salem Fayyed et Mahmoud Abbas
Dans cet état d’esprit, le gouvernement de Gaza évolue donc, d’un gouvernement de guerre à un gouvernement économique. Cela pourrait faciliter les relations avec Salem Fayyed, premier ministre de l’Autorité, qui a axé sa stratégie uniquement sur l’indépendance économique de la Cisjordanie. Ismaël Haniyeh a donc  décidé de faire appel à sept nouveaux ministres en expliquant ce remaniement par la mise en œuvre des accords de réconciliation avec le Fatah. L’objectif final étant de parvenir à un seul gouvernement pour les deux entités Fatah-Hamas. Il s’est d’ailleurs expliqué : «Nous avons retardé le remaniement ministériel plusieurs fois pour créer une atmosphère propice à la réconciliation nationale, mais les vents ont soufflé à l'encontre de la volonté des navires, et donc la réconciliation a été reportée».

Objectifs économiques


Le premier ministre de Gaza veut que son gouvernement s’oriente dorénavant sur des projets administratifs et de service et qu’il supervise les grands travaux de construction financés par le Qatar et la Banque de Développement de Djeddah, en Arabie saoudite. Un nouveau poste de chef du bureau de la supervision financière et administrative sera créé. Le chef du gouvernement s’est justifié en faisant allusion aux bouleversements de la région : «il s'agit d'une procédure normale après presque six années de travail de la part de certains ministres et afin d'atteindre des buts spécifiques pour la période actuelle». Il veut en fait injecter du sang neuf en incluant quelques technocrates au sein de son gouvernement.

Ziad Zhazha, ministre des finances et vice-premier ministre
La liste et les attributions des nouveaux ministres confirment l’orientation purement économique du nouveau gouvernement de Gaza. Les nouveaux entrants sont : Ziad Zhazha, ministre des finances et vice-premier ministre. Il sera rejoint par un ministre de la santé, un ministre des travaux publics et du logement, un ministre de la justice, un ministre du gouvernement local et pour faire bonne mesure un ministre des dotations islamiques. 
Il semble bien que, sous l’égide du président égyptien Morsi, Gaza ait pris la décision de s’éloigner de la guerre pour le bien-être de sa population et pour la stabilité du sud d’Israël. Seul l’Iran pourrait modifier cette stratégie nouvelle.

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