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dimanche 5 août 2012

SYRIE : APRÈS LES PALESTINIENS, LES ARMÉNIENS



PRESSION EN SYRIE :

APRÈS LES PALESTINIENS, LES ARMÉNIENS

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps

            La Syrie inquiète ses minorités au point de les voir fuir le pays après des dizaines d’années ou des siècles de séjour. Comme les palestiniens, les arméniens sont sous la pression des clans qui se battent en Syrie. Il existe d’ailleurs une communauté de destin et de malheur entre le peuple juif et le peuple arménien. Ils ont souffert dans leur chair le drame des minorités persécutées et celui d’un génocide que certains nient encore. Parce que ces minorités n’avaient pas de patrie, elles ont subi l’horreur dans toute sa définition.



Minorité protégée

Les arméniens sont restés neutres dans la crise du régime de Damas mais, comme les autres chrétiens, ils étaient protégés par les dirigeants de Syrie. La famille Assad, issue de la minorité chiite alaouite, s’est appuyée sur les minorités pour gouverner. Mais les arméniens redoutent aujourd’hui de devoir subir le sort des chrétiens d’Irak, qui ont fui massivement le pays après la chute du régime de Saddam Hussein. 
Alep à feu et à sang 
Ils sont soumis à une pression croissante qui ne peut plus leur permettre la neutralité. Les jeunes sont inquiets de la conscription dans une armée syrienne qui tire sur la population.  Ils craignent d’être les boucs émissaires, en cas de victoire des rebelles majoritairement musulmans sunnites, qui leur feront payer leur allégeance au régime Assad.
Les persécutions endurées par les arméniens ne semblent pas émouvoir le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan qui, après ses fantaisies de rejoindre l’axe du mal personnifié par l’Iran et la Syrie, a menacé d’expulser les arméniens de son pays parce qu’il n’était pas d’accord avec la sémantique qualifiant le crime abominable turc. Le message a été entendu et les arméniens de Syrie n’ont pas choisi de traverser la frontière turque.

Influence des parrains

        Avec la révolution en Syrie, les lignes ont bougé et les régimes ont subi l’influence imposée par leurs parrains. Les russes ont choisi de soutenir les arméniens tandis que les américains soutiennent la Turquie car ils ont leur regard fixé sur les ressources en gaz et en pétrole de la région. Mais la Turquie a décidé de geler les échanges avec l’Arménie et de fermer sa frontière parce qu’Erevan exige la reconnaissance officielle du génocide arménien de 1915. 
Les troubles de Syrie ont poussé les turcs à refuser, par une rancune tenace, l’entrée en Turquie des arméniens qui sont contraints de fuir en masse par autocars vers Erevan, la capitale d’Arménie. Par milliers, ils fuient le chaos et les massacres dans un pays qui les a vus naitre. L’Arménie se trouve donc confrontée à un afflux de réfugiés qu’elle a décidé d’intégrer malgré le «besoin d’aide de l’État, d’assistance sur les questions économiques, sociales et financières, et des questions d’organisation liées à la citoyenneté».
Leur intégration reste très difficile car ils parlent un dialecte anachronique qui rend impossible la recherche de travail. Les réfugiés ne parlent pas la langue d’un pays dans lequel ils ne sont pas nés et se sentent étrangers dans ce qui devrait être leur patrie. La plupart des arméniens ont quitté en catastrophe la Syrie en abandonnant leurs biens.

Fuite nécessaire
Les arméniens fuient la Syrie

 Le départ des arméniens, qui ont toujours été bien traités, a été rendu nécessaire car, en Syrie, les autorités arméniennes sont dans le collimateur. La pression à la fois des islamistes et de l’opposition syrienne éloigne toute possibilité d’avenir dans un pays qu’ils ont rejoint au lendemain du génocide de leur peuple. Un joaillier arménien a été tué à Damas dans des circonstances non encore élucidées. Alors les fréquences de la compagnie aérienne nationale de l’Arménie, Armavia, ont été augmentées pour faire face à la demande.
Mais les problèmes ont contaminé le Liban au point que les autorités d’Arménie ont été poussés à prendre des mesures qui s’apparente à la «Loi du retour» israélienne. Les syriens et libanais d’origine arménienne peuvent obtenir la nationalité arménienne sur simple demande dans les représentations diplomatiques arméniennes à Beyrouth, Damas et Alep afin de faciliter leur rapatriement.
Arrivée de syriens à Erevan
Selon les services d’immigration à Erevan, 6.000 Arméniens de Syrie ont demandé la citoyenneté arménienne depuis mars 2011, date de la révolution. 80.000 arméniens vivent en Syrie, notamment à Alep, Damas et Kamichli. La plus importante communauté du Moyen-Orient, 140.000, est installée au Liban. Bien que les jeunes de Syrie se sentent étrangers en Arménie, ils préfèrent garantir leur sécurité en obtenant un passeport arménien pour jouir de la double nationalité.

Intégration difficile
Syriens en Arménie

Mais une grande déception attend les réfugiés syriens car ils constatent qu’il est difficile de vivre et de travailler dans leur pays ancestral. Des hommes d’affaires arméniens avaient fait le choix de déménager leur entreprise en Arménie mais ils ont vite déchanté. Ils ont été effrayés par les lois et l’iniquité qui y règnent. Les impôts sont très élevés par rapport à la Syrie et les pots de vin sont monnaie courante. Ils ne retrouvent pas l’atmosphère des affaires qu'ils ont connue en Syrie.
Mais ils risquent de ne pas avoir le choix tant l'avenir en Syrie devient précaire pour eux. La situation à Alep où vit la majorité des arméniens devient intenable car la ville est sous un feu constant qui ne permet pas aux habitants de sortir de leurs habitations.
Cependant l’État et les organismes publics arméniens font tout pour résoudre les problèmes d’intégration et d’emploi des réfugiés qui représentent une manne exceptionnelle pour le pays qui les encourage à investir dans la patrie historique. Le président d’Arménie,  Serge Sarkissian a lancé un appel pressant aux arméniens de la diaspora pour qu’ils prennent la citoyenneté arménienne et investissent dans l’économie du pays, ce qui contribuera à accroître «la force et la prospérité de la patrie».
Une page est en train de se tourner pour les arméniens de Syrie et pour tous les chrétiens du Moyen-Orient qui sont condamnés à priver les pays arabes de leur présence.

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