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samedi 3 juillet 2021

L'Egypte, l'amie opportuniste d'Israël par Francis MORITZ

 

L’ÉGYPTE, L’AMIE  OPPORTUNISTE D’ISRAËL

 

Par Francis MORITZ

 


Comment ne pas s’étonner de la rapidité avec laquelle l’Égypte a obtenu un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas après le récent conflit. Le Caire serait-il en train de devenir caméléon, selon les circonstances, en vue de nouvelles alliances, ou d’aides financières, surtout depuis que l’Amérique est de retour ? Quelle aura été l’attitude de l’Égypte pendant et après ce conflit ?   Le cesser le feu réclamé et négocié dès le début par le Caire, démontre son efficacité. Pour autant pas de retour de corps ni libération des Israéliens détenus à Gaza.



Amira Oron ambassadrice d'Israël en Egypte


On peut affirmer que sans son action, le conflit aurait pu se prolonger de plusieurs semaines et causer bien plus de victimes et de dommages de part et d’autre. On peut aussi alléguer à posteriori que cet arrêt des combats, aura été une pièce décisive du puzzle politique en cours à ce moment-là en Israël. Pour autant, la position égyptienne vis à vis de Gaza n’est plus la même que dans le passé. 

Ce qui soulève côté israélien de sérieuses interrogations voire de l’inquiétude quant aux véritables intentions du président Abdel Fatah-al-Sissi. Pendant que la justice égyptienne poursuit sans désemparer son action répressive contre l’opposition en générale, et plus particulièrement contre les Frères Musulmans et contre les soutiens au Hamas. Les arrestations, les condamnations à de lourdes peines, y compris des peines de mort continuent à pleuvoir. Dans le même temps, le Caire a clairement manifesté un regain d’intérêt pour la défense de Gaza, qui s’est traduit par un retour complet des communications avec les dirigeants terroristes. Les accords d’Abraham ont sans aucun doute joué un rôle dans cette nouvelle orientation égyptienne alors qu’il y a encore quelques mois les médias égyptiens n’avaient pas de formule assez dure pour stigmatiser l’enclave terroriste. L’Égypte a sans doute voulu marquer sa position de meilleur médiateur dans le conflit israélo-palestinien.

Délégation turque en visite au Caire


De plus, en maintenant ouvert le point de passage de Rafah, elle a donné une dimension humanitaire à son action pour la paix, telle que perçue à l’extérieur.  Mais en y regardant de plus près, on s’est aperçu que seuls les voyageurs ordinaires, les étudiants et plus largement ceux qui avaient déjà une autorisation validée avant le démarrage des hostilités pouvaient passer. Tandis que les victimes de la guerre, les collaborateurs des ONG, les convois d’aide humanitaire et les journalistes, n’ont pas eu accès. 

Ce n’est qu’au septième jour que quelques 12 blessés sont passés par Rafah, mais point de blessés civils. Ce n’est qu’après l’annonce du cessez-le-feu que 80 camions couverts de photos du président égyptien, accompagnés du slogan très explicite «Cadeau du président égyptien au peuple de Palestine» ont pénétré à Gaza. En 2014, la situation était totalement opposée. Le terminal avait été hermétiquement fermé, pendant que l’Égypte et ses médias d’État encourageaient ouvertement l’action d’Israël. Cette fois le Caire aura assuré un service minimum sur le plan humanitaire.  Ce qui soulève une interrogation sur la volonté réelle et pas seulement affichée d’aider les habitants de l’enclave. La réponse qui sera donnée sera un sérieux marqueur de la politique égyptienne.

Visite au Caire du premier ministre libyen par intérim

Cette prise de position pose cependant de nouveaux problèmes dans ses relations avec les Émirats et l’Arabie Saoudite, qui justement sont les bailleurs de fonds du maréchal-président depuis son coup d’État de 2013. La communauté internationale, États Unis compris a unanimement félicité l’Égypte en s’en tenant à ce qui leur apparaissait comme une action humanitaire. Du coup la Haute Commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU détourne son regard des violations permanentes des droits de l’homme. On pourrait paraphraser la formule de Pascal, vérité en deçà du Sinaï, erreur au-delà (en Israël)

Naturellement, il y a une grande complexité et autant de paradoxes dans la relation israélo-égyptienne, quand on connaît les investissements effectués de part et d’autre qui constituent un socle important pour les deux pays. Il y a aussi de nombreuses contradictions. Lorsque le Caire a négocié dans l’urgence un cessez-le-feu et l’arrêt des tirs de roquettes sur le sud en particulier, il a parallèlement entrepris une campagne anti-israélienne sur les médias télé, que des millions de téléspectateurs ont pu voir dans tout le monde arabe ; tout en recevant des messages de remerciements du premier ministre et de l’ambassadrice d’Israël en Égypte Amira Oron.

Dans le même temps, le président Sissi reste très impopulaire chez lui, avec un bilan ensanglanté sur le plan des droits de l’homme. Sa popularité est plus grande à l’étranger. Dans la même période on assiste à un lent réchauffement des relations turco-égyptiennes empreintes de méfiance réciproque depuis le coup d’État de 2013 qui éjecta l’islamiste Morsi soutenu par Erdogan. La reprise de contact intervient sous la pression de l’allié américain. La Turquie a mis en sourdine son aide aux opposants égyptiens en exil. Elle a aussi demandé à l’opposition égyptienne d’arrêter ses campagnes anti gouvernementales, ce qui est un tournant. On ne pense cependant pas que la Turquie procèdera à l’extradition de deux opposants égyptiens réclamés par le Caire. L’Égypte, qui aura mis 4 ans à reprendre les relations avec les pays du Golfe après le blocus du Qatar semble évoluer vers une position diplomatique plus ouverte, pour en tirer régionalement les bénéfices. Ankara et le Caire tentent de résoudre ensemble le conflit libyen alors que la veille encore ils s’y combattaient. Ce qui s'inscrit dans la feuille de route de la conférence internationale sur la Libye à Berlin le 23 juin, avec la participation notamment de la Turquie et de l’Égypte. L’UE y est en représentation.

Les exilés égyptiens en Turquie manifestent contre leur possible extradition


Il reste maintenant à voir quelle sera la politique de l’Égypte vis à vis du nouveau gouvernement israélien. Elle devra choisir entre être aux côtés du premier ministre Bennett, ou devenir le grand protecteur et parrain de Gaza et se ranger explicitement du côté des dirigeants terroristes. Ce qui deviendrait un problème pour Israël. Nous sommes sans doute à la veille de changements importants, surtout au vu de la position américaine au Moyen Orient, America is Back !

 

1 commentaire:

Marianne ARNAUD a dit…


Heureusement l'Égypte a obtenu un rapide cessez-le-feu entre Israël et le Hamas.
Malheureusement pas de retour de corps, ni libération d'Israéliens détenus à Gaza.
Heureusement l'arrêt des combats a joué en faveur de la résolution du problème politique en Israël.
Malheureusement on ne connaît pas les véritables intentions du Président al-Sissi.
Heureusement les accords d'Abraham ont joué un rôle dans la nouvelle orientation égyptienne.
Malheureusement, bien que le point de passage de Rafah soit ouvert, seuls les voyageurs ordinaires y ont accès.
Heureusement 80 camions d'aide humanitaire égyptienne ont pénétré à Gaza.
Malheureusement cela pose des problèmes avec les Émirats et l'Arabie Saoudite.
Heureusement les États-Unis ont félicité l'Égypte.
Malheureusement la relation israélo-égyptienne n'est que complexités et paradoxes.
Heureusement la Turquie a mis en sourdine son aide aux opposants en exil.
Malheureusement la Turquie ne procèdera sans doute pas à l'extradition des deux opposants égyptiens réclamés par Le Caire.
Heureusement Ankara et Le Caire tentent de résoudre ensemble le conflit libyen.
Malheureusement comment savoir si l'Égypte se rangera aux côtés de Benettou aux côtés des terroristes de Gaza ?
Heureusement America is back !