LE LOGEMENT, URGENCE POUR LE NOUVEAU GOUVERNEMENT
Par Jacques BENILLOUCHE
Les historiens auront
tout le loisir et le temps pour juger de la politique économique du
gouvernement Netanyahou qui, selon ses inconditionnels, reflète la réussite économique
du pays. Mais une question a été délaissée depuis 12 ans, la question du
logement qui devrait être traitée en priorité par le nouveau gouvernement
après avoir été totalement négligée par les dirigeants précédents. D’ailleurs
un ancien ministre des Finances du Likoud, Moshé Kahlon, avait tenté de résoudre l’augmentation
continue des prix et la rareté des constructions qui, chaque année, subissent
un déficit croissant. Israël a besoin de 55.000 logements nouveaux par an alors que seulement 48.000 unités entrent sur le marché.
Kahlon à droite et son successeur Galant à Gauche |
Kahlon avait voulu rééditer la politique des Travaillistes des années 1970 qui, malgré la crise économique du pays en récession, parvenaient à construire des logements sociaux, avec l’aide des constructeurs d’État comme Amidar. Il voulait offrir quelques terres domaniales dans les périphéries des villes à des promoteurs sociaux qui baisseraient de 30% le prix des bâtiments à savoir le prix du terrain offert en location pour 99 ans. Mais il a dû subir la levée de boucliers du gouvernement et des promoteurs. Baisser les prix c’est réduire le montant de la TVA que perçoit l’État et c’est pour les promoteurs réduire leurs marges. Cela était contraire à la politique ultra libérale du gouvernement Likoud.
Déçu de ne pouvoir faire avancer les choses plus
rapidement, Kahlon a préféré quitter le gouvernement où il ne pouvait rien
entreprendre face à l’opposition du premier ministre pourtant incapable de stopper
l'augmentation galopante du coût du logement. Chaque année l’écart se creuse entre
la demande croissante et l'arrivée sur le marché de nouveaux logements. Il s’en
est suivi un doublement des prix des logements au cours de la dernière décennie. Il n'est pas normal que dans certaines villes les prix dépassent ceux appliqués à Paris ou Londres. Le retard s’est accumulé entrainant une augmentation des loyers subie par les
Israéliens incapables de devenir propriétaires.
Il ne s’agit pas de politique de droite ou de gauche
mais d’un choix et d'une volonté. Alors que pays était pauvre à l’époque, les nouveaux
immigrants recevaient, dès leur arrivée, un appartement à Ramat Anassy, Ramat
Eshkol, Ramat Hasharon et même Ramat Aviv, un appartement sur pilotis avec confort et finitions limitées (éléments de cuisine sommaires avec un seul évier pour
toute installation, salle de bains avec douche et absence de climatisation). Mais les nouveaux venus pouvaient se lancer dans la vie en payant un loyer modeste
avec une option d’achat de dix ans pour ensuite aménager leur appartement selon
leurs goûts et leurs moyens financiers. Ces logements sociaux à la périphérie
des villes où l’emploi est fort, permettaient d’offrir un départ rapide aux
nouveaux immigrants et aux jeunes couples désargentés qui paient aujourd’hui
entre 4.000 et 6.000 shekels (1.000 à 1.500 euros) de loyer mensuel, près d’un
tiers du salaire du couple, à fonds perdus. D’ailleurs ces logements sociaux de 1970 font actuellement l’objet de destruction pour les remplacer par des tours de
tout confort.
Juifs à Berlin |
Selon l’OCDE, Israël obtient de bons résultats dans
quelques indicateurs du bien-être, mais se classe en dessous de la moyenne dans
les thèmes de l’éducation et du logement. Si les salaires progressent ainsi que
le salaire minimum, les jeunes n’ont pas les moyens d’acquérir un logement sans
mise de fonds et sans l'aide de leurs parents. Tandis qu’ils progressent au niveau des salaires et des
diplômes, ils sont tentés de voir ailleurs, dans des cieux plus cléments. On
retrouve les jeunes israéliens à Berlin, à New-York et Los Angeles où les
conditions matérielles sont nettement plus encourageantes. Il ne s’agit pas d’un fait mineur car de
nombreuses multinationales s’installent en Israël mais manquent de personnel
face à l’exil des cerveaux. Microsoft vient de construire une immense tour à
Herzlia mais se trouve en manque d’effectif avec l’impossibilité d’embaucher un
millier de jeunes ingénieurs plutôt attirés par les conditions offertes à
l’étranger. Berlin leur offre des conditions de vie exceptionnelles et les
moyens de se constituer un petit magot rapidement.
Le logement est le poumon économique d’un pays. Il
ne peut pas être mis sous la coupe des requins des monopoles. Il ne s’agit pas
de socialiser le pays mais de permettre aux jeunes et aux nouveaux immigrants
de se loger correctement pour ne pas qu'ils retournent dans leurs pays d’origine ou pour
ne pas qu'ils choisissent l’exil de leur pays natal. En Europe, les jeunes cadres peuvent acquérir rapidement un logement en toute propriété mais c'est un rêve inaccessible en Israël. Le nouveau gouvernement a les moyens d'agir. Le précédent avait choisi par idéologie de construire en Cisjordanie mais tout le monde n'accepte pas de vivre dans les territoires et refuse que leurs enfants vivent dans l'angoisse sécuritaire.
2 commentaires:
La situation que vous décrivez est douloureuse mais malheureusement exacte. Mais n'est-ce pas la même chose dans toutes les grandes capitales occidentales de Paris, Londres, New York ou Tokyo en allant chercher un peu loin? Les habitants de ces capitales ne sont ils pas toujours plus nombreux faute de moyens, notamment les jeunes couples, à se loger en péripherie voire en province? Ajouté au fait qu'Israel est un pays de petite surface en Km2 où la demande excéde l'offre considérant aussi que pour se "couvrir" beaucoup de juifs des grands pays occidentaux lucides quant à un basculement possible achétent des logements, ce qui constitue un facteur d'aggravation des prix.
Il n'est donc pas rare que les jeunes, notamment 2tudiants se mettent à plusieurs pour partager un loyer.
Vous critiquez le libéralisme de Natanyahou en revers de la médaille d'avoir instauré une économie puissante avec hélas son corrollaire de laissés pour compte. Ceci dit, je ne suis pas certain que cette situation eut été franchement différente avec la classe sociale issue de la nouvelle gauche elle aussi proche du matérialisme à en juger par ses dirigeants trés en symbiose avec l'entreprise et les affaires.
Le reproche que vous ne faites pas à tort à Natanyahou est à mon sens celui lié à sa politique frileuse du statu quo, loin de correspondre -sauf en paroles- à une vraie politique de droite: il aurait pu développer entre autres le territoire de Judée-Samarie mais n'a pas voulu intentionnellement développer ni ses infrastuctures, ni voulu délivrer autrement qu'au compte gouttes des PC pour des raisons politiques extérieures.
Par ailleurs on peut discuter votre conclusion selon laquelle selon vous " tout le monde n'accepte pas de vivre dans les territoires et refuse que leurs enfants vivent dans l'angoisse sécuritaire."
Il se trouve que de nombreuses familles faute de moyens, lors meme qu'elles ne sont pas spécifiquement engagées politiquement à droite habitent ces territoires la population y étant plus diversifiée que vous imaginez. Mais comme vous le dites vous même le nombre de logements est insuffisant.
Idem pour des emplacements dits dangereux du point de vue sécuritaire comme par exemple Tekoah ou Nokdim situés à peine a une quinzaine de km de Jérusalem devenues tres prisées où les prix ont fortement augmenté. Probléme uniquement sécuritaire? Non! Il a suffi que le ministre Liberman y habite pour que le nécessaire soit fait pour améliorer sensiblement la sécurité. Question de volonté politique!
Et pour relativiser la sévérité justifiée de votre article : les villes autrefois perçues sans attraits pour ne citer que Beer Sheva, Ashkelon Ashdod sont en pleine expansion... et les prix y augmentent vite dans des proportions inconnues voici à peine 5-7 ans. Il est encore possible sans trop attendre de s'y installer comme dans beaucoup d'autres situées dans le nord d'Israel.
Dans le Jpost d'aujourd'hui 30 juin, Yoël Shéridan fait l'analyse suivante :
En raison du prix élevé des terrains en Israël, le gouvernement a fait une proposition désastreuse il y a une dizaine d'années, selon laquelle un spéculateur qui pourrait soumettre l'offre la moins chère pour construire des appartements locatifs sur un terrain alloué pourrait acheter ce terrain à moitié prix. Néanmoins, comme nous le savons, les prix des logements ont continué d'augmenter. En tout état de cause, il est bon de noter que la construction spéculative bon marché sur des terrains bon marché ne peut aboutir qu'à des appartements et des bidonvilles de mauvaise qualité. Bon marché est bon marché partout où l'on va, quelque chose qui devrait être évité comme le diable.
Si le logement est un enjeu national, c'est au niveau local qu'il se manifeste. Ainsi, si le gouvernement, en combinaison avec les municipalités et les universités, suivait l'initiative de Rothschild [qui comprit en 1887 qu'il fallait construire des logements sociaux et qui s'y employa dans le Esat End de Londres] lui aussi pourrait construire économiquement des logements abordables pour les étudiants et les classes moyennes et populaires, sans compromettre les valeurs idéologiques.
La vraie solution devrait impliquer en partie le secteur privé. Les terres domaniales ou municipales appropriées devraient être attribuées à des fins de location uniquement. Les terrains désignés ne devraient pas être vendus à des entreprises de construction mais devraient rester la propriété de l'État ou de la municipalité, qui devrait fixer les loyers. Les entreprises de construction devraient soumissionner pour construire les appartements locatifs, qui appartiendront à une entreprise publique indépendante, à laquelle le terrain désigné sera loué pour une somme modique. La société émettra des obligations à 4% au public. La Banque d'Israël devrait garantir le paiement.
Pour maintenir des normes décentes, l'appel d'offres devrait exiger des entreprises de construction qu'elles construisent les appartements de la meilleure qualité dans les limites du prix fixe fixé par le gouvernement ou la municipalité (et non de la moins bonne qualité). Les offres devraient être remportées par les entreprises de construction qui fournissent le meilleur rapport qualité prix. Du fait que le public israélien est détenteur d'obligations dans les sociétés détenant les propriétés, il sera dans leur intérêt de s'assurer qu'elles seront correctement gérées et entretenues.
Voici un exemple simplifié des considérations économiques. Hors terrain, le coût de construction d'un appartement de 100 mètres carrés aujourd'hui est de l'ordre de 600 000 shekels, qui proviendra des obligataires qui recevront 4% sur leur investissement. Un loyer raisonnable pour un tel appartement est de 3 500 NIS par mois (42 000 NIS par an), ce qui représente environ 7% du coût de construction, laissant une marge positive de 3% qui couvrira les vacances, l'entretien, la gestion et d'autres coûts et /ou des baisses de loyer.
C'est une situation gagnant-gagnant à tous points de vue. Des terres dormantes seront utilisées, les investisseurs obtiendront un retour sur investissement raisonnable et garanti (en particulier ceux, comme les retraités, qui ne reçoivent que peu ou rien de leur épargne), des emplois seront créés, des taxes municipales seront collectées, le budget du compte courant de l'État ne seront pas affectés et, surtout, des logements abordables seront fournis à ceux qui en ont besoin, à l'abri de la cupidité et des spéculateurs.
Rendons effectivement le logement abordable.
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