COMMENT
LE LOGICIEL ESPION PEGASUS A MIS LE FEU AUX POUDRES
Chronique d’un papy flingueur Albert NACCACHE
Shalev Hulio Pdg NSO |
NSO,
c’est avant tout l’histoire de «N», de «S», et de «O»,
pour Niv Carmi, Shalev Hulio et Omri Lavie, les trois cofondateurs de
l’entreprise créée en 2009. Au fil des années, NSO s’est entourée de
hackers d’élite passés par l’unité 8200, le prestigieux service de
renseignement israélien.
La société
israélienne NSO Group a révolutionné l’espionnage
Pegasus Ziv Koren |
Pegasus est un logiciel espion qui permet
d’infiltrer un smartphone qu’il fonctionne sous le système d'exploitation
d'Apple, iOS ou celui de Google, Android, sans laisser de trace visible, grâce
à une procédure «zéro clic», qui ne nécessite aucune action de
l'utilisateur. Le logiciel devient alors l’administrateur du téléphone. Il a
accès à tous les contacts, les photos, les messages. Il peut lire ce qui est
écrit sur les messageries chiffrées de type WhatsApp ou Signal. Il peut
géolocaliser le propriétaire de l’appareil et activer micros et caméras,
transformant le téléphone portable en véritable mouchard.
Schéma du fonctionnement du logiciel Pegasus |
Le succès de NSO repose en grande
partie sur sa capacité à détecter des failles à exploiter dans les applications
et les logiciels qui équipent la quasi-totalité des smartphones de la planète. Pour
ce faire, NSO déploie un effort considérable en matière de recherche et de
développement : les trois quarts de ses salariés s’y consacrent.
Sur son site Internet, NSO précise qu'elle «crée
des technologies qui aident les agences gouvernementales à prévenir et à
enquêter sur le terrorisme et les crimes, pour sauver des milliers de vie dans
le monde». Et s’engage «à vérifier le bon usage de notre technologie (…) et nous enquêtons sur
toute allégation crédible d’un mauvais usage de nos produits».
Cette
offre technologique, parmi les plus avancées du marché opaque des outils
d’espionnage rencontre une insatiable demande, car avec Pegasus, des
gouvernements peuvent économiser des années de coûteux développement et la
rémunération de dizaines de spécialistes en informatique. Pegasus permet à des
pays de petite taille, de se créer une puissante capacité d’espionnage électronique.
Selon NSO, une quarantaine de pays ont franchi le pas. Combien d’entre eux s’en
servent pour contourner l’État de droit et se livrer à des surveillances
contraires au droit international ?
Une enquête publiée le 18 juillet 2021 par Le
Monde et Forbidden Stories, montre que des États peu scrupuleux se
sont livrés à des surveillances en violation avec le droit international. L’enquête
de Forbidden Stories et de ses partenaires a pour but de montrer qu'un peu
partout dans le monde, des technologies de pointe comme Pegasus, censées servir
à lutter contre le crime et le terrorisme, sont aussi utilisées contre ceux qui
défendent la liberté d’expression.
Forbidden Stories
Le projet Pegasus de Forbidden Stories juillet 2021 |
Forbidden Stories est une
association créée en 2015 par le journaliste français Laurent Richard. C’est un
consortium de 17 médias, parmi lesquels : le Washington Post, le
Guardian, le Süddeutsche Zeitung, Le Monde, et la cellule investigation de Radio
France. Son but est de poursuivre
les enquêtes de journalistes qui ont été emprisonnés ou assassinés. Son concept
consiste à dire «ils ont tué le messager, ils ne tueront pas le
message».
A la suite d’une énorme fuite de données,
Forbidden Stories a eu accès à une liste d’environ 50.000
numéros de téléphone entrés dans le système Pegasus par 12 clients de NSO
depuis 2016. Elle inclut les numéros d’au moins 180 journalistes, 600 hommes et
femmes politiques, 85 militants des droits humains, ou encore 65 chefs
d’entreprise, des avocats, des médecins, des sportifs, des activistes, des
diplomates et des hommes politiques, y compris 13 chefs d’État dans une
cinquantaine de pays.
Parmi les utilisateurs de Pegasus figurent
notamment le Mexique, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Inde,
l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, le Rwanda, le Togo, mais aussi la Hongrie. Près
de 1.000 numéros de téléphones français ont été sélectionnés comme possibles
cibles dans le système qui gère Pegasus au Maroc.
Pendant
plusieurs mois, près de 80 journalistes de Forbidden
Stories ont identifié ces numéros, pays par pays. Certains propriétaires
des portables concernés ont accepté de confier leurs téléphones. Grâce au
support technique du Security Lab d’Amnesty International, il a alors été
possible de démontrer que 37 appareils sur les 67 testés présentaient des
signes d’infection de Pegasus.
Edwy Plenel |
En 2019 et 2020, les téléphones
portables des journalistes Lénaïg Bredoux et Edwy Plenel ont été infectés par
le logiciel espion Pegasus, actionné par des services secrets marocains. L’analyse
du téléphone d'Edwy Plenel montrerait qu’il a été infecté par le logiciel
Pegasus pendant au moins trois mois, à partir de juillet 2019. Il venait de rentrer
du Maroc où il avait participé à un festival culturel à Essaouira et où il avait
exprimé publiquement son soutien au Hirak marocain et aux prisonniers du Rif.
Le numéro de téléphone de Dominique Simonnot, ancienne
enquêtrice du Canard enchaîné et désormais
contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, figure aussi dans la
liste. Le site d’information français Mediapart et l’hebdomadaire
satirique Le Canard enchaîné ont annoncé qu’ils déposent plainte auprès
du procureur de la République de Paris. Le groupe NSO a «nié fermement les
fausses accusations portées» dans l’enquête. Elle «est bourrée de
suppositions erronées et de théories non corroborées, les sources ont fourni
des informations qui n’ont aucune base factuelle», a-t-il écrit sur son
site, en précisant envisager de porter plainte en diffamation.
De plus, Shalev Hulio, rappelle que
Pegasus est utilisé par les gouvernements pour lutter contre le terrorisme et
la criminalité organisée. «Dans les six derniers mois, nos produits
ont été utilisés pour contrer plusieurs projets d’attentats de grande ampleur
en Europe, utilisant des voitures ou des kamikazes, affirmait-il,
le 11 janvier 2019, dans un rare entretien au quotidien Yedioth
Aharonot. En toute modestie, je peux dire que des
milliers de personnes en Europe doivent leur vie à nos employés».
Un dossier épineux à suivre car les enquêteurs promettent de nouvelles
révélations dans les jours à venir.
7 commentaires:
Très bon article complet que j’ai lu nulle part ailleurs. On a envie d’en savoir plus sur les fuites qui ont démasquées NSO. Et qui a produit ce listing ? NSO va probablement le savoir, ou le sait déjà.
Aucune responsabilité ne peut être attribuée à l'Etat nation Juif/Israël ou alors, il faudrait mettre en cause l'ensemble des pays qui vendent des armes : la France, les U.S.A, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, la Russie, la Chine, etc.. La Médiatisation du logiciel espion Pegasus est orchestrée par l'extrême gauche, les Ecolos-les Verts et les antisémites !
Que disent les médias israéliens ?
En ce qui me concerne, vous le savez, j'ai toujours défendu la cause marocaine à propos de la RASD. Terminé.
Et je pense que les Algériens, sur ce sujet du moins, ne peuvent que s'en féliciter.
Alain Pierret
C'est une opération de billard à 3 bandes.
Comme Plenel est à la manœuvre, cela ressemble très fortement à un coup tordu monté par les USA.
Ou par un autre concurrent de NSO, qu'il soit russe, français, chinois ou autre.
Il ne faudrait pas non plus prendre les Marocains pour des enfants de chœur.
Et il me semble que même Son Excellence Monsieur Pierret aurait du mal à affirmer qu’il ne se soit jamais produit d’incident suffisamment grave que le Quai d’Orsay n’ait préféré traiter par le mépris, plutôt que d’avoir à assumer une crise diplomatique avec le Maroc.
On va découvrir en 2021 qu'il y a des services de renseignement dans tous les pays, et que ceux-ci, alliés ou pas, s'espionnent mutuellement!
On a l'impression d'être pris pour des enfants à qui on veut faire croire au monde des bisounours!
La France a elle aussi (et c'est heureux) un service de renseignements extérieurs qui ne doit pas s'occuper que du Mali!
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