LE BEST-OF DES ARTICLES LES PLUS LUS DU SITE, cliquer sur l'image pour lire l'article


 

dimanche 3 janvier 2021

Billet d'humeur : La politique, un art ou un métier

 

Billet d’humeur

LA POLITIQUE, UN ART OU UN MÉTIER


Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps


        

          La politique est d’abord une vocation et ensuite un métier qui exige de la patience et de la persévérance. Un véritable homme politique n’a pas peur des échecs qui d’ailleurs consolident son assise. C’est à cela qu’on le distingue de tout autre citoyen. Le général de Gaulle avait été renvoyé par les Français puis est retourné par la grande porte. François Mitterrand a eu deux échecs aux présidentielles avant d’être élu. Jacques Chirac aussi. Netanyahou avait été humilié par Ariel Sharon aux élections du 28 mars 2006, obtenant autant de sièges que Shass. Il avait sauvé de justesse sa place de chef de l’opposition. Mais il ne s’est pas découragé et il a rebondi pour devenir ensuite premier ministre pendant douze années. C’est ainsi que l’on reconnait les vrais politiciens qui comprennent qu’il faut alterner les échecs et les victoires. En fait, c’est cela le métier.


Ashkenazi, Netanyahou et Gantz

            Ce n’est pas le cas des généraux entrés à la Knesset qui ont perdu une bataille politique et qui ont assimilé cela à la perte de la guerre. Au premier échec ils quittent la scène politique alors qu’à Tsahal ils ont surtout été formés à l’endurance, à tenir coûte que coûte tant que subsiste un simple souffle, un simple espoir. Ils ont ainsi prouvé qu’ils n’étaient pas faits pour la politique car à la première embûche, ils désertent et se retirent de la compétition. Benny Gantz a montré en revanche qu’il avait de la persévérance puisqu'il poursuit la lutte alors qu’on le poussait à se retirer. Le métier est bien entré en lui.

            À l’opposé, certains ont une haute opinion d’eux-mêmes, un ego surdimensionné en estimant qu’ils n’ont pas obtenu la place qu’ils méritaient. Alors ils lâchent la proie pour l’ombre. Ofer Shelah disposait d’une seconde ou troisième place éligible au sein de Yesh Atid qui lui assurait une réélection automatique mais il veut être calife à la place du calife, en pensant pouvoir détrôner le créateur de son parti, Yaïr Lapid. S’il ne trouve pas une bonne âme pour le repêcher, alors son avenir à la Knesset est bouché.

Ofer Shelah
            Enfin il y a ceux qui sont prêts à tout pour survivre, même s’ils doivent faire le grand écart. Orly Levy-Abecassis avait sa troisième place assurée au parti Israël Beitenou d’Avigdor Lieberman. Elle détonnait en tant que séfarade dans un milieu de Russes; c'était une qualité  Mais elle voulait devenir cheffe. Si elle était certes une bonne locomotive, elle n’a pas réussi à convaincre à la tête de son parti, Gesher, à la dérive aujourd'hui. Alors elle a voyagé au sein de l’échiquier politique, de la droite nationaliste vers la gauche, aux côtés des Travaillistes et de Meretz pour, à présent, mendier une place au Likoud, lui-aussi en difficulté. Tout est bon pour elle afin de garder son mandat à la Knesset. Elle a compris le sens de l’engagement politique en résistant, quitte à se disperser de la droite nationaliste à la gauche, voire à trahir.

Leaders Bleu-Blanc
            Le quarteron mené par Benny Gantz avait eu l’avantage de donner un souffle nouveau à la politique israélienne sclérosée par la dictature des partis. Des nouveaux venus, des novices souvent, avaient réussi à créer un équilibre judicieux face aux professionnels de la politique.  Ils avaient vite compris qu’ils devaient expliquer, clarifier, convaincre mais certains sont restés ternes parce qu’ils n’avaient pas de parole maîtrisée. Il leur manquait la rhétorique qui n’était pas leur fort, ce qui n’a pas fait d’eux de bons politiques. Ils manquaient de métier car ils n’ont réussi ni à entrainer le peuple ni à le manipuler. L’expérience manquait pour apprendre les règles et les pratiques de la politique qui implique des coups bas et des ruses s’opposant à l’intérêt général. Alors ils n’ont pas persévéré et, au lieu de s’accrocher, ils ont fui le combat. Tous les partis du centre, ceux qui ont tenté l’expérience des élections au fil de l’Histoire d’Israël, se sont désintégrés en une mandature parce qu’ils n’ont pas résisté à l’échec et parce qu’ils étaient trop pressés; la patience étant une vertu en politique.



La politique n’implique pas d’être compétent, même pour être ministre, mais d’être capable de constituer un réseau de personnes, d’avoir des qualités de négociation, un art rhétorique et une prudence. La politique ne s’apprend pas comme un savoir technique ou une compétence universitaire. Elle s’acquiert dans la pratique à condition de l’orienter vers la recherche du bien commun, seule condition pour être adoubé par les électeurs. Si les vertus permettent de conquérir le pouvoir, la prudence et la persévérance nécessitent un apprentissage sur un temps long, pour apprécier les contextes et les situations sans tomber dans la mégalomanie. Mais dans une démocratie, il faut ajouter à l’art politique, non pas le métier, mais la passion pour la chose publique. Cela s’apprend avec le temps.

4 commentaires:

bliahphilippe a dit…

Sans s'en rendre compte quel satisfecit donné à Natanyahou: il a réuni toutes les qualités requises.
Ici je ne dispose malheureusement pas d'émoricones affichant un sourire amusé.

bliahphilippe a dit…

Quel beau satisfecit donné à Natanyahou qui réunit toutes les qualités requises décrites dans votre article !!
Permettez que j'affiche virtuellement ici un émoticone amusé.

Yaakov NEEMAN a dit…

Merci, Jacques, pour cette intrusion dans un univers que les citoyens de soug-beth connaissent peu. Mais il y a une dimension qu'il faudrait souligner dans la psychologie de l'homo politicus : c'est l'aventure, le goût du combat, le plaisir de diriger la meute. Je crois que Yaïr Lapid incarne le mieux ce type d'homme. Après avoir été présentateur à la télévision et auteur de romans policiers, la politique lui a offert la possibilité de se mesurer à toutes les aspérités de l'actualité. Certes, cette motivation ne suffit pas pour en faire un homme d'Etat, ni à lui donner l'aptitude à régler tous les problèmes, comme on l'a vu quand il était aux Finances... Reste que cette succession de victoires et d'échecs, que vous soulignez, c'est grisant. Etre contraint de se battre pour réapparaître, cela vous revigore un bonhomme. Mais allons plus loin : les affaires publiques sont trop sérieuses pour être abandonnées à des amateurs d'émotions fortes. Le grand rabbin Sacks, récemment disparu, a défini les 7 principes qui devraient guider un leader authentique : 1) Etre vraiment au service des autres. 2) Assumer tout ce qui se passe 3) Etre guidé par une vision 4) Enseigner plutôt que commander 5) Estimer ceux que l'on dirige 6) Savoir quand parler et pour dire quoi 7) Former des successeurs, qui reprendront le flambeau. On pourrait ajouter d'autres qualités indispensables : l'empathie et le courage physique...

Leia Max a dit…

La politique est un métier et un art...Je n'ai jamais été encarté nulle part mais j'ai pris le parti de Gantz. Certes, il n'est pas du métier, mais il est très concerné par la chose publique et n'a pas hésité à ne pas appliquer une "règle du parti" afin de servir au mieux dans l'intérêt des citoyens. Il est bien dommage qu'il n'ait pas martelé ses raisons, ce qui fait que même dans son parti, il ne soit ni suivi, ni compris...par certains. Je lui suis reconnaissante d'avoir essayé. Je crains qu'il ne finisse par jeter l'éponge, ce qui serait bien dommage à mon humble avis.