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mardi 12 janvier 2021

Trump a pris le risque d'armer les pays arabes

 


TRUMP A PRIS LE RISQUE D’ARMER LES PAYS ARABES

Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps

 

Le président des États-Unis Donald Trump tient un tableau des ventes d'armes

Il n’y a pas de jour sans que les Israéliens ne pleurent le départ de Donald Trump, leur bienfaiteur qui a transféré son ambassade à Jérusalem et qui a permis la normalisation des relations diplomatiques avec les pays arabes. Certes la paix est une grande avancée politique qui ne se discute pas. Mais l’on ignore l’envers de la médaille et la face cachée de la politique américaine en ce qui concerne l’armement en surnombre fourni aux pays arabes. Si rien ne vient modifier l’équilibre politique et les alliances actuelles dans la région, Israël sortira gagnant d’une paix tant recherchée. Mais les pays arabes ne sont pas fiables.



Palais de Skhirat, Hassan II miraculé


Le Moyen-Orient a toujours été une région instable, traversée par des coups d’État et des changements de régime, parfois même de simples révolutions de palais sanglantes. Ni la politique et ni la force ne peuvent garantir la stabilité de régimes féodaux, non démocratiques, bâtis sur des fondations fragiles, explosives et souvent à la merci d'un jeune colonel ambitieux. Le changement de régime reste du ressort des populations mais concerne Israël en premier chef. Le Maroc, avec un roi malade, risque de connaitre une transition difficile face à un jeune héritier de 18 ans qui pourrait attiser les ambitions d’un haut gradé comme d’ailleurs l’a vécu son grand-père Hassan II qui a eu la baraka après deux coups d’État en 1971 et 1972. Par ailleurs les capacités de nuisance des Iraniens ne permettent plus d'anticiper la situation à long terme.

Donald Trump a obtenu les normalisations en échange de fournitures d’armes qui, à terme, peuvent modifier l’équilibre militaire au détriment d’Israël. Il est vrai qu’il n’avait fait que suivre l’élan donné par Barack Obama qui, juste avant de quitter ses fonctions, avait autorisé des ventes d’armes aux Saoudiens pour une valeur de 117 milliards de dollars en huit ans avec cependant l’exception de ne pas fournir de munitions à guidage de précision. Trump, en arrivant au pouvoir, avait d’ailleurs mis fin à cette restriction.

Un drone MQ-9 Reaper


Il faut cependant analyser la véritable ampleur des contrats d’armement des États-Unis avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Les Américains avaient conclu en 2019 avec l’Arabie pour plus de 68 milliards de dollars d’accords portant sur des armes à feu, des bombes, des systèmes d’armes et des entraînements militaires. Viennent s’ajouter à présent la fourniture de F-35 et de drones militaires. Avec les Émirats les montants sont plus «modestes», 14 milliards de dollars. Il ne s’agit pas de petits matériels mais de systèmes antimissiles, d’avions de combat, de chars, de bombes et de navires.

Si ces matériels tombent entre des mains terroristes à la suite d’un changement de régime, il est difficile d’imaginer un exemple plus dramatique des conséquences négatives de ces ventes d’armes américaines. Certaines, qui ont déjà été envoyées au Yémen, ont été récupérées par les Houthis, aux ordres de l’Iran. D’ailleurs à cet effet, Israël vient de prendre des mesures urgentes de protection en installant des batteries de Dôme de fer à Eilat, en raison d’informations faisant état d’un risque d’attaques de missiles houthis depuis le Yémen.

Missile houthi

Donald Trump a dit n'avoir «aucun problème» à vendre des avions F-35 aux Émirats Arabes Unis, malgré l'opposition de certains politiques et militaires israéliens qui craignent qu’Israël ne perde sa supériorité militaire dans la région. Avant de quitter le pouvoir, il a avalisé, avec l’accord de Netanyahou, la vente de 50 chasseurs furtifs F-35 et 18 drones tueurs MQ-9 «Reaper» aux Émirats arabes unis, pour un montant de 23 milliards de dollars. Les Sénateurs démocrates n’avaient pas réussi à bloquer cette vente. Mais ce dossier sera posé sur le bureau du nouveau président Biden. Les Émirats souhaitaient depuis longtemps acquérir ces armes quasi indétectables, mais Israël s'y opposait pour maintenir sa supériorité technologique militaire. Le nouveau Congrès aux mains des amis de Joe Biden pourrait modifier la donne.

Les Démocrates semblent plus prudents au regard de l'instabilité de la région. Ils ne sont pas opposés à ces transactions si «elles sont utiles et ne représentent pas de menace pour les Américains ou pour la sécurité d'Israël qui exige un examen attentif». La Maison Blanche a affirmé que ces équipements militaires devaient permettre aux Émirats de contribuer à la «dissuasion face au comportement de plus en plus agressif de l'Iran et aux menaces qui ont suivi les accords de paix avec l'État hébreu». Mais les Émiratis, peu entrainés, ne font pas le poids face à un Iran conquérant qui pourrait trouver ainsi une source d’approvisionnements à bon marché.

GlobalEye-1er-vol_Saab

Mais les Émirats ne se contentent pas uniquement d’armement américain. Ils ont signé un nouvel accord d’armement avec la société suédoise de défense du groupe Saab. Le contrat d'un milliard de dollars entre Abu Dhabi et le groupe Saab comprend deux systèmes de surveillance aéroportés GlobalEye supplémentaires, portant le nombre total détenu par les EAU à cinq.

À présent tous les autres pays arabes vont s’engager dans la course aux armements, en particulier le Qatar et l’Arabie saoudite alors qu’Israël semble avoir donné son imprimatur. L'ambassadeur israélien Ron Dermer présent à la télévision MSNBC aux côtés de l'ambassadeur émirati, Yousef al-Otaiba, avait déclaré : «Nous sommes fermement convaincus que cet accord, ce paquet d'armes, ne violeront pas l'engagement américain ni ne saperont pas l'avantage militaire qualitatif d'Israël».

L'ambassadeur israélien Ron Dermer et l'ambassadeur des Émirats arabes unis Yousef Otaiba


Les États-Unis, en tant que plus grand exportateur d'armes au monde, font tout pour contrôler les autres marchés. La vente d'armes stratégiques, comme les drones, la défense aérienne et d'autres systèmes, ne représente pas uniquement un intérêt financier mais permet d'exercer une influence sur ses clients et empêche d’autres pays de s’introduire dans leur chasse gardée.

Les militaires israéliens sont plus réservés sur la question. Le ministre de la défense Gantz a accusé Netanyahou d'avoir caché les discussions aux responsables de la défense israélienne concernant la vente de F-35 aux Émirats. Mais sachant qu’il n’a aucun pouvoir d’influer sur les décisions de Trump, il se contente d’obtenir des compensations : «Si ça ne tenait qu'à moi, j'achèterais un troisième escadron de F-35».

Bien sûr d'autres Etats pourraient fournir de l'armement aux pays arabes mais, en aucun cas, il serait aussi performant et aussi évolué technologiquement. Ce n'est pas la fourniture d'armes qui est en cause mais la qualité inégalable du matériel américain. Donald Trump a aggravé la situation d'Israël au milieu d'une poudrière.

3 commentaires:

Patrick a dit…

La conclusion est fausse et cinique.
La poudrière était déjà là et Trump a essayé de rassembler des forces contre un ennemi commun bien plus dangereux,; l Iran.

Véronique Allouche a dit…

Article très instructif où l’on voit l’inconséquence d’un président américain générateur de conflits à venir. Ce qui est plus difficile à comprendre c’est la position d’Israël envers ces ventes d’armes car on ne peut pas imputer à Netanyahou la méconnaissance de ces oligarchies arabes.

Georges Kabi a dit…

J'ai l'mpression que Trump n'a pas reflechi suffisamment avant de conclure ces marches. Ce n'est pas seulement la ventev qui l'interessait mais surtout la diminution du nombre de chomeurs americains. Joe Biden, si il a choisi de conclure avec les Iraniens annulera ces ventes. Et ce sera un coup de tonnerre dans le ciel bleu d'Israel.