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samedi 28 mars 2020

Démocratie à l'israélienne


DÉMOCRATIE À L’ISRAÉLIENNE

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
            
Ouverture de la nouvelle Knesset avec peu de présents
          La droite en Israël a été au pouvoir depuis 1977 à l’exception de la parenthèse d’Yitzhak Rabin du 13 juillet 1992 au 4 novembre 1995. Elle a donc raté le coche à plusieurs occasions. Elle aurait pu modifier les Lois fondamentales qui servent de Constitution en réduisant les pouvoirs de la Cour Suprême, voire la dissoudre, pour empêcher tout contre-pouvoir contre la Knesset. Elle ne l’a pas fait. Elle aurait pu décider d’interdire les partis arabes sous prétexte d’antisionisme ou d’antisémitisme. Elle ne l’a pas fait. Au contraire les partis arabes ont prospéré pour atteindre aujourd’hui 15 députés, le troisième parti du pays. Elle ne l’a pas fait car elle voulait ménager l’avenir et se prémunir contre une éventuelle dictature qui pouvait abattre la seule démocratie de la région en risquant de laisser les mains libres à un clan qui s’attribuerait un jour tous les pouvoirs. Cela était sensé et prudent.



Quinze membres de la Cour suprême

            Ainsi, depuis 1995, la Cour suprême d'Israël exerce un contrôle intense de la constitutionnalité des lois dont elle précise les contours et qu'elle utilise efficacement pour protéger à la fois les droits fondamentaux et les valeurs de l'État d'Israël. C’est pourquoi on ne comprend pas aujourd’hui que les décisions de la Cour suprême ne soient pas respectées dès lors qu’on l’a autorisée à exister légalement. On ne peut pas penser que les 15 membres de la Cour soient tous pourris ou tous "gauchistes"; ce serait désespérer d'Israël. Ils se contentent de dire le droit.
            Après avoir entendu le 22 mars les doléances du groupe Kahol-Lavan, la Cour suprême, la plus haute instance du pays, a lancé le 23 mars un ultimatum voilé à Yuli Edelstein. Cinq juges de la Haute Cour ont ordonné à l'unanimité au président de la Knesset de répondre s'il décidait d’organiser le vote d'un nouveau président de la Knesset, ce mercredi à 17 heures. Dans leur décision, les juges ont laissé entendre à Edelstein que s'il ne répondait pas à la proposition et ne donnait pas son consentement, ils pourraient accepter la pétition et se prononcer contre lui.
Edelstein

            La première salve est venue du député d’extrême-droite Bezalel Smotrich.  Le ministre des Transports a appelé le président de la Knesset, Yuli Edelstein, à ne pas se conformer à l'ultimatum implicite fixé par les juges de la Cour suprême. Il a été suivi le soir par Yuli Edelstein lui-même qui a rejeté l’injonction de la Cour suprême, qu’il qualifie d‘ingérence dans les pouvoirs du Parlement. La crise politique est actée.
            La présidente de la Cour suprême, Esther Hayut, a justifié sa décision «le refus persistant d'autoriser un vote complet à la Knesset pour l'élection d'un président permanent de la Knesset sape les fondements du processus démocratique». Yuli Edelstein a répondu à la Cour : «Je crois que l'intervention du tribunal dans le calendrier de la Knesset est une intrusion sans précédent dans une affaire politique. Je ne suis pas en mesure de déterminer une date exacte et je déciderai quand le paysage politique deviendra clair».

Esther Hayut

            L’épreuve de force a été engagée qui se soldera certainement par la défaite de la démocratie. Le numéro-2 du régime refuse ouvertement d’appliquer les règles démocratiques en vigueur : «Si le juge en chef Hayut veut se placer au-dessus de la Knesset, elle est invitée à arriver au bâtiment avec ses gardes et à ouvrir la session elle-même. De cette façon, il sera clair que nous assistons à un coup d'État».
            En plus de remplacer le président du Parlement, Gantz cherche effectivement à adopter une législation qui imposerait des limites de mandat au Premier ministre (pas plus de deux mandats de quatre ans) et interdirait à un homme politique inculpé, comme Netanyahou, d'être Premier ministre.
            Un combat de juristes est engagé. Edelstein s'est appuyé sur son propre conseil juridique pour faire valoir qu'il a le pouvoir discrétionnaire de convoquer le Parlement, et il a rejeté les allégations selon lesquelles il ferait échec aux procédures démocratiques. Mais Avichai Mandelblit, le procureur général d'Israël nommé par Netanyahou, a déclaré à la Cour suprême que les mesures d'urgence contre le coronavirus ne devraient pas empêcher le Parlement de se réunir et de s'acquitter de ses fonctions.
Amir Ohana
            Pourtant lors de sa nomination, le ministre de la justice Amir Ohana avait précisé que «Nous devons respecter les décisions des tribunaux». Mais il s’est vite empressé de les fermer pour éviter qu’ils se prononcent sur la culpabilité ou non de Netanyahou. La présidente de la Cour suprême a fustigé l'irresponsabilité d'Amir Ohana qui a suggéré que les décisions judiciaires ne devaient pas toutes être respectées.
            Cependant il est important que la Knesset puisse travailler même au ralenti. La Commission des arrangements de la Knesset, constituée de 9 députés de l’opposition et de 8 députés de la majorité sortante, a déjà pris des décisions qui préfigurent le contour de la majorité d’alternance. Les représentants du Likoud ont donc préféré se retirer en laissant le champ libre à Kahol-Lavan et à ses alliés. 
          La Commission a voté en faveur de la création d'une commission temporaire des affaires étrangères et de la défense, dirigée par le député Bleu-Blanc Gabi Ashkenazi. Elle a nommé le député Oded Forer du parti Israël Beitenou à la tête de la commission des finances. Le député Nitzan Horowitz de Labour-Meretz présidera la commission de l’éducation. En outre, une commission pour éradiquer la criminalité dans le secteur arabe est mise en place et sera dirigée par le député arabe Mansour Abbas de la liste commune. Une commission spéciale pour le domaine du travail et les questions sociales sera dirigée par un parlementaire de la Liste Arabe Unie. Avi Nissenkorn sera à la tête de la commission de contrôle. Une commission spéciale Coronavirus a été confiée à Ofer Shelah. 

            Il est certain que la perspective d'un gouvernement d’union nationale s'estompe dès lors que le président de la Knesset, Yuli Edelstein, refuse de s'engager sur une date pour le vote de son éventuel remplaçant. Les perspectives sont sombres. Ce sera soit un gouvernement avec le soutien des partis arabes, soit le recours à de nouvelles élections qui enfonceront le pays encore plus dans le chaos. Depuis plus d’un an le pays est en roue libre ; la crise économique est là et chacun des dirigeants joue son va-tout pendant que le coronavirus rode pour décimer une partie de la population.

2 commentaires:

Harry NUSSBAUM a dit…

La démocratie israélienne n'a jamais été aussi fragile. Les pires prétextes juridiques sont invoqués pour en gripper les rouages. Les accusations lancées contre ceux dont la tâche est de dire le droit sont le signe caractéristique de la montée du fascisme.

andre a dit…

Lapid veut arriver au poste de Premier ministre !
Un gouvernement d’union Netanyahu puis Gantz sonnerait le glas de ses ambitions .
Il a fait accepter par les trois retraités une alliance avec Israël Beteinou qui exclut les religieux puis une alliance avec la Liste Arabe qui comporte au moins 4 députés communistes arabes !
Jusqu’où descendra Kahol Lavan pour satisfaire Bel Ami ?
André Mamou
Tribune juive