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lundi 28 octobre 2019

L'Iran impliqué au Liban se trompe totalement de stratégie



L’IRAN IMPLIQUÉ AU LIBAN SE TROMPE TOTALEMENT DE STRATÉGIE

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
            
Khamenei, Nasrallah et Soleimani 

         Depuis plusieurs années, après l’intégration du Hezbollah au sein du gouvernement du général Aoun, le Liban est devenu le monopole de l’Iran qui dispose par ailleurs de forces fidèles à proximité, en Syrie et en Irak. C'est pourquoi les États-Unis ont imposé des sanctions aux principaux acteurs de la milice chiite. Il s’agit de geler les entrées financières du Hezbollah en provenance d’Amérique latine, d’Afrique et d’Australie. Les ressources proviennent essentiellement du trafic de drogue, de la contrebande de cigarettes et même de faux médicaments.


            
Peu d'argent est distribué à la population

        Téhéran avait chargé le Hezbollah de missions au-delà des frontières libanaises pour le transformer en mercenaire pour ses actions en Syrie, en Irak et au Yémen. Le Liban est devenu progressivement le centre de propagande et financier de l’Iran pour contrecarrer les sanctions américaines. Avec l’accord tacite du président Aoun, le Hezbollah s'est emparé du contrôle presque total de l'État : l'aéroport, les ports, les points de passage des frontières, les réseaux téléphoniques, la sécurité et les ministères des services. Cette mainmise totale a poussé les États-Unis à imposer de nouvelles sanctions qui semblent cependant avoir des conséquences très limitées.
            La révolution libanaise, qui a pris pour prétexte la taxation des communications téléphoniques, exprime en fait la volonté des Libanais de s'opposer à la confrontation du Hezbollah avec les Occidentaux. Pris en otages, le peuple libanais, et parmi lui les chiites, s'est élevé publiquement contre la milice chiite au point de l’affronter dans ses fiefs traditionnels de Nabatiyeh et de Baalbek-Hermel. Le Liban, qui a été une petite Suisse prospère, connaît à présent ses pires jours face à un système politique défaillant, des intérêts multiples qui ignorent ceux du pays et une division du peuple qui n’est pas essentiellement due à la situation communautaire.
Soleimani et son adjoint

            Le peuple est resté passif pendant toute la période où le Hezbollah s’infiltrait dans tous les rouages du pays et ce ne sont pas les avertissements israéliens qui ont manqué. L’économie est en chute libre tandis que les dirigeants politiques restent inertes. Le grand maître d’œuvre de l’infiltration de l’Iran est le général Soleimani qui semble à présent dans l’erreur. Pour acquérir le soutien de la population, il a organisé en sous-main les manifestations au Liban à partir du slogan «solidarité avec la Palestine». 

        Israël a toujours été le ciment de toutes les contradictions. La  révolte légitime du peuple libanais est devenue une action anti israélienne pour détourner l’attention sur les vrais problèmes. Les photos de presse sont éloquents en la matière puisque l’on voit des dizaines de personnes brûler les drapeaux israélien et américain à Beyrouth avec des slogans surréalistes de «résistants libanais» appelant au djihad contre les «sionistes meurtriers et le grand Satan américain». Il s’agit d’un anachronisme qui ramène à l’époque des précédentes décennies, Israël étant le bouc émissaire.
            Le général Qassem Soleimani, qui a installé une tête de pont iranienne pour la conquête du Moyen-Orient à base d’idéologie Khomeyniste, a réussi grâce aux milliards de dollars investis au Liban. Téhéran se vante que le Liban est le seul pays où les Iraniens contrôlent tous les leviers du pouvoir, de la présidence aux services de sécurité, en passant par le Conseil des ministres et le parlement. Ils ont établi des alliances avec des familles puissantes, ethniques et sectaires qui ont la main sur plusieurs régions du Liban.

            À Gaza, Téhéran maintient aussi son influence grâce aux fonds importants distribués au Hamas, la branche palestinienne des Frères musulmans. Cependant, la rivalité idéologique entre le khomeynisme et celle des Frères freine, pour l’instant, la mainmise totale iranienne.  
          Selon la presse iranienne, Soleimani se targue que le Liban est l’exemple éclatant de son succès dans la construction d'un empire, même un peu éloigné de la réalité des mollahs. Il se présente en tant que maître stratège capable d'affronter Tsahal avec la conviction qu’il pourra l’amener jusqu’à sa destruction. Il prétend qu’il a obligé Israël à renoncer à «la stratégie de guerre préventive de Ben Gourion» impliquant ainsi que Tsahal a perdu ses capacités de dissuasion. Il en déduit qu'Israël ne déclencherait jamais de guerre préventive contre l’Iran. Mais dans son raisonnement biaisé, il omet de préciser qu’Israël a perpétré plus de 300 attaques contre des cibles iraniennes en Syrie et en Irak, faisant des centaines de morts.
Soleimani sur le terrain

            Il ne cache plus que le Liban est son objectif principal, a fortiori lorsque le pays est sans gouvernement propre. Il se vante de ses déplacements permanents en maître dans le pays et de l'introduction des flots d'armes, y compris des milliers de missiles, déversés au Liban via l'Irak et la Syrie. Il s’y comporte en proconsul, ne s’embarrassant d’aucune clause préliminaire avec le gouvernement libanais.
           Sa puissance est telle qu'il pourrait, s’il le voulait, déclencher une guerre sans l’accord du président libanais, du Premier ministre, du ministre de la Défense et du chef de l'armée. Il se comporte en maître absolu doté d’un pouvoir illimité. Il se soucie peu d’éventuelles victimes libanaises qu'une guerre entraînerait, surtout si selon lui il s'agit des «frères sunnites et chrétiens assis dans leurs villages, fumant du narguilé et buvant du thé, alors que le Hezbollah se bat pour détruire l'ennemi sioniste. Le Hezbollah est le principal protecteur de la nation libanaise».
            Mais il surestime son pouvoir face à des Libanais qui dans les moments difficiles ont toujours transcendé les clivages sectaires et politiques, qui s’orientent vers le monde moderne plutôt que vers l’anachronisme des barbus iraniens, qui ont toujours visé la Méditerranée plutôt que le Golfe persique, et qui vomissent l’idéologie khomeyniste. Soleimani devrait craindre un retour de bâton d’une population excédée par la mainmise chiite. Le peuple libanais, très pacifique, a des ressorts inattendus. 
       Le général iranien a tort de se vanter ainsi sachant qu’il s’est mis à dos tant de Libanais qui pourraient, le jour venu, aider à le mettre face à ses ennemis israéliens. Tsahal y songe à présent sérieusement. Le chef du Mossad, Yossi Cohen, vient de déclarer que «l’iranien Soleimani sait que son assassinat n’est pas impossible». Si Abu Bakr Al-Baghdadi a été éliminé par les forces spéciales, rien n'est impossible. Trop sûr de lui, Soleimani ne se rend pas compte que sa stratégie au Liban n'a plus cours.

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