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dimanche 10 janvier 2021

Les nouveaux partis ne font pas recette en Israël

 

LES NOUVEAUX PARTIS NE FONT PAS RECETTE EN ISRAËL

Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps




          Les nouveaux partis ne font pas recette en Israël. En s’appuyant sur plusieurs sondages de source différente, certains n’arrivent même pas à dépasser le seuil d’éligibilité. Certes on peut faire dire ce que l’on veut aux sondages qui se sont souvent trompés, mais ils donnent une image furtive des clans à un instant donné. Il existe beaucoup d’explications au phénomène de mise à l’écart des nouveaux venus. D’une part le choix est suffisamment large avec les partis existants, qui recouvrent déjà toute la palette politique, pour ne pas ajouter au désordre. D’autre part, comme nous l’avions écrit dans un article précédent, il faut beaucoup de financement pour s’ouvrir aux médias et parvenir jusqu’aux électeurs. La politique est ainsi devenue l’affaire des partis riches.


Lapid Shelah

Mais la raison principale reste que les nouveaux partis n’apportent rien de transcendant à l’existant car l’idéologie politique est absente du débat. Alors, on cherche à ne pas brusquer la population en affichant des positions neutres, ni de droite, ni de gauche mais centristes, ce qui ne veut rien dire mais cela fédère un peu plus. Or les partis centristes ne manquent pas en Israël et les nouveaux ne construisent rien de plus à l’édifice politique du pays pour se faire adouber en masse. Il s’agit surtout d’une question d’ego et de personnes. Rien ne distingue Yaïr Lapid de Ofer Shelah (0,9% des intentions de vote), de Benny Gantz et même de Ron Huldaï. Le maire de Tel-Aviv, crédité de 4 à 6 sièges, a toujours émargé chez les Travaillistes et aujourd’hui il semble s’en affranchir car la Gauche fait peur, la vraie Gauche pas les «Gauchistes». Rien ne distingue le parti de Gideon Saar de Yamina et même de l’extrême-droite sinon une question de personne et d’égo.

          La gauche historique, celle de Ben Gourion et de Rabin, contrairement aux Centristes a des projets pour les défavorisés, pour une solution honorable avec les Palestiniens, pour une répartition juste de la richesse du pays mais elle n’a pas choisi un leader acceptable, charismatique, désintéressé de ses questions personnelles. Or, les différences s’accentuent en Israël entre ceux qui deviennent de plus en plus riches et ceux, parmi la classe moyenne, qui ont des difficultés parfois pour survivre, pour se loger et pour prospérer. On masque alors la pauvreté en parlant du danger palestinien et des implantations. Latet, organisation d'aide à but non lucratif, fondée en 1996 par un nouvel immigré de France, Gilles Darmon, est débordée aujourd’hui et n’arrive plus à satisfaire les demandes des familles en difficulté, a fortiori depuis la crise du coronavirus. Il n'est pas normal qu'un pays riche comme Israël compte deux millions de pauvres comme l'atteste cette vidéo. 



Alors, parce que le choix n’est pas clair, les électeurs préfèrent l’existant plutôt que l’aventure. Trop de monde se bouscule au Centre, ce ventre mou de la politique qui n’ose pas affirmer ses marques, oscillant entre le nationalisme et la neutralité stérile. D’ailleurs les partis centristes ont eu une durée de vie très limitée. En fait il faut remettre la politique au centre des choix. Il ne faut pas avancer masqués. On ne peut pas avoir pour stratégie unique de se prononcer pour ou contre Netanyahou et de continuer à manifester devant son domicile alors que le bulletin de vote existe pour marquer son choix. Les leaders des contestataires des rues, qui exigent le départ du premier ministre, ne se frottent pas au suffrage universel pour mesurer l’audience qu’ils ont auprès de la population. Le temps n’est plus à la discussion mais à l’action.

Il faut un programme politique sérieux qui se distingue des options uniquement axées sur les implantations. Il faut d’abord penser à Israël avant de se préoccuper de la Cisjordanie. Beaucoup de travail est attendu en Galilée pour révolutionner la région et lui donner l’essor indispensable pour équilibrer le pays et les populations. Ben Gourion avait misé sur le Néguev mais ses successeurs l’ont ignoré préférant construire des routes en Cisjordanie plutôt que de rapprocher Eilat du centre du pays. Et l’on voit aujourd’hui le drame d’une ville, qui ne vit que grâce à l’étranger et qui s’enfonce dans le désastre économique car on ne favorise pas le tourisme intérieur par manque de transports rapides. On attend toujours le TGV qui mettra la ville à une heure de Tel-Aviv.

Yaron Zelekha

Même les experts financiers ne font pas recette à l’instar de l’ancien comptable général du ministère des Finances, Yaron Zelekha, qui a décidé de former un nouveau parti socio-économique. En fait il a commis l’erreur de ne pas mettre l’accent sur la nécessité de changer les paradigmes économiques du pays mais il a ouvertement annoncé que son objectif était d'être ministre des Finances. Encore une question de personne ; il ne récolte que seulement 1,3% des intentions de vote face aux 3,25% indispensables pour entrer à la Knesset.



Certes «un mouvement de contestation sans précédent en Israël, est né il y a six mois. Il a rassemblé au-delà de tout clivage sectoriel et partisan, et il perdure» mais il ne débouche sur aucune solution concrète car rien ne se décide dans la rue mais à la Knesset. Encore faut-il y entrer. Des débats et des rencontres, c’est parfait pour la réflexion, mais à un moment il faut sauter le pas et entrer en politique pour changer les choses si l’on veut avancer. Les «révolutionnaires» attendent que les autres se chargent de leurs problèmes, n’osant pas eux-mêmes croiser le fer avec l’ennemi.

Alors dans cette situation de stagnation, il ne faut pas s’étonner que Benjamin Netanyahou surfe au sommet des sondages. Mais c’est la démocratie même si certains estiment qu’il la bafoue. Si les Israéliens usent de leur bulletin de vote pour le maintenir, il faut se plier au lieu de battre sa coulpe. Les partis politiques proposent et le peuple dispose. Au lieu de s'unir, ils se scindent pour mieux se désagréger.

 

6 commentaires:

Leia Max a dit…

Encore une bonne analyse ! J'ai été étonnée qu'il n'y ait aucun débat politique en Israël. Les programmes sont insipides et vagues. Aucun parti ne donne une vision claire de directions qu'il veut suivre. Des sujets cruciaux ne sont jamais abordés avec précision ( ce qu'on veut et comment on va procéder), comme l'Ecologie,la Santé,les monopoles,l'Education,la place de la Religion dans l'Etat...On en reste à l'homme providentiel attendu, le Messie! On ne lui demande pas un programme avec des idées mais un Ego plus fort que celui des autres! Et l'opposition ( à quoi exactement, si ce n'est à Bibi ?), au lieu d'avoir un programme commun, s'émiette en partis encore plus petits, histoire d'être balayée! C'est affligeant, désespérant ! Car qui va avoir beau jeu là dedans ?

Henri OLTUSKI a dit…

Les Israéliens en ont marre de la politique .Ils se font soit manipuler ,soit trahi par les politiciens de tous bords

Harry NUSSBAUM a dit…

Analyse hélas fort pertinente. Où donc est passée cette pépinière de leaders politiques qui a enfanté des Ben Gurion, des Golda Meir, des Menahem Begin, des Itzhak Rabin et des Ariel Sharon ? Tous, malgré leurs abyssales différences d'opinion, avaient en commun des objectifs clairs et désintéressés quant aux besoins du pays, bien au delà des mesquins calculs personnels. C'étaient des hommes (et des femmes) d'état, pas des politicards.

Jean Corcos a dit…

Analyse claire, une fois de plus et ... désespérante !
Je ne suis pas citoyen israélien, mais l'avenir et la prospérité de ce peuple me touchent plus que ceux d'autres nations et c'est bien naturel.

Aux sujets que tu as listés et qui sont cruciaux, je me permets d'en ajouter quelques uns qui me viennent à l'esprit après compilation de l'actualité des dernières années :

1) Le dérèglement climatique multiplie partout les désastres, ici inondations, là incendies dramatiques, sans parler du risque sismique élevé dans le pays : est-il normal pour un pays avancé de mendier des Canadairs à chaque fois que les forêts brûlent ? Quels sont les objectifs précis pour réduire l'empreinte carbone ? Ou diminuer la pollution ?

2) Combien de temps encore des "partis ethniques" qui sont la honte d'une démocratie moderne, "orthodoxes séfarades", "orthodoxes ashkénazes", "arabes", etc. ? En France, les grandes gueules communautaires se sont la courte échelle pour dénoncer le communautarisme musulman, mais les mêmes se taisent face à ce communautarisme aveuglant en Israël.

3) La survie du pays repose sur son avance technologique. Mais le niveau scolaire baisse régulièrement, et beaucoup de chercheurs vont réussir ailleurs une carrière mieux payée. On rétorquera que c'est pire en France, mais justement en tant que Français je pense et dit que c'est une catastrophe : mais quel politique en parle en Israël ?

4) La politique étrangère a favorisé l'amitié non pas avec des "populistes" (il y a des populistes gentlemen comme Boris Johnson), mais des populistes voyous, aujourd'hui rejetés avec horreur dans leur propre pays et dont on ne donnera pas les noms. Ne faut-il pas se rapprocher des démocrates, même quand ils sont parfois critiques ?

Quelques pistes, donc.

Francis MORITZ a dit…

A certains égards, on peut estimer que la situation actuelle est le reflet de la démocratie et de la libre expression. Pour autant, ce spectacle est décevant. C’est à qui quittera son parti d’origine pour en former un nouveau. L’absence de leaders proposant autre chose que de remplacer le calife pour prendre sa place, est aussi lamentable qu’il est inquiétant. On s’attendrait à ce que les hommes politiques en présence, conscients des problèmes actuels et futurs de l’état, aient un autre comportement dont le seul objectif est d’être premier ministre. Ca me rappelle 2 slogans populaires à 2 époques différentes, laver plus blanc que blanc et tout sauf Sarko, puis tout sauf Hollande.
En fait sauf mauvaise compréhension de ma part, aucun de ces hommes politiques n’a proposé comme objectif de reformer le système électoral actuel qui ne produit que des déboires et constitue manifestement une source de difficultés plus que la représentation de la démocratie. Les partis éclosent comme des champignons, on passe allègrement d’un parti à un autre. Un ancien ministre déjà condamné dans le passé est toujours en politique et ministre. On s’allie puis on se mésallie. Bref, il est à craindre que quand le bal sera terminé et que l’orchestre se sera tu, que les lampions seront éteints, on ne retrouve les mêmes danseurs, certes qui auront un peu vieillis, mais les mêmes qui continueront à lever la jambe. Alors la question, les citoyens méritent-ils ce qui leur arrivent ou eux mêmes s’accommodent-ils de cette confusion permanente, serait ce peut-être une question pour les successeurs du Dr Freud ?


andre a dit…

Une seule question : c’est quoi la solution honorable pour les palestiniens ? Quand l’ont ils définie ? Quand ont ils accepté une proposition des Israéliens ou des saoudiens ou des américains ? Tant qu’ils seront décidés à dire non à toute solution qui ne soit pas le remplacement de l’ État juif par un État palestinien en une ou deux périodes , la gauche sera laminée et le centre servira de réservoir de voix !
André Simon Mamou
Tribune juive