LE GOUVERNEMENT MISE SUR UNE POLITIQUE SEREINE AVEC GAZA
Par Jacques BENILLOUCHE
Un monument du Hamas dans la ville de Gaza comprend une roquette |
Les enfants s'entrainent pendant les vacances |
Le nouveau gouvernement semble vouloir modifier sa
stratégie en faisant comprendre au Hamas qu’il a intérêt au calme sécuritaire
pour obtenir des avancées politiques et économiques de la part d’Israël. Les
dirigeants israéliens sont convaincus qu’en lâchant du lest, les Gazaouis, une
fois habitués à un certain confort relatif, comprendront qu’ils auront beaucoup
à perdre avec une reprise des combats. La paix s’instaurera donc progressivement.
La droite est sceptique sur la volonté pacifique des islamistes. Elle ne veut jamais faire confiance aux Arabes. Pourtant il s’agit du meilleur moyen d’empêcher une nouvelle guerre
avec le Hamas qui cherche une fuite en avant dans le chaos. Alors, les
Israéliens ont multiplié les mesures d’apaisement. Des milliers de Palestiniens
ont été autorisés à traverser la frontière pour travailler sous couvert
d’activités commerciales. Les hommes d’affaires ont toujours eu une liberté de
circulation, même dans les moments les plus tendus.
Point de passage des ouvriers de Gaza |
Depuis la prise du pouvoir en 2007 par le
Hamas, Israël avait supprimé tous les permis de séjour pour les travailleurs ce
qui a dévasté l’économie de Gaza et entraîné un chômage de plus de 50%. Mais la
technique du donnant-donnant a été appliquée. Dans le cadre de négociations
sous l’égide de l’Égypte, Israël a obtenu l’arrêt des tirs de missiles sur le
sud du pays. En échange, il a augmenté le nombre de permis de «commerçant», et a autorisé le Qatar à distribuer ses dollars pour payer les fonctionnaires.
Cette stratégie est partagée par Avigdor Lieberman
qui a beaucoup évolué, à la droite du Likoud, en abandonnant ses positions
extrêmes. Considéré pendant longtemps comme un nationaliste irréductible pur et dur, un
faucon favorable au Grand Israël, le ministre des Finances est devenu
pragmatique en refusant d’être le dirigeant capable de mettre le Moyen-Orient
en feu. Il a surtout intégré l’idée que la séparation avec les Palestiniens
serait la seule solution viable.
Avigdor Lieberman, visite le point de passage de Kerem Shalom, à l'entrée de Gaza |
L’échelon politique a donc décidé d'étendre la zone
de pêche dans la bande de Gaza de 9 à 12 milles marins. Les frontières ont été
ouvertes pour les marchandises arabes qui pourront non seulement circuler
librement vers la Cisjordanie mais aussi vers Israël. Le meilleur poisson de
ligne de la région va se retrouver sur les étals israéliens à la grande satisfaction des
consommateurs qui paieront moins cher un meilleur poisson. De même pour les
cultures maraichères qui, bloquées pendant plusieurs mois, pourrissaient faute
de preneurs. De nombreux ateliers de confection vont rouvrir avec des commandes
israéliennes qui donneront de l’oxygène à une population sans ressources mais expérimentée. Le
gouvernement a autorisé dans un premier temps l’embauche de 10.000 Palestiniens
de Gaza, parmi les meilleurs ouvriers du bâtiment, sachant qu’ils subviennent
aux besoins d’au moins 40.000 familles.
Les Gazaouis pourront aussi importer du
matériel médical, du matériel de pêche, des matières premières pour l’industrie
et le textile à travers le terminal Kerem Shalom. L’un des promoteurs de cette politique
est Avigdor Lieberman qui avait pendant longtemps suggéré de promouvoir les
échanges car si les Gazaouis n’ont rien à perdre, alors ils choisiront les
extrémistes du Hamas et du Djihad qui sont seuls à leur donner à manger. Il
veut miser sur le développement des échanges afin que la population refuse la guerre. Effectivement, durant le dernier conflit avec
Gaza, par comparaison, les Cisjordaniens n’ont pas bougé parce qu’ils risquaient le blocage aux frontières des 150.000 ouvriers qui financent chaque
jour la vie de 600.000 familles. Ils savaient par ailleurs qu’ils n’avaient rien à attendre
de manifestions stériles.
Israël y gagnerait aussi car il manque de main
d’œuvre pour ses chantiers de construction. 45.000 logements sont construits
chaque année au lieu des 55.000 nécessaires par manque de travailleurs. L’entrée
de nouveaux ouvriers de Gaza, qui ont montré leur expertise dans la
construction de tunnels, débloquera de nouveaux chantiers dans un pays qui
souffre d’un déficit important de logements.
Tout est affaire d’intérêts. Il faut que cela soit
du gagnant, gagnant. Les ouvriers sont attendus par les agriculteurs et les
usines à la frontière de Gaza. D’ailleurs, les relations entre patrons juifs et
ouvriers arabes ont toujours été maintenues malgré les aléas de la guerre puisque les
patrons n’ont jamais cessé d’aider financièrement leurs ouvriers, bloqués à Gaza, en attendant des jours meilleurs.
Ce n’est pas nouveau. Israël fait tout pour apaiser
les tensions avec le Hamas et pour améliorer la situation économique
catastrophique à Gaza. Alors il diffuse le froid et le chaud. Les services de
sécurité ont encouragé la stratégie d’apaisement pour aider la population à
s’éloigner des extrémistes islamistes. C’est pourquoi des Palestiniens de Gaza
entrent en Israël de manière déguisée pour travailler.
Du temps où il était ministre
de la Défense, Lieberman avait déjà proposé en vain son programme pragmatique
en prônant l’ouverture des frontières aux ouvriers palestiniens et aux
marchandises de Gaza pour donner un peu d’oxygène et d’espoir à une population soumise
aux Islamistes. Les officiers de l’État-major ont tous appuyé ce projet et ont
donné leur imprimatur en ce qui concerne l’aspect sécuritaire. Ils pensent que
cela pousserait la population à s’éloigner des options de terreur prônées par
les radicaux islamistes.
Gazaouis traversant le point de contrôle d'Erez |
Israël a donc mis en place un programme consistant à
délivrer des centaines de permis aux «propriétaires d’entreprises» leur
permettant de fouler le sol israélien. Des responsables palestiniens ont
confirmé la délivrance de plus de 5.000 permis de «commerçants», en fait
pour des ouvriers employés dans la construction, l'agriculture et dans
certaines industries. Bien sûr, ni l’Autorité et ni le Hamas n’ont accepté de
confirmer l’information.
Très récemment, des dizaines d’hommes en tenue
d’ouvrier, transportant leurs affaires personnelles dans des sacs plastiques,
loin de la description qu’on se fait d’un homme d’affaires au complet veston,
ont été vus au passage d’Erez. Ils avaient un permis de commerce mais donnaient
l’impression d’entrer pour la première fois en Israël. Selon des sources
sérieuses, certains «commerçants» ont payé 500$ à une officine de Gaza pour
recontacter des entreprises de construction pour lesquelles ils avaient déjà
travaillé avant 2007.
Les autorités sont conscientes du risque sécuritaire
mais elles comptent sur la lassitude d’une population victime de ses
dirigeants. Le chef du conseil régional
du sud, a confirmé qu'il était très favorable à recevoir des Gazaouis : «J'ai longtemps dit que nous devions leur offrir
un avenir meilleur, et tant que les exigences de sécurité seraient satisfaites,
ils devraient être autorisées à entrer. C'est la bonne direction. Et si cela se
fait tranquillement, c'est aussi une bonne idée».
Houcine Cheikh, ministre palestinien des affaires civiles et membre du Fatah |
Le président du comité de liaison de l'Autorité
palestinienne a confirmé que les quotas de permis de commerçant sont passés de
1.000 en 2007 à 5.000 aujourd'hui. Il a précisé que «l’Autorité
palestinienne n’était pas impliquée dans la délivrance des permis et qu’il
s’agissait d’accords conclus entre Israël et le Hamas». Cependant ces
chiffres restent loin des 26.000 permis délivrés avant 2000.
Un responsable de la Chambre de commerce de Gaza, a
révélé que la majorité de ceux qui détenaient un permis de commerçant sont des
travailleurs. D’ailleurs, Israël a étendu la durée des permis de trois à six
mois et abaissé l'âge minimum d'admissibilité de 30 à 25 ans : «C’est bon
pour Gaza, mais c’est un effet très limité. Nous avons besoin de 15.000 à
20.000 travailleurs pour pouvoir ressentir les effets de cet assouplissement».
Un propriétaire arabe d'un magasin de vêtements de luxe ruiné,
a utilisé son permis de commerçant pour se faire embaucher à Ashkelon comme
ouvrier du bâtiment à 2.000 shekels (600$) la semaine. Il passe la semaine en
Israël dans un appartement surpeuplé et retourne à Gaza le week-end pour le
passer avec sa famille. Les services sécuritaires tiennent à distinguer les
ouvriers des terroristes. Ils estiment que le meilleur combat contre les
extrémistes du Hamas et du Djihad islamique passe par une aide massive pour
résorber le nombre de chômeurs qui sont une cible facile pour les organisations
terroristes parce qu'ils les font rêver en les incorporant dans des groupes de terreur.
Usine de confection à Gaza |
Quand on pense aux milliers de dollars gaspillés en
roquettes par les gens du Hamas, partis en fumée au propre comme au figuré, il
est facile d’imaginer comment ces sommes auraient pu être utilisées pour le
bien des Gazaouis. Les Palestiniens ont les dirigeants qu'ils méritent mais il
faut changer les mentalités. Beaucoup d’Israéliens ne font pas confiance aux Arabes de Gaza et ne croient
pas à des relations sereines avec les islamistes intoxiqués depuis de
nombreuses années. Mais ils ne veulent pas admettre que les Gazaouis sont en fait des
victimes d’un système oppressif et qu’ils béniraient ceux qui les sortiront de leur carcan et de la misère. Si l’on ne tente rien, nous resterons dans les actions de destruction, dans le
cycle dramatique attaques et représailles, dans un monde permanent où ne rodent
que la mort et le malheur. Les mentalités doivent changer. Israël face à sa
puissance militaire et économique veut être le premier se montrer généreux.
La conclusion au ministre de la Défense Benny Gantz : «Dans le même
temps, nous nous occupons également de l'aide humanitaire à la population de
Gaza. Nous continuerons de le faire, en coopération avec nos partenaires
égyptiens, les Nations Unies et d'autres organismes internationaux. Mais nous
exigeons la paix et nous permettrons développement de la bande de Gaza
seulement après le retour des garçons chez eux. S'il y a un besoin d'action
militaire et d'une campagne à l'avenir, nous n'hésiterons pas».
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