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Ces pages sur le sionisme tunisien sont écrites à la mémoire Victor Haim Benillouche
Ravid qui vient de nous quitter. Il avait fait son Aliah en 1957 à 17
ans, avec son groupe de l’Hanoar Hatsioni en direction du Kibboutz Kfar Darom,
près d’Ashdod. Puis il s'installera à Bat Yam, avec son épouse Judith, fille du journaliste
Félix Allouche.
Haim Ravid (né Victor Benillouche) |
«Les enfants des familles de la bourgeoisie
tunisoise fréquentaient des écoles protestantes. L'école ouverte à Tunis par
l'Alliance israélite universelle en 1878 permit aux familles juives de toutes
les classes sociales d'y envoyer leurs enfants. Tout en faisant une place à
l'histoire juive et à l'enseignement de l'hébreu, celle-ci dispensait les
programmes des écoles françaises. Dès lors s'amorça une évolution de la
population juive qui devait s'amplifier sous le Protectorat français institué
le 12 mai 1881 par le traité du Bardo. Les liens entretenus par la communauté
juive de Tunisie avec celle de Palestine ne se démentirent jamais. L'émergence
du mouvement sioniste en Europe inspira la formation de plusieurs organismes
sionistes : Agoudat Sion, Yoshevet Sion, Terahem Sion qui, en 1920,
s'unifièrent en une Fédération sioniste officielle. Des cours d'hébreu moderne
sont dispensés, et un grand intérêt est manifesté pour les problèmes sociaux,
économiques et politiques vécus par la communauté juive de Palestine. Dès 1929
est créé en Tunisie le mouvement pionnier Hashomer Hatsaïr, suivi, en 1933 du
mouvement révisionniste Betar qui sera appelé à devenir la base de l'impulsion
sioniste future en Tunisie. Désormais, l'émancipation passe aussi par le
sionisme, défendu par des journaux comme La Voix juive et la Gazette d'Israël.
Dès 1945 des jeunes émigrent pour aller grossir les effectifs des pionniers
d'Israël. Après l'Indépendance de l'État d'Israël, l'émigration devient massive
: quelque 25.000 juifs partiront pour Israël entre 1948 et 1955, surtout les
éléments traditionalistes de la population juive tunisienne. Les plus
occidentalisés des classes aisées se dirigeront vers la France». [1]
Le 9
janvier 1911, fut créée à Tunis l’Association sioniste tunisienne qui fut la
première association sioniste d’Afrique du Nord. Au lendemain de la Première
Guerre mondiale on comptait déjà en Tunisie dix-sept associations sionistes
réparties dans onze villes. Ce déploiement montre que le sionisme s’était bien
implanté parmi la population juive et sous des formes diverses illustrées par
les profils de ses militants, dont voici quelques-uns.
Le rabbin Moshé Khalfon Hacohen |
Le rabbin Moshé Khalfon Hacohen 1877-1950
Il est un des rabbins les plus importants de Djerba et du sud
de la Tunisie. Dans une brochure intitulée Guéoulat Moshé ou La
délivrance de Moïse, il prend position en faveur du mouvement sioniste dans les
termes d’un engagement religieux orienté vers le futur. Le rabbin propose
d’édifier les fondements de l’État juif et présente un programme d’action
détaillé couvrant les divers aspects de la construction du pays.
Joseph Brami |
Joseph Brami 1888-1924
Né en 1888 dans le quartier de la
Hara à Tunis, il étudie à la yeshiva du rabbin Shlomo Dana et à l'école de
l'Alliance israélite universelle (AIU). Il devient correspondant du journal sioniste Hatzfira dans lequel il rédige des rapports
sur la vie juive, les activités sionistes et les progrès de l'apprentissage de
l'hébreu en Tunisie.
Aux côtés d'Alfred Valensi et de Jacob
Boccara, Joseph Brami est l'un des fondateurs en 1911 de la première organisation sioniste
légale à Tunis, Agoudat Tsion, qu'il représente au douzième Congrès sioniste en
1921. Rédacteur en chef d'un journal sioniste publié en judéo-arabe à partir de
1913, Kol Tsion (La Voix de Sion), il reproche aux écoles de l'AIU de ne pas enseigner
suffisamment l’hébreu. Secrétaire du grand-rabbin de Tunisie Moshé Sitruk en 1922, il décède le 26
septembre 1924 à l'âge de 36 ans.
Alfred Valensi |
Né
le 25 janvier 1878 à Tunis, il est autrichien car son père est un haut
fonctionnaire du consulat d’Autriche Hongrie à Tunis. Il est sioniste de gauche,
membre du parti prolétaire sioniste Poalé Tsion (Les ouvriers de Sion). Il part
étudier le droit à Montpellier. C'est en France qu'il commence à fréquenter les
milieux sionistes et notamment Max Nordau. Il rentre à Tunis en 1905. Avocat et journaliste,
il est un des fondateurs du mouvement Agoudat Tsion, le premier
mouvement sioniste tunisien. Il publie en juin 1906 dans la Revue politique
et parlementaire de Paris un long essai intitulé «Le sionisme» qui
sera distribué à Tunis sous forme d’extraits.
Convocation |
En
1920, il participe à la fondation de la Histadrout tunisienne, avec Joseph
Brami. Il en est le premier président de 1920 à 1925. Il est considéré comme l'un
des principaux contributeurs du sionisme en Tunisie. Il s'installe à Paris en
1926 et devient un proche de Vladimir Jabotinsky et du mouvement sioniste
révisionniste. Durant la Seconde Guerre mondiale, il est incarcéré par la
police de Vichy et envoyé en déportation à Auschwitz où il meurt en juillet
1944 à l’âge de 66 ans.
Le Rabbin Jacob Boccara |
Le rabbin Jacob Boccara 1843-1941
Il avait embrassé avec enthousiasme la cause sioniste. Premier représentant
tunisien au 10ème congrès sioniste à Bale de 1911, il s’opposa aux délégués qui
voulaient faire du Yiddish la langue nationale juive et plaida pour l’hébreu,
langue dans laquelle il prononça son discours.
Extrait de l’article «À la grande synagogue de Tunis»
«M. Nathan Halpern délégué du Keren Hayessod a prononcé samedi dernier, à la Grande Synagogue, devant un auditoire nombreux, sous la présidence et en présence de M. Moché Sitruk, Grand Rabbin de Tunisie, un beau discours sur la renaissance juive en Palestine. …Ensuite, un des vétérans du Sionisme tunisien le vénérable Rabbi Jacob Boccara, improvisa, avec beaucoup d’esprit et d’à-propos, un remarquable discours. Les prophéties s’accomplissent sous nos yeux et nous serions aveugles pour ne pas nous en rendre compte ! ... La Palestine, aspiration de notre peuple, le pays de nos prophètes, notre mère chérie, la Terre d’Israël nous offre ses seins gonflés de lait délicieux, son sol béni où coule le miel, et nous manquerions de bras, et nous manquerions d’argent ou de volonté, pour ne pas nous désaltérer en suçant son sein fécond, pour ne pas nous reposer de la galouth amère sous l’épais feuillage de ses nouvelles forêts ! ... Nous manquerions d’argent ? A quoi donc sert-Il l’argent sinon à réaliser son idéal ? Donnons donc ! Tout ce que nous pourrons. Et qu’Erets-Israël accueille rapidement, librement, ses enfants fidèles qui accourent à elle, avec, au cœur, l’ardente nostalgie qui les brûle depuis des siècles ! Des chants sionistes mirent fin à cette belle réunion ». [2]
Obsèques du rabbin Jacob Boccara |
Les obsèques grandioses du rabbin Jacob Boccara en janvier 1941 devant la
Grande synagogue de Tunis, semblent sonner le glas de la belle communauté juive
de Tunis.
Jabotinsky et sa famille. |
Jabotinsky ne vint pas à Tunis
Né le
18 octobre 1880 à Odessa, Il rejoint le mouvement sioniste peu après le pogrom
de Kichinev en 1903. Après des études de droit en Italie et en Suisse, il devient journaliste sous le nom de plume d'Altalena, De
ses études en Italie, Jabotinsky gardera une forte admiration pour le
nationalisme italien du Risorgimento (unité italienne) et admire Giuseppe
Garibaldi, Il crée en 1925 le Parti révisionniste, principal parti de la droite
nationaliste sioniste qui est lié à une organisation de jeunesse, le Betar (acronyme hébreu de
l'expression «Ligue de Joseph Trumpeldor») pour qui la formation de la
jeunesse juive doit être axée sur trois principes : formations culturelle,
sportive et professionnelle.
La réussite du Betar qui est le premier mouvement
sioniste tunisien incite Jabotinsky à organiser à Tunis le congrès mondial du Betar de 1932. Jabotinsky est un brillant orateur et sa participation au congrès de
mars 1932 est saluée par la presse juive locale. Mais sa venue est empêchée par
les nationalistes tunisiens. C’est ce que relate David Cohen Dans
son livre [3] :
«Les nationalistes tunisiens,
groupés autour du Destour, suivirent avec intérêt, vers la fin des années 1920,
les événements de Palestine. Le Lissan Ach Chaab (Le Porte- parole du peuple) fut
un des premiers journaux nationalistes tunisiens à dénoncer les activités
sionistes en Tunisie, en particulier lors de la mission de Fanny Weill dans le
pays, vers la fin de 1929. Les nationalistes tunisiens ayant empêché les
émissaires sionistes de s'exprimer, les Juifs protestèrent au nom de la liberté
d'expression. Serge Moatti, qui n'était pas sioniste, écrivait dans Tunis
socialiste : «II serait tout de même extraordinaire que, cédant à la pression
d'une partie de l'opinion, la liberté de parole fût supprimée en Tunisie par le
gouvernement». En mars 1932, le leader sioniste de tendance révisionniste
Wladimir Zeev Jabotinsky avait projeté de venir participer aux travaux du
Congrès du Betar, le mouvement de jeunesse des sionistes révisionnistes, qui
devait se tenir à Tunis. Chedly Khairallah déclencha une campagne de presse dans
la Voix du Tunisien et fut à l'origine des manifestations antisionistes qui
amenèrent en définitive la Résidence générale à demander à Jabotinsky de renoncer
à son projet. Jabotinsky ne vint pas à Tunis.
Chedly Khairallah, fidèle à son habitude
d'essayer d'apaiser les esprits après la tempête, lança un appel aux sionistes
pour qu'ils se rallient au nationaliste tunisien. Félix Allouche repoussa cette offre, déclarant
qu'il n'accepterait jamais de vivre en Tunisie musulmane dans laquelle il
appréhendait d'être un citoyen de seconde zone... «Trop tard Chedly Khairallah,
trop tard ! Vos accents de sincérité ne trompent plus personne [...] nous ne
pouvons pas croire en votre sincérité parce qu'en l'espace de quelques jours
vous avez réussi à creuser entre Musulmans et Juifs de ce pays le fossé que
vous cherchiez selon vous à éviter [4]. Après cette série d'incidents entre Juifs et
Arabes qui marqua l'année 1932, le calme revint, le Destour fut dissous et, en
1934, apparut le néo-Destour, pour qui les affaires de Palestine passèrent au
second plan.
Félix Allouche |
Felix Allouche 1901 - 1978 né à Sfax
en Tunisie. Grand journaliste et sioniste de la première heure, éditeur de la 'Dépêche
Sfaxienne'. En 1924 il fonde le journal le Réveil juif. Il est un des
fondateurs de La vie Juive. Résistant pendant la seconde guerre
mondiale, il fut correspondant pour des journaux en Europe et en Amérique.
Décembre 1937 : Sara I à Tunis
En
1931, lors de la conférence de Danzig, le Betar décida de former ses membres aux
métiers de la mer et fonde à Civitavecchia en Italie, la Betar Naval Academy. Zeev
Jabotinsky s’adresse à un ami, Henry Krichner, pour lui demander de financer
l’achat d’un bateau-école qui est baptisé Sara I. Le bateau Sara I
engage une croisière dont la dernière escale à Tunis fin décembre 1937 se
déroule dans une ambiance houleuse. Le consul d’Italie à Tunis rapporte avec
enthousiasme les retombées positives liées à l’arrivée du bateau auprès de la
communauté juive tunisienne qui était tout à fait hostile à l’Italie fasciste. L’Avenir social, le quotidien du parti
communiste tunisien (dont la majorité des membres sont juifs), parle du
Sara I, comme du «bateau-école au service du fascisme». La présence
du bateau dans le port de Tunis donne lieu à des manifestations de la communauté
arabe organisées par les destouriens. Le 1er janvier 1938, la
conférence que devait donner le capitaine du bateau école Sarah I, est annulée,
tout comme la projection du film La Terre promise.
Dans
la seconde moitié des années 1930 se multiplient les comités d’aide aux
Palestiniens, les journées de jeûne et de prière «en faveur de la Palestine»,
l’appel au boycott des entreprises juives, la publication
d’articles hostiles. Mais l’action sioniste n’est pas entravée pour autant
comme le montrent la presse sioniste, très vive, et l’action des mouvements de
jeunesse sionistes.
[1] De Carthage à Jérusalem : la communauté juive de Tunis Par Robert Attal et Claude Sitbon
[2] Le Réveil Juif, 26 mars 1926
[3] Les nationalistes nord-africains
face au Sionisme 1929-1939
[4] cf. Le Réveil juif du 17 juin
1932
2 commentaires:
و. جابوتنسكي لا يذهب إلى تونس أو لا يأتي إلى تونس ... للكاتب الصحفي " البير نقاش " ركز كاتب المقال على " مبحث " الصهيونية
" ولكن الأحداث في العشرينات من القرن الماضي حتى الأربعينات كانت متداخلة تشعر الجميع بنوع من الإحباط كان هناك صراع فكري و سياسي و ديني و قد اخترت رسالة كتبت سنة 1936 هذه الرسالة تدور في محيط الشغب السياسي الكل يتهم الكل و يطالب ويستهين ولقد اخترت .. هذه الرسالة الموجهة من الدكتور كوهين حضرية إلي يورقيبة.... تونس في 4 جوان 1936 إلى السيد الحبيب بورقيبة الكاتب العام للحزب الحر الدستوري التونسي ـ بتونس.. سيدي الكاتب العام.. أتشرف بإعلامكم أني اتصلت برسالتكم المؤرخة في غرة جوان والتي تستحق كامل عنايتنا.. وليست لي صفة شرعية للإجابة عما فيها من مقترحات قبل عرضها على مؤتمر فديرالي للحزب سينعقد يوم 21 جوان... وسوف يتاح لي عند ذلك أن أعلمكم بالإجابة النهائية للجامعة الإشتراكية بتونس عن المسألة الهامة جدا التي أثرتموها.. و تقبلوا سيدي الكاتب العام أخلص عواطفنا .. الإمضاء الدكتور كوهين حضرية.. 5 نهج إطاليا ـ تونس .يبدو، أن أجواء التطاحن والحرب كانت تفرض نفسها على الجميع و
كانت تسير الناس التي لا تستطيع أن تختار .. وقد يلجأ البعض إلى الهروب من المواجهه ويعلنون إنسحابهم بطريقة أو بأخرى ..
Traduction du commentaire en langue arabe
L'auteur de l'article s'est concentré sur le "discours" du sionisme.
Mais les événements des années 20 du siècle dernier jusqu'aux années 40 se sont entremêlés, faisant ressentir à chacun une sorte de frustration. Il y avait un conflit intellectuel, politique et religieux.
J'ai choisi une lettre écrite en 1936. Cette lettre tourne autour de l'émeute politique. La lettre adressée par le Dr Cohen-Hadria à Bourguiba…..
Tunisie, le 4 juin 1936, à M. Habib Bourguiba,
Secrétaire général du Parti Libre Constitutionnel Tunisien - à Tunis.
Monsieur le Secrétaire Général... J'ai le l'honneur de vous informer que j'ai pris contact avec votre lettre datée du 1er juin qui mérite toute notre attention. Je n'ai pas la capacité juridique de répondre aux propositions qui y sont contenues avant de les présenter au congrès fédéral du parti qui se tiendra le 21 juin... et j'aurai alors l'occasion de vous faire part de la réponse finale de l'Université Socialiste de Tunisie sur la question très importante que vous avez soulevée... Signé par le Dr Cohen Hadria ... 5 route Italie-Tunis.
Le climat de conflit et de guerre s'imposait à tous et ceux qui ne pouvaient pas choisir avaient avoir recours à l'évasion pour éviter la confrontation.
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